Evaluation Intermediaire du Projet de Sécurité Alimentaire au Nord-Guéra (PSANG, Phase 1) (1999) - IOE
Evaluation Intermediaire du Projet de Sécurité Alimentaire au Nord-Guéra (PSANG, Phase 1) (1999)
Resumé valide par les partenaires du Psang des principales leçons tirées de l'evaluation de la première phase et des orientations proposées pour une second phase
La validation des conclusions et recommandations brièvement résumées dans les pages qui suivent a constitué le point d'achèvement de l'évaluation intermédiaire du PSANG 1 conduite au Nord-Guéra en avril 1999 par le Bureau de l'Evaluation et des Etudes du FIDA, avec un échantillon de groupements participants et l'ensemble des opérateurs concernés.
Au cours d'une rencontre à N'Djaména le 11 février 2000, la Direction Générale de l'Agriculture du Ministère du développement rural (MDR), tutelle du PSANG 1, les principaux opérateurs du projet (ONDR, DERA, SECADEV, ACORD et Nagdaro)1 et les Divisions Afrique 1 et Evaluation & Etudes du FIDA se sont accordés sur ces conclusions et recommandations et engagés à les prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre d'une seconde phase du PSANG et dans la période de transition devant la précéder. Les demandes de précisions ou points de vue exprimés par les partenaires sur les implications pratiques de certaines recommandations sont résumés en annexe.
Capacités de développement local et organisation paysanne
Par sa démarche partenariale et participative et sa présence dans la durée (1994-99), le PSANG a considérablement élargi et renforcé les relations entre communautés villageoises, ONG et services publics au Nord-Guéra. Il a contribué à établir un climat de confiance dans la population et une capacité de projection dans l'avenir. C'est un résultat appréciable dans une région à risque alimentaire affectée par 25 ans de troubles civils, d'isolement et d'insécurité. Le projet a rencontré des difficultés opérationnelles et les taux de réalisation sont inférieurs aux attentes dans les composantes de développement agricole et d'infrastructures rurales. Cependant, le bilan de la première phase montre des acquis importants en matière d'organisation du milieu, de formation, d'accès au crédit et d'amélioration de la sécurité alimentaire (meilleure accessibilité en période de soudure et diversification des revenus). Ces acquis demandent une consolidation et un engagement plus déterminé vers le transfert de responsabilités aux acteurs locaux et surtout aux organisations paysannes. Les partenaires du projet confirment donc leur accord pour une deuxième phase du projet de 8 ans et approuvent une extension d'un an de la phase actuelle tant pour faciliter la participation des acteurs locaux à la formulation de la phase 2 et permettre la continuité de certains services stratégiques que pour assurer le processus de transition vers un montage institutionnel plus décentralisé et responsabilisant davantage les bénéficiaires. La consolidation des actions positives de la phase 1, l'autonomisation progressive des organisations paysannes et l‘institutionnalisation des services financiers (épargne-crédit et fonds de développement local) devront être parmi les objectifs de cette deuxième phase, sans envisager d'extension géographique au-delà du Nord-Guéra.
Le renforcement et la création de groupements et d'unions ont permis l'amorce d'une dynamique d'initiative pour le développement local mais les capacités de gestion de ces organisations doivent encore être consolidées et leur processus d'autonomisation est à peine entamé. Cette autonomisation passe par une poursuite des efforts d'alphabétisation et de formation et un renforcement des Unions de groupements – par village et par zone - pour dynamiser les échanges d'expériences locales, développer les capacités de maîtrise des circuits de commercialisation agricole et d'approvisionnement en intrants (économies d'échelle et capacités de négociation), internaliser des services de formation et d'appui-conseil, élaborer et gérer en commun des projets d'aménagement fonciers ou d'infrastructures. Le renforcement des unions locales permettra une transformation qualitative des relations entre les organisations paysannes et le projet, nécessaire à un désengagement réussi de ce dernier. A cet égard, le processus de formulation et de lancement de la seconde phase du PSANG est une première occasion à ne pas manquer pour donner un sens beaucoup plus concret aux velléités de participation, de décentralisation et de responsabilisation des acteurs locaux.
L'approche privilégiant l'émergence de petits groupements constitués des éléments les plus dynamiques dans les villages a ses raisons d'être pour des activités économiques, mais ne doit pas conduire à l'ignorance ou à la négligence des formes d'organisation, de solidarité et d'autorité pré-existantes. Surtout, cette approche n'a pas facilité l'accès des catégories les plus vulnérables, notamment les nombreux ménages dirigés par les femmes, aux services proposés par les partenaires du PSANG. Le projet n'a d'ailleurs pas généré l'impact spécifique attendu sur les femmes, et en particulier les femmes chef de ménage. Les efforts de formation et d'organisation visant spécifiquement les femmes, de même que les investissements qui pouvaient contribuer à la réduction de la charge de travail féminine (puits, moulins, transport) ont été nettement insuffisants. Une réduction de la charge de travail domestique des femmes reste une condition de leur engagement accru dans des activités génératrices de revenu. Dans ce domaine une attitude plus volontariste et proactive est nécessaire. Cette nécessité est déjà en partie prise en compte dans les nouvelles activités socio-sanitaires sous financement du Fonds de survie belge (FSB) mais devrait se traduire aussi par une adaptation des autres services (crédit, conseil technique, subvention aux équipements collectifs) aux besoins et projets spécifiques exprimés par les groupements féminins, et par une incitation à l'émergence d'unions de groupements féminins. Un effort particulier doit être engagé dans la formation et l'alphabétisation des femmes et des jeunes filles.
Cultures vivrières et sécurité alimentaire
L'impact du projet sur l'augmentation et la stabilisation de la production céréalière pluviale – principal effet attendu du PSANG - est très en deçà des espoirs optimistes basés sur l'adoption de «paquets techniques» standards (variétés améliorées + protection phytosanitaire + Défense et restauration des sols (DRS). La combinaison des contraintes de faiblesse de la main-d'œuvre disponible, de manque d'équipement, de complexité des droits fonciers et surtout de risque climatique élevé et de pression des ravageurs, constitue un obstacle considérable à une intensification rapide et économiquement viable des cultures de mil et sorgho au Nord-Guéra (sauf subvention prolongée des intrants, équipements et aménagements fonciers). Sous ces contraintes multiples, et en l'absence de subventions bannies par les politiques d'ajustement structurel, les ressources engagées dans des actions de vulgarisation classique cherchant à transférer des technologies exogènes se sont révélées d'une utilité limitée. Le PSANG a eu sans doute - dans sa conception initiale - une vision trop restrictive du concept de sécurité alimentaire tenant peu compte de l'environnement géographique et des avantages comparatifs de la zone. Les premiers effets positifs des banques céréalières et greniers de sécurités, des crédits monétaires et de la diversification agricole montrent d'ailleurs que la sécurisation alimentaire ne dépend pas seulement des rendements céréaliers locaux. Sans préjuger des innovations techniques pouvant émerger d'une recherche-action plus participative sur les systèmes de production locaux, la protection des cultures ou les techniques de Conservation des eaux et des sols (CES)/DRS, c'est par des voies beaucoup plus diversifiées qu'il faut poursuivre l'objectif de sécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire resterait l'objectif central de la seconde phase mais devrait être abordée dans toutes ses dimensions – disponibilité, accès, stabilité – notamment en poursuivant les actions réussies de gestion des stocks vivriers au village, en renforçant les services aux activités génératrices de revenus des ménages vulnérables et en investissant sur les filières de rente (oléagineux, maraîchage, petit élevage, etc) en vue d'augmenter la production mais aussi la captation de la valeur ajoutée par les producteurs (transformation, stockage, commercialisation, transport). Dans ce cadre élargi, des aménagements fonciers diversifiés (bas-fonds et mares, puits maraîchers et pastoraux, pistes d'accès, DRS sur parcelles privées) et la diffusion de la traction animale (culture et transport) peuvent trouver toute leur justification économique. Cette nécessaire diversification des investissements n'appelle pas une multiplication des composantes techniques ou «volets» du PSANG, déjà trop nombreux, mais au contraire un recentrage sur quelques services stratégiques (fonds de subvention, conseil/formation/échange, épargne/crédit) pouvant faciliter la réalisation des projets émanant des individus, groupements et communautés.
Enfin, l'accessibilité au marché des céréales en période de soudure peut être largement améliorée par le développement des infrastructures routières favorisant les échanges interrégionaux. Ce dernier axe d'intervention – même s'il n'est peut-être pas à la portée du PSANG 2 - est important pour le Nord-Guéra étant donné les productions fréquemment excédentaires de sorgho de décrue (berbéré) dans la préfecture voisine du Salamat encore très enclavée en saison des pluies.
Crédit et système financier décentralisé
Le crédit a permis de financer des activités, principalement de nature commerciale, qui ont contribué à l'amélioration de la sécurité alimentaire des ménages. Le montage des demandes et le suivi des opérations par les Comités Locaux de Crédit a permis au fil des années une formation des responsables et un apprentissage diffus dans une région encore peu monétarisée. Ces services de crédit n'ont cependant pas été conçus dans une perspective d'autonomisation et professionnalisation d'une institution de microfinance encore inexistante au Guéra. C'est une des raisons du dérapage des crédits observés en 1997. C'est aussi la raison pour laquelle le projet n'a pas pu établir une offre de services d'épargne individuelle ou collective. L'importance et la nature de la demande militent pour le développement d'institutions de proximités. L'évaluation du PSANG confirme en cela les leçons déjà tirées d'autres expériences en Afrique et la justesse des nouvelles orientations du FIDA dans ce secteur. La seconde phase doit appuyer l'établissement d'une institution de services financiers (épargne et crédit) décentralisée, professionnelle et durable, indépendante des activités d'appui-conseil ou de vulgarisation et basée sur des caisses d'épargne et de crédit autogérées. La promotion de ces caisses, composante spécifique et indépendante du nouveau projet, devrait être confiée à un seul opérateur (en l'occurrence le SECADEV du fait de son expérience du crédit au Nord-Guéra) appuyé ponctuellement par une assistance technique internationale spécialisée en services financiers ruraux en zone sahélienne. Une convention pluriannuelle entre le Gouvernement, l'opérateur local et l'opérateur d'appui régirait cette composante.
Plus généralement, et au-delà des services financiers, le PSANG 2 devra s'investir davantage dans le soutien à l'émergence d'opérateurs privés locaux, en amont et en aval des activités agricoles et pastorales ainsi que dans le secteur des petites infrastructures villageoises. Cette orientation de développement local est d'importance stratégique si l'on veut que la demande rendue solvable par les nouveaux instruments de financement (Fonds de subvention, services d'épargne-crédit) puisse rencontrer et entraîner une offre locale de biens et services durant le projet et après son retrait.
Questions institutionnelles et modalités d'intervention
La stratégie d'intervention du PSANG a favorisé la multiplication des groupements et créé un cadre de concertation entre opérateurs. Les synergies développées entre directions locales des opérateurs à Mongo et entre agents de terrain dans les villages constituent un gain très important qui doit être préservé et renforcé. Mais les acteurs locaux - notamment les ONG et les unions de groupements – peuvent et veulent jouer pleinement leur rôle en étant responsables des actions en amont (conception/programmation) aussi bien qu'en aval (exécution/évaluation). Ils acceptent difficilement d'être de simples exécutants. D'autre part, les cadres qui doivent négocier les conventions sur le terrain n'ont pas suffisamment de pouvoir décisionnel. C'est encore au niveau national et international que les procédures sont définies et que les choix programmatiques sont validés ou non, à la lumière des prévisions du rapport de pré-évaluation. Or, il ne peut y avoir de véritable partenariat entre acteurs locaux sans possibilité de négociation locale des grandes orientations, des procédures et des modalités d'intervention. A ce titre, c'est dès la phase de formulation du projet et tout au long de son engagement et de son désengagement progressif que les principaux acteurs locaux doivent être partie prenante de l'initiative et co-responsables de sa conception et de son pilotage. Un statut reconnu de co-financeur pourrait faciliter ce partenariat en amont des organisations de la société civile, en particulier des ONG disposant de financements propres et durablement installées dans la zone.
Les problèmes pratiques rencontrés dans le fonctionnement du partenariat local – niveaux décisionnels trop centralisés, procédures de conventions annuelles lourdes et inadaptées, circulation insuffisante de l'information, conflits de compétence entre «chefs de composante» et opérateurs, retard dans l'exécution des audits, etc – peuvent et doivent être surmontés par un montage institutionnel et un manuel de procédure assurant à la fois une plus grande décentralisation, un meilleur ancrage du projet dans sa région, davantage de souplesse dans la programmation et le financement et un contrôle a posteriori de l'utilisation des ressources publiques plus efficace, régulier et rigoureux. Le montage institutionnel et l'organisation du PSANG doivent donc être profondément révisés. L'Unité de gestion du projet (UGP) doit complètement se désengager de l'exécution des activités et réduire ses coûts de fonctionnement. Les postes de «chefs de composantes», anachroniques et sous-utilisés au cours de la phase 1, doivent être éliminés.
Une unité de coordination beaucoup plus légère devrait devenir l'organe d'une Association de développement local (ADL) du Nord-Guéra qui passerait une convention triennale (le PSANG 1 ayant démontré l'inadaptation de la procédure de convention annuelle) avec le ministère de tutelle. Cette convention rétrocéderait à l'ADL la maîtrise d'œuvre du projet et partie ou totalité des fonds du prêt, notamment sous forme d'un Fonds de Développement Local. Cette ADL regrouperait les représentants des Unions de groupements et les ONG locales. L'Association co-financerait les projets des groupements de base et passerait des contrats avec les opérateurs locaux compétents (publics ou privés) en fonction de la demande de services émanant de ces mêmes groupements. L'unité de coordination devrait avoir un rôle d'animation et de gestion du partenariat, de facilitation de la mise en œuvre, d'impulsion d'innovations et de suivi-évaluation. Un tel montage institutionnel est aujourd'hui fonctionnellement et politiquement possible et souhaitable, grâce aux résultats de la phase I du PSANG et à l'évolution générale de la politique du Gouvernement tchadien dans le sens de la décentralisation et du désengagement de l'Etat. Il nécessitera une décentralisation des ONG membres de l'ADL et un engagement à transférer progressivement le contrôle de l'association aux représentants des organisations paysannes. Les services techniques déconcentrés souhaitant collaborer avec l'ADL devront adapter leurs procédures à une démarche contractuelle orientée par la demande locale.
Il va de soi que la création de cette ADL ne peut relever d'une décision exogène mais doit résulter d'un processus de mobilisation sociale qui devrait être un des objectifs principaux de la phase de transition précédant le démarrage du PSANG 2.
Concertation entre bailleurs de fonds sous l'égide du Gouvernement
Les perturbations regrettables enregistrées en 1995/96 dans le partenariat liant le PSANG à l'ONDR, du fait de la mise en place nationale du PSAP, appellent une fois de plus à un plus grand effort de coordination entre bailleurs de fonds sous l'égide du Gouvernement. La solution ad hoc trouvée au Nord-Guéra en 1996 n'est pas de nature à assurer durablement l'efficacité des services locaux de l'ONDR. A posteriori, au vu de l'évolution également peu convaincante du PSAP et de sa méthode de vulgarisation, la plus grande modestie et des efforts de réflexion concertée s'imposent également à toutes les parties face aux problèmes irrésolus d'appui à l'innovation technique et au développement agricole en zone sahélienne. Le PSANG 2, projet de développement local, ne sera pas en mesure de résoudre ce problème national. La nécessité de la concertation et de la cohérence politique s'imposera également dans cet autre domaine stratégique qu'est celui des services financiers. Dès lors que le PSANG 2 cherchera à implanter un système financier décentralisé durable au Nord-Guéra, le Gouvernement et ses partenaires au développement devront s'assurer que l'atteinte de cet objectif ne sera pas entravée par la concurrence déloyale de «crédits projets» fournis par d'autres intervenants à des conditions financièrement et institutionnellement non viables.
Suivi-evaluation
Le dispositif de suivi-évaluation du PSANG devra être révisé dans le cadre du nouveau montage institutionnel. Il devra être plus participatif et mieux utilisé par les partenaires. Les dimensions d'auto-évaluation et d'échanges d'expériences entre groupements devront être renforcées. On recommande cependant que les enquêtes de suivi des groupements et de suivi des ménages, qui ont donné des résultats satisfaisants au cours de la phase 1, soient maintenues au cours de la phase 2 pour assurer une continuité des séries statistiques sur les indicateurs les plus significatifs suivis jusqu'à présent. Un accord devra être conclu entre les partenaires du projet, y compris les organisations paysannes, sur l'ensemble d'indicateurs d'effets et d'impact attendu retenu dans le cadre logique du PSANG 2.
1/ ONDR: Office national pour le développement rural; DERA: Direction de l'élevage et des ressources animales; SECADEV: Secours catholique de développement; ACORD: Agence de coopération et de recherche pour le développement; Nagdaro: ONG locale.