Mauritania Evaluation du portefeuille de projets du FIDA (1998) - IOE
Mauritania Evaluation du portefeuille de projets du FIDA (1998)
Cette évaluation du portefeuille de projets financés par le FIDA en Mauritanie est la septième du genre. Comme les précédentes, elle répond au besoin du Fonds de comprendre, en longue durée, dans quelle mesure l'institution a rempli son mandat, quelles ont été les causes de ses réussites et de ses échecs, quelles ont été les contraintes auxquelles elle s'est heurtée. Cette évaluation se distingue cependant, à la demande expresse de la Division Régionale concernée, par l'importance qui y est accordée à la formulation de propositions d'ordre stratégique qui permettraient au FIDA de mieux lutter contre la pauvreté en Mauritanie. Pour cela il a été nécessaire d'innover au plan méthodologique en juxtaposant au bilan classique du portefeuille une analyse de la dynamique de la différentiation socio-économique depuis l'indépendance du pays. Cette analyse a ensuite été utilisée comme grille de lecture permettant de situer les politiques nationales et leurs effets par rapport aux exigences de la lutte contre la pauvreté, notamment en milieu rural. De cette comparaison, étoffée par les leçons tirées directement de l'expérience du FIDA, découlent les recommandations d'orientation stratégique proposées.
Première partie: bilan des interventions du FIDAL'examen du portefeuille du FIDA en Mauritanie, depuis 1980, met en évidence la stricte adhésion aux priorités nationales et une recherche continue d'amélioration de la spécificité des projets - les insuffisances constatées, qui furent notables, aidant à définir de nouvelles approches. Ces dix-sept années d'activité reflètent ainsi l'évolution de la politique du pays et celle du FIDA, dans un des pays africains les plus aidés par le Fonds.
Les résultats, s'ils sont indéniables et s'ils constituent un capital d'expérience incontestable, n'ont pas pour autant modifié en profondeur les mécanismes fondamentaux de la persistance de la pauvreté en milieu rural. La somme des projets entrepris par d'autres institutions de développement n'y ont guère mieux réussi.
Pour mieux saisir la nature des difficultés rencontrées par les projets de développement financés par le FIDA ou d'autres partenaires, il est nécessaire de les replacer dans le cadre des politiques nationales de développement. Celles-ci apparaissent rétrospectivement comme étant particulièrement ambitieuses. La mise en oeuvre de ces politiques était en effet fortement dépendante d'institutions étatiques qu'il fallait construire dans le même temps. Comme dans beaucoup d'autres pays, ce modèle de développement, qui faisait très peu de place à l'initiative privée, s'est trouvé très vite confronté aux limites des moyens de l'Etat, et aux impératifs de la gestion de la dette. A partir de 1988, le désengagement de l'Etat, mal maîtrisé et parfois brusque, a sans nul doute sapé la pertinence de projets conçus dans le cadre de ces politiques volontaristes. Pourtant, il faut reconnaître que dans une société qui connaît de profonds bouleversements, tout en restant fortement inégalitaire, le rôle de l'Etat reste d'une importance cruciale pour maintenir la cohésion du tissu social.
Dans un tel contexte, l'exécution des projets, îlots de prospérité dans la pénurie administrative générale, a souffert de mauvaise gestion et des faiblesses de l'appareil institutionnel mauritanien.
Le cadre des politiques nationales a ainsi influencé très fortement le choix et la conception des projets financés par le FIDA. Hormis la référence à la lutte contre la pauvreté et au ciblage des actions, qui est constamment rappelée, l'identification des projets s'est faite au "coup par coup", selon les priorités du moment. Les préoccupations semblent avoir été dominées par les problèmes pratiques que posait la formulation des projets et par les relations, délicates, avec les institutions coopérantes. Le FIDA, lui-même en apprentissage, n'a pas pu dégager un dessein à long terme, ni une vision d'ensemble. Sans objectifs de référence à atteindre, les stratégies particulières de projet n'ont pas pu dégager de lignes d'action communes.
L'expérience du FIDA en Mauritanie semble indiquer que le rôle de promoteur d'approches nouvelles vers lequel souhaite s'engager le FIDA n'est pas sans contraintes: il entraîne vraisemblablement une implication plus forte dans le suivi des projets dans le contexte particulièrement difficile de la lutte contre la pauvreté rurale de Mauritanie. Le FIDA, lorsqu'il est à l'origine de l'introduction d'une approche nouvelle (ou d'une conditionnalité), ne peut s'en remettre exclusivement aux différents partenaires pour assurer son application: ceux-ci peuvent avoir des intérêts différents, ou pas d'intérêt du tout, ou ne pas avoir la compréhension souhaitée des changements que le FIDA souhaite mettre en oeuvre. Il revient donc au FIDA non pas de se substituer à l'institution coopérante mais de vérifier, avec la vigueur que les circonstances commandent, que l'institution coopérante, - ainsi que tous les intervenants - assurent une mise en oeuvre conforme aux objectifs qu'il souhaite promouvoir et, en définitive, au mandat pour lequel il a été institué.
Les politiques de développement
L'économie mauritanienne, comme bon nombre d'autres jeunes économies ouvertes d'Afrique, est confrontée aux problèmes d'un secteur industriel peu développé, d'une structure de l'emploi dominée par le secteur agricole et d'un secteur informel à faible productivité, par des échanges extérieurs dépendant d'un petit nombre d'activités (minerai de fer et pêche), par la faiblesse de la gestion du secteur public et un lourd endettement extérieur. Les sécheresses répétées et l'avancée du désert, la crise du minerai de fer, les investissements inconsidérés et les conflits frontaliers ont encore aggravé la situation depuis le début des années 70.
Le produit intérieur brut par habitant était en 1992 de 580 dollars avec une croissance négative entre 1980 et 1992 (-0,8%). Le service de la dette représente 25% des exportations de biens et services. Le secteur primaire (agriculture et pêche) représente 37% du PIB. L'agriculture-élevage occupe 65% de la population mais ne représente que 29% du PIB.
La consommation annuelle de céréales, qui constituent la base de l'alimentation, est estimée à environ
370 000 tonnes pour l'ensemble du pays. La production de la Mauritanie est très nettement insuffisante, même lors des meilleures années, pour couvrir ces besoins. Cette insuffisance est nettement aggravée par l'aléa climatique. Les trois-quarts de cette production proviennent de la vallée du fleuve Sénégal, qui concentre la quasi totalité des superficies irriguées céréalières, plus de 50% des superficies cultivées en décrue et une bonne partie des cultures pluviales les moins aléatoires.
La politique de développement dans la vallée du fleuve Sénégal
Cette politique constitue la composante centrale de la politique agricole du pays depuis 1970. Son objectif constant a été de contribuer à une meilleure couverture des besoins alimentaires. Commencée de façon ponctuelle, la politique de l'irrigation a pris une dimension régionale avec les décisions prises par les trois Etats riverains de la moyenne et basse vallée du fleuve Sénégal en vue d'une mise en valeur des eaux régularisées du fleuve après la construction du barrage de Manantali. La superficie qui pourrait être ainsi irriguée sur la rive mauritanienne est estimée à près de 140 000 hectares. Les bailleurs de fonds ont activement soutenu ce programme d'aménagement.
Au total, la politique volontariste de la Mauritanie, en matière d'aménagement hydro-agricole, a doté le pays d'une superficie aménagée - sous forme de grands aménagements ou de petits périmètres - de l'ordre de 40 000 hectares.
Sur les 40 000 ha aménagés, on ne compte aujourd'hui qu'environ 20 000 ha effectivement exploités. Leur production de paddy n'a été que de 37 000 tonnes pour la campagne 1993-94, soit 15% de la production attendue du total des superficies aménagées. Ce relatif échec de la politique d'irrigation a conduit le Gouvernement à élaborer, avec l'assistance de certains partenaires extérieurs, un programme de relance appelé Programme de développement intégré de l'agriculture irriguée en Mauritanie (PDIAIM).
Une politique de développement de l'élevage peu en rapport avec son importance économique et sociale
L'élevage en Mauritanie a une importance considérable. On estime en effet que la production brute de ce sous-secteur est supérieure à 11 milliards d'UM, soit presque six fois la valeur de la production du sous-secteur "production végétale" - qui est estimée à 2 milliards d'UM. Cette production se fonde sur un capital animal constitué de 1,3 million de bovins, 1,2 million de camelins et 10,3 millions de petits ruminants (estimations 1996).
Au cours de la dernière décennie, la seule action d'envergure a été celle des programmes d'élevage initiés par la Banque mondiale. Ces programmes, qui ont principalement touché la région du Trarza, semblent avoir eu un impact positif en matière de couverture vétérinaire. Les orientations actuelles voudraient donner plus de responsabilités au secteur privé et associatif. Mais la méconnaissance de la structure du secteur freine sérieusement les réflexions stratégiques que l'on pourrait faire sur le développement de ce sous-secteur.
Importance et rôle de l'aide extérieure
La Mauritanie reste très fortement tributaire de l'aide extérieure. Entre 1985 et 1991, le volume net des décaissements au titre de l'aide publique au développement (APD) s'est élevé à 1,4 milliard d'USD soit, en moyenne, 207 millions par an. Ce dernier montant représente quelque 103 USD/hab./an, soit l'un des chiffres (comparé au PIB/hab.) les plus élevés parmi les pays en développement. Cette assistance finance l'essentiel (90%) du programme d'investissements publics de l'Etat mauritanien.
Les contributions du FIDA sont comptabilisées avec les apports du système des Nations Unies. En 1994, elles ont totalisé 2,8 millions d'USD, les engagements prévus étant de 4,8 millions d'USD. Ces déboursements ont représenté près de 10% de la contribution des Nations Unies et 1% du montant total de l'aide au développement en 1994.
La ventilation par secteur de l'APD en 1994 indique que la plus grande partie des financements (58%) a été allouée au développement agricole et rural (MDRE), dont l'essentiel pour l'irrigation. La tendance générale semble indiquer une réduction de l'APD. Malgré cela, l'APD reste une composante essentielle des finances du pays.
Cette importance de l'APD rend l'économie mauritanienne particulièrement sensible aux décisions et orientations qui président à la mobilisation de l'aide. Si les mécanismes de mobilisation des ressources financières extérieures se sont avérés plutôt efficaces, ils n'ont pu jusqu'à présent empêcher le cloisonnement des projets selon les sources de financement, la mauvaise circulation de l'information entre les bailleurs de fonds et les contradictions entre les approches de projets opérant dans un même secteur.
De 1980 à 1994 le FIDA a financé huit projets pour un total de 40,6 millions de DTS (environ 52 millions d'USD), soit 30% du coût total de ces projets. Ces engagements financiers placent la Mauritanie au premier rang des pays emprunteurs en Afrique selon le critère du nombre de prêts et au troisième rang selon le critère du volume de prêts par habitant (48 USD).
Du point de vue de leur signification par rapport à la politique du FIDA, ces projets peuvent être classés en deux groupes comprenant chacun 4 projets:
Les projets de "première génération" dans lesquels le FIDA n'a pas eu l'initiative de la formulation et s'est en général trouvé associé à des processus déjà lancés. Ils représentent 44% des engagements cumulés du FIDA.
Les projets de "seconde génération" dont la formulation s'est faite à l'initiative du FIDA (56% des engagements totaux).
Le montant des prêts est très variable et compris entre 1,6 et 11 millions d'USD. La part des coûts de projets financée par les prêts du FIDA est en moyenne nettement plus élevée pour les projets de seconde génération que pour ceux de première génération.
Les projets financés par le FIDA, qu'ils soient de "première" ou de "seconde génération", présentent une caractéristique commune essentielle: celle d'avoir épousé étroitement les priorités de développement rural du Gouvernement: quasiment tous les projets ont concerné la valorisation de la ressource en eau qui reste le facteur critique de tout développement agricole dans le pays et le souci premier des populations rurales. En outre, cinq projets sur huit se situent dans la vallée du fleuve Sénégal, zone privilégiée par l'Etat pour assurer la sécurité alimentaire du pays, et comptent pour 72% du montant cumulé des prêts et dons.
Les projets de première génération correspondent tous à des projets clôturés. Ces projets n'ont pas été choisis en fonction d'une sélection délibérée d'un groupe cible mais, en général, en fonction d'un potentiel de production à développer. Il avait alors été considéré que les effets, directs ou indirects, de ce développement étaient susceptibles d'atteindre des populations appartenant aux groupes cibles.
Les projets de "seconde génération" sont tous en cours d'exécution. Ils se caractérisent davantage par l'approche proposée pour associer les populations aux projets (approche participative) que par des critères de ciblage proprement dits. On observe à cet égard une tendance naissante des projets à diversifier la palette des intervenants, et à promouvoir des structures non Gouvernementales nouvelles.
Six projets sur huit ont fait l'objet de cofinancements. Ces montages financiers, dont la lourdeur varie suivant le nombre de bailleurs de fonds impliqués (jusqu'à neuf pour le projet du Gorgol), sont tout d'abord une source de lenteurs et de retards multiples. L'ensemble des projets à financement extérieur est plongé dans un environnement où les intervenants du développement sont multiples, les méthodes d'intervention diverses et la coordination très déficiente. La question se pose ainsi de savoir comment il serait possible d'améliorer l'intégration des projets - qui sont des opérations essentiellement temporaires - dans un cadre institutionnel pérenne. Pour le FIDA, les cofinancements soulèvent en outre la question de la marge de manoeuvre dont il dispose pour influencer la conception et l'exécution de projets dont il n'est pas le bailleur de fonds principal.
La mise en oeuvre des projets
Pour les projets clôturés, la durée de vie réelle a varié entre sept et dix ans, pour une durée de vie prévue de quatre à sept ans. Entre les dates d'approbation et d'entrée en vigueur des accords de prêt, il s'est écoulé en moyenne déjà près de 10 mois. Quant aux trois projets en cours, ils connaissent déjà des retards très importants qui mettent sérieusement en question leur achèvement dans les délais prévus.
Les causes de ces retards sont multiples. On note ainsi les lenteurs dans la mise en place de l'assistance technique (projets Oasis I et II, Banc d'Arguin, Maghama); les difficultés de négociation et de coordination entre plusieurs bailleurs de fonds dans les cas de cofinancements ou de financements parallèles (projets Gorgol, Oasis I, PRA II, Banc d'Arguin); l'attribution tardive des marchés, due à la lourdeur des procédures administratives et des circuits de décision (en particulier lorsqu'il existe plusieurs bailleurs de fonds qui doivent tous donner leur accord), l'imprécision des spécifications, le non-respect des délais de livraison par les fournisseurs (Gorgol, Oasis I, PRA II); les lenteurs inhérentes à la mise en place d'approches participatives nouvelles (Banc d'Arguin, Maghama, Oasis II); l'insuffisance des études menées au stade de la préparation et du dispositif d'appui prévu en conséquence (Gorgol et Banc d'Arguin); les problèmes institutionnels relatifs à l'organisation, la gestion du projet et la mise en place du cadre juridique requis (Banc d'Arguin, Oasis II).
Examinés sous l'angle de la gestion, les projets peuvent être classés en trois catégories: les projets qui ont une gestion satisfaisante (Gorgol et Maghama); les projets, tous terminés, qui ont eu une mauvaise gestion (PPI, Oasis I et PRA II); les projets qui ont eu une gestion insuffisante mais actuellement en voie d'amélioration (PNBA et Oasis II). On relève trois grands domaines dans lesquels se manifeste l'insuffisance de la gestion: le personnel, l'organisation et la gestion financière (voir chapitre II du rapport principal).
La supervision des institutions coopérantes
Quatre institutions coopérantes se sont réparties les huit projets qui composent le programme du FIDA: la Banque mondiale, le FADES, le BSP/NU et l'UNDDSMS - remplacé en février 1997 par le BSP/NU. Le choix de l'institution coopérante n'est pas entièrement libre: la Banque mondiale supervise les projets dont elle assure le cofinancement; c'est aussi le cas du FADES pour les projets Oasis. La diversité des institutions coopérantes ne constitue pas un avantage: elle entraîne une multiplication des interlocuteurs, à la fois pour le FIDA et les institutions Gouvernementales. Elle rend aussi plus difficile l'unification des modes d'intervention. Des mesures visant à réduire le nombre d'institutions coopérantes ont été prises récemment par la Division Régionale concernée au sein du FIDA.
Si l'on examine le déroulement des projets et la façon dont la plupart des problèmes soulevés se prolongent sur de longues périodes, il ne semble pas que les missions de supervision aient eu un impact déterminant. Leur fréquence est à peu près constante à travers tous les projets: une à deux missions par an, d'une durée de 6 à 10 jours. Les missions sont rarement accompagnées par le contrôleur de projet du FIDA. Les rapports sont en général courts (5 à 7 pages) et centrés sur les aspects quantitatifs et les questions administratives et financières.
Les questions de stratégie, les problèmes de fond, l'analyse de l'interaction entre les projets et leur environnement, les questions relatives au suivi-évaluation d'impact sont rarement abordés - mais on doit aussi constater que l'inexistence ou l'insuffisance des systèmes de suivi-évaluation et des données disponibles ne facilitent pas cette tâche. L'évaluation de la performance de l'assistance technique n'est jamais effectuée. Les recommandations sont succinctes: elles donnent des orientations générales, mais ne détaillent pas la marche à suivre. Parfois les rapports ne sont pas envoyés sur le terrain (Oasis I) ou sont établis avec retard. Aussi, en conséquence ces recommandations ne sont-elles pas suivies d'effet. Seul l'UNDDSMS a examiné d'un rapport à l'autre la mise en oeuvre des recommandations passées.
On constate cependant une amélioration récente de la supervision effectuée par le BSP/NU. Les missions sont mieux planifiées et organisées, les rapports plus complets et mieux structurés.
La réalisation des objectifs physiques
En ce qui concerne les projets terminés (Gorgol, Formation des agriculteurs du Gorgol, PPI, Oasis I et PRA II), on constate que les objectifs physiques ont dû être revus à la baisse pour cause de sous-estimation initiale des coûts de deux de ces projets (Gorgol et volet M'Pourié du PRA II). Ces révisions mises à part, les objectifs physiques de tous les autres projets ont généralement été atteints du point de vue quantitatif. Les taux d'exécution des composantes physiques oscillent en effet entre 68 et 170%, si l'on excepte la fourniture d'intrants dans le cadre du projet Oasis I qui n'a connu qu'une réalisation limitée. En revanche, la qualité des réalisations ou des matériaux fournis n'est pas toujours satisfaisante.
En ce qui concerne les trois projets en cours (Maghama, Banc d'Arguin, Oasis II) on constate, à la fin de 1996, qu'ils n'ont pas encore véritablement démarré, ou ont à peine commencé la phase d'investissements. Le projet du Banc d'Arguin a cependant fait l'objet d'un important réaménagement, afin de corriger des erreurs de conception initiale qui s'étaient traduites par des actions mal ciblées et un appui technique peu approprié. Il en est de même du projet Oasis II depuis la fin de l'année 1996.
Impact sur la production et la sécurité alimentaire
Les stratégies de projet ont toutes été fondées sur l'hypothèse que l'augmentation de la productivité agricole était la clé de l'amélioration des revenus et des conditions de vie des populations rurales.
L'impact sur la production et la productivité agricole des projets achevés a été, d'une manière générale, très inférieur aux prévisions. En cela les résultats des projets sont comparables à la performance du secteur irrigué dans son ensemble. La contribution de ces projets à la production nationale est cependant loin d'être négligeable. La production totale de paddy des périmètres ayant bénéficié d'une intervention du FIDA aurait ainsi été en 1995 de l'ordre de 14 000 tonnes, soit quelque 25% de la production nationale (évaluée à 52 000 t.). Avec un rendement à l'usinage de 70%, la production de riz de ces périmètres serait de l'ordre de 10 000 tonnes, soit environ 15% de la consommation nationale.
Les aménagements hydro-agricoles ont donc permis d'accroître la production mais les gains de productivité qui rentabiliseraient les investissements consentis demandent plus de temps et de moyens que prévu pour se matérialiser. Ainsi, la riziculture irriguée ne permet une valorisation de la journée de travail équivalente à celle d'une culture pluviale en bonne condition qu'à partir d'un rendement de 4t./ha. Elle ne permet jamais une valorisation de la journée de travail équivalente à celle que procure une culture de sorgho-niébé en décrue. L'irrigation n'est pas pour autant condamnée puisqu'elle demeure le seul recours en cas de mauvaise année climatique. Elle reste aussi une réponse au problème de la réduction des superficies cultivées en décrue suite à la mise en eau et au fonctionnement du barrage de Manantali.
Efficacité du ciblage
Dans quelle mesure le FIDA, dont l'objectif était de promouvoir des actions bénéficiant en priorité aux catégories défavorisées, a-t-il pu se rapprocher de cet objectif? Les projets se sont en général proposés d'atteindre les ménages appartenant aux groupes cibles au travers de l'ensemble de leur communauté. On estime le nombre de familles directement concernées par les projets à 18 300 soit une population d'environ 126 000 bénéficiaires potentiels. Ce chiffre n'est pas négligeable à l'échelle mauritanienne puisqu'il représente plus de 10% de la population rurale. Dans l'ensemble, on constate que la distribution sociale des bénéfices des projets n'a pas fait l'objet de distorsions importantes , sauf peut-être dans le cas du Projet Oasis I dont les actions de crédit individuel auraient essentiellement profité aux propriétaires des oasis et non pas aux exploitants agricoles sans droits de propriété.
Le coût des projets par bénéficiaire apparaît en revanche très élevé, puisqu'il est de 2 841 USD par famille (ou encore 405 USD par personne directement touchée). Il importe en outre de noter qu'une grande partie des ressources des projets de première génération n'est pas allée aux bénéficiaires mais au fonctionnement et aux investissements de l'administration.
Les actions de développement passées ont toujours, d'une façon ou d'une autre, impliqué les femmes puisque celles-ci constituent une composante majeure de la force de travail agricole. Mais il n'apparaît guère que l'on se soit préoccupé d'identifier quels pouvaient être les besoins spécifiques de cette catégorie de travailleurs. Pour ceux qui concevaient puis exécutaient les projets, elles n'étaient qu'une composante d'une main d'œuvre familiale soumise aux décisions du chef d'exploitation. Lorsque les projets ont cherché à s'adresser plus spécifiquement aux femmes, ils l'ont surtout fait en identifiant des tâches spécifiquement féminines, telles que l'artisanat du textile et de la vannerie. D'une façon générale, ils ne se sont pas interrogés sur le problème essentiel qui était celui de l'insertion des femmes dans les processus de développement, et n'ont pas développé de stratégies appropriées.
Ainsi, l'efficacité du ciblage a objectivement plus souffert de l'accaparement des ressources financières par les administrations chargées de l'exécution des projets que des distorsions dans la distribution sociale des bénéfices. Pour garantir une allocation plus équilibrée des ressources des projets en faveur des groupes cibles, il est nécessaire de développer la participation des populations à la conception des projets et non plus seulement à leur exécution.
Impact sur le cadre institutionnel
Les institutions étatiques ayant été de fait des bénéficiaires importants des projets financés par le FIDA et ses partenaires, quel en a été l'impact sur le développement des capacités institutionnelles? Le bilan des projets montre tout d'abord que l'appui institutionnel est, dès le départ, rendu difficile par la méconnaissance que l'on a, en général, de la situation avant projet. Les projets sont conçus sur la base d'informations très limitées sur la capacité institutionnelle existante, les déficits de compétence et les contraintes s'opposant à l'exercice effectif des responsabilités existantes ou envisagées. Quant à la situation de départ des bénéficiaires, qui est étudiée surtout sous l'angle socio-économique, elle n'est en général que très sommairement documentée sur les modes d'organisation et les savoir-faire traditionnels, les contraintes d'ordre social ou culturel au développement des capacités, l'impact éventuel de projets antérieurs en matière d'organisation.
Par ailleurs, les résultats attendus de l'appui institutionnel sont souvent insuffisamment précisés: ainsi les capacités qui devront être renforcées et les personnels concernés ne font pas l'objet d'une analyse opérationnelle. Par contre, pour les projets les plus récents, les responsabilités qui devront être assumées de façon autonome au terme des projets sont mieux explicitées.
La contribution du FIDA, associée à celle de la FAO, à la définition de nouveaux cadres juridiques doit sans nul doute être inscrite à l'actif de son impact sur le contexte institutionnel. Dans le cadre du projet Oasis II, le FIDA a apporté son soutien à la promotion d'un texte de loi sur les "associations oasiennes". L'apport du FIDA, s'il parvenait à son terme, pourrait avoir un impact de caractère national. L'élément de doute concerne cependant la voie suivie: les difficultés et les lenteurs d'une approche de caractère législatif mettent en effet en évidence le risque qu'il y a à lier le sort d'un projet à la promulgation d'une loi.
L'application de la législation foncière actuelle se heurte à de nombreuses difficultés dues notamment à la diversité des situations rencontrées, à l'inégalité face à l'accès à la propriété individuelle, ainsi qu'au poids des pratiques sociales coutumières. Le FIDA a, à cet égard, une expérience particulièrement riche d'enseignements, ayant été confronté à deux cas extrêmes de problèmes fonciers dans les projets qu'il a financés à M'Pourié (PRA II) et à Maghama. Le bilan provisoire que l'on peut en faire permet de nourrir une réflexion sur des approches pragmatiques permettant de mieux tenir compte de ces contraintes et d'interpréter en conséquence l'application de la loi.
Au total, si l'on mesure l'impact de l'appui institutionnel par rapport à la pérennité des structures qui en ont bénéficié, force est de constater, pour les projets aujourd'hui terminés, qu'il a été très limité. Les causes de cet échec sont multiples. On a déjà évoqué les carences de l'assistance technique, la qualification insuffisante du personnel et la complexité de certains montages organisationnels. Il faut y ajouter, au stade de la conception, l'insuffisante préparation des projets, de même que l'insuffisance et l'imprécision des dispositifs d'appui et, au stade de l'exécution, les lacunes du suivi et de la supervision. Les projets récents sont plus prometteurs mais ils sont encore dans une phase de mise en place, et il est donc prématuré de juger de leur impact.
La participation des bénéficiaires
Tous les projets se sont, d'une façon ou d'une autre, donnés pour objectif de principe d'impliquer les bénéficiaires dans la gestion des opérations qu'ils contribuaient à mettre en place. L'expérience du FIDA en Mauritanie montre que cet objectif a été très inégalement réalisé: on rencontre ainsi des projets très peu "participatifs" et des projets qui se sont engagés dans une voie "participative". Cette distinction traduit aussi une tendance de fond, les premiers projets étant, en général, les plus anciens et les seconds, les plus récents.
Ce second groupe comprend les projets "Petits périmètres irrigués", Banc d'Arguin, Maghama et Oasis II. Dans ces projets, les bénéficiaires sont en effet devenus des acteurs. Les "degrés" de la participation varient cependant beaucoup selon les projets.
Les accords de prêt et documents de préparation, s'ils prévoient le recours à l'approche participative, sont en revanche très succincts, voire muets, sur le contenu de cette approche et sur la méthodologie à utiliser. Il est vrai qu'il n'est pas réaliste de prévoir en détail le contenu d'une méthodologie qui devrait résulter, elle aussi, d'un processus participatif et être adaptée, d'une part aux spécificités d'une population et d'une région, et d'autre part aux objectifs du projet. La durée des missions de conception est trop limitée pour se livrer à cet exercice. Dans l'immédiat, les concepteurs de projet devraient faire un effort pour indiquer avec plus de précision les démarches à suivre. Ensuite, il semble souhaitable de prévoir, dès la formulation du projet, la mise en place d'instruments d'orientation et d'appui qui aideront les responsables de l'exécution des projets dans le développement d'une méthodologie. Ce point est d'autant plus important que les administrations chargées du développement n'ont en général démontré que peu d'intérêt pour la participation des populations.
Principaux enseignements
Il est possible de tirer de l'expérience du FIDA en Mauritanie quelques enseignements relatifs à la conception et l'exécution des futurs projets dont la validité est indépendante de la stratégie du FIDA en Mauritanie.
Les contraintes de développement
Ces leçons intéressent tout d'abord les contraintes de développement et leur importance relative. L'analyse de la performance des projets montre que les contraintes du milieu physique sont souvent sévères mais qu'elles n'ont pas autant affecté les résultats de projets que les contraintes socio-institutionnelles.
Les contraintes du milieu physique. Ces contraintes - aléas climatiques, désertification, pauvreté des ressources, dispersion de la population et faible développement du réseau routier - sont bien connues et elles sont, sans nul doute, celles qui sont le plus souvent avancées pour montrer les limites des stratégies nationales de développement.
De telles contraintes sont incontestables en ce qu'elles tendent à réduire la taille du marché tout en augmentant les coûts de production. Mais faut-il pour autant conclure à la rareté des opportunités d'investissements? Ce diagnostic est posé par de nombreuses analyses du secteur agricole mauritanien. Pourtant, ramenées au nombre d'habitants ou d'exploitants, les ressources naturelles disponibles semblent, au contraire, être très conséquentes et, en fait, très supérieures aux capacités de mobilisation du pays et de la population, qu'il s'agisse des ressources halieutiques, des eaux de surface ou des ressources pastorales. Plus que la ressource, c'est son coût de mobilisation et les capacités de gestion de la population ou de l'Etat qui constituent la contrainte principale.
Les contraintes relatives au cadre institutionnel et aux ressources humaines. De nombreuses contraintes de caractère institutionnel ou social affectent la mise en oeuvre des politiques de développement rural. Les difficultés financières de l'Etat limitent sa capacité à consentir ou à honorer des engagements financiers. En matière d'organisation et de gestion, ensuite, on constate que l'administration mauritanienne est une administration jeune, encore très marquée par un certain nombre de faiblesses comme, notamment, la forte centralisation, la faiblesse de la gestion, la planification limitée l'insuffisance de la coordination.
Les capacités existantes sont en outre très inégalement réparties. Les établissements publics, plus autonomes, tendent à avoir une meilleure gestion que les structures administratives du MDRE. En raison de la centralisation accentuée, les institutions chargées du développement local sont encore peu développées, ce qui rend plus difficile la coordination des interventions au niveau local. Par ailleurs, les opérateurs non Gouvernementaux, tels que les organismes socio-professionnels ou les ONG, sont encore peu développés, ce qui limite la diversification des intervenants dans la mise en oeuvre des projets.
En ce qui concerne l'implication des bénéficiaires, on note également de nombreuses contraintes. Ainsi, la majorité des populations participant aux projets est analphabète et leurs compétences dans les domaines de la gestion ou de l'organisation des groupements sont encore limitées. Cette capacité insuffisante est aggravée par la faible formation des personnels chargés de les appuyer en ces matières. Ces faiblesses s'étendent aux formes d'organisation. Au plan légal, en effet, la coopérative est, jusqu'ici, la seule forme d'organisation collective ayant un statut légal et étant habilitée à contracter un prêt. Or, il s'agit d'un mode d'organisation nouveau, relativement contraignant, difficile à maîtriser par les populations et qui demande un effort important de formation.
Les approches participatives, quant à elles, - en particulier lorsqu'elles ont un caractère expérimental - entraînent un rythme de progression plus lent des projets, ce qui se traduit nécessairement par un coût. Celui-ci doit cependant être rapproché du coût que représente le défaut de pérennité des projets non participatifs. Enfin, la durée nécessairement limitée des missions de préparation des projets sur le terrain rend difficile la participation des populations au stade de la conception. D'où l'intérêt de promouvoir des conceptions de projets qui soient à la fois souples dans leurs contenus et précises dans leurs démarches.
L'expérience confirme l'importance d'une autre contrainte, celle-ci parfaitement bien identifiée par les concepteurs de projets: celle de la formation des ressources humaines dans un contexte où la population est obligée d'investir de nouveaux domaines d'activité pour lesquels elle ne dispose traditionnellement d'aucune expérience (irrigation, mise en culture pour le cas de populations anciennement nomades, etc.). On constate, à cet égard, que les projets ont généralement peu fait pour agir dans ce domaine.
Les leçons de l'expérience participative
D'une façon générale, on doit prendre en considération la complexité de fait des projets participatifs. Les raisons de cette complexité tiennent tout d'abord à la mise en pratique de l'approche participative. Au plan des principes, celle-ci n'a rien de compliqué: des actions simples faisant en général appel à des techniques connues, des programmes par communauté également simples et portant sur des montants relativement peu importants, un nombre limité de participants à chaque programme. Mais cette simplicité n'apparaît que lorsque l'approche est mise en oeuvre avec l'aide d'acteurs ayant une bonne formation en matière de programmation participative et lorsque le nombre de programmes à réaliser est très restreint. Tout devient en effet très complexe quand il faut à la fois former les formateurs, préparer les programmes, aider à leur exécution, multiplier très rapidement les points d'intervention, enchaîner les programmes d'une année sur l'autre et, enfin, en assurer le suivi.
La complexité des projets s'accroît en outre avec le nombre de régions dans lesquelles on se propose d'introduire simultanément une approche nouvelle. Les régions appellent le plus souvent des approches différenciées, ce qui revient, en fait, à gérer plusieurs sous-projets ayant chacun leur particularité.
La question de la représentativité des structures mises en place pour servir d'interlocuteurs aux gestionnaires des projets se pose dans tous les projets. Il est illusoire de penser que la durée limitée d'un projet suffise à transformer les structures sociales traditionnelles en organisations démocratiques. Néanmoins, les projets peuvent amorcer un processus de changement et jouer un rôle de ferment. A cet effet, ils devraient être plus vigilants sur la composition des structures de représentation qu'ils mettent en place et en favoriser l'accès aux groupes traditionnellement plus marginalisés tels que les femmes, les jeunes ou les paysans sans terre. De ce point de vue, la connaissance du milieu apparaît également comme un facteur de réussite.
On en vient ainsi à recommander:
de faire approuver par les populations les stratégies de projet retenues (comme par exemple à Maghama) et, ce faisant, exprimer clairement la volonté de prendre en compte des populations comme acteurs à part entière et non plus comme des bénéficiaires passifs;
d'accepter le principe de démarrages de projets relativement lents; et,
de se concentrer, dans toute la mesure du possible, dans une même aire géographique;
de commencer par une phase "d'apprentissage-formation" qui permettra de mettre au point les méthodologies tout en formant aux pratiques participatives tant les cadres du projet que les représentants des populations. Une telle phase aurait des objectifs limités et ne porterait que sur un nombre restreint de communautés. Ce n'est qu'au fur et à mesure que l'on pourrait ensuite faire "monter le projet en puissance".
Le montage organisationnel et le pilotage des projets
Les montages les plus performants en ce qui concerne les modes de financement, d'organisation et de gestion des projets apparaissent comme étant ceux qui:
limitent le nombre de bailleurs de fonds et dimensionnent la contrepartie budgétaire nationale en fonction des capacités réelles de financement de l'Etat;
comprennent une unité de gestion spécifique et intégrée à une structure existante;
prévoient l'autonomie financière et de gestion de l'unité de projet, et favorisent la décentralisation;
précisent les rôles et responsabilités de tous les intervenants ainsi qu'une stratégie de transfert des compétences aux populations, le cas échéant;
prévoient, sur la base d'une évaluation des capacités des intervenants au stade de la conception, les moyens d'accompagnement (assistance technique et formation y compris des formateurs) appropriés;
sont accompagnés par un mode de recrutement et d'évaluation du personnel — et en premier lieu des responsables de projets — rigoureux, une planification détaillée des activités, un système de comptabilité et des procédures comptables et financières précises;
mettent en place des procédures de contrôle efficaces et indépendantes de la gestion des projets.
Mettre en place un système de "suivi-évaluation" (et bien en définir le rôle et les fonctions) constitue sans nul doute une condition pour une bonne gestion des projets, surtout lorsque ceux-ci ont une forte orientation participative. En effet, sans instrument de ce type, il est impossible de gérer au travers d'un projet — même bien décentralisé — des programmes successifs touchant un nombre croissant de collectivités "de base" auxquels s'ajouteront les multiples sous-programmes établis avec les groupements d'intérêt collectifs ainsi que les divers contrats passés avec les opérateurs. Les principales recommandations concernent:
la mise en place de systèmes d'information conçus comme des instruments de pilotage, et comprenant: une situation de référence, des indicateurs de résultats, une ventilation des données par genre, la participation des bénéficiaires;
l'apport d'un appui spécialisé pour la conception et la mise en oeuvre des systèmes de suivi-évaluation, ainsi que pour l'interprétation des résultats;
la mise en pratique d'une supervision des projets rapprochée, orientée vers l'amélioration non seulement des résultats physiques et de la gestion des projets, mais aussi vers l'amélioration de l'impact et des stratégies;
le renforcement du suivi par le FIDA portant à tout le moins sur la supervision exercée par les institutions coopérantes, ainsi que sur le respect des conditions inscrites dans les accords de prêt et des approches nouvelles qu'il souhaite promouvoir.
Il semble que l'assistance technique corresponde à un besoin réel, tout au moins dans la phase de démarrage des projets, pour combler les lacunes méthodologiques et de formation. Mais il apparaît aussi que son impact pourrait être amélioré si elle faisait l'objet d'une sélection plus rigoureuse et d'une supervision plus attentive de l'institution coopérante.
Les facteurs de performance de l'assistance technique apparaissent ainsi comme étant les suivants:
une sélection plus rigoureuse, fondée sur des profils détaillés;
une affectation de l'assistance technique dès le démarrage des projets;
une évaluation régulière de la performance de l'assistance technique à travers les missions de supervision.
Les leçons de l'expérience en matière foncière
Le premier enseignement que l'on tire de l'expérience des projets est que le traitement des questions foncières est le terrain par excellence où peuvent et doivent se développer les approches participatives. Les leçons que le FIDA peut tirer dans ce domaine se fondent essentiellement sur deux expériences de projet. Les éléments de réflexion qu'ils apportent semblent cependant aller bien au-delà des cas spécifiques de M'Pourié et Maghama.
Sans idéaliser l'approche particulière de Maghama encore en cours d'expérimentation, on peut toutefois formuler les recommandations suivantes:
Quelle que soit la force contraignante des lois foncières, il est risqué d'ignorer les droits d'usage existants et de traiter la question foncière sans la négocier avec les populations locales. Une approche autoritaire ne résout pas les conflits qui demeurent à l'état latent. Elle rend, de plus, difficile sinon impossible, une réelle implication de la population dans la gestion du projet.
Lorsqu'un projet implique la réalisation d'infrastructures ou d'investissements fonciers qui concernent des collectivités entières, il semble indispensable de définir avec les populations les conditions de l'usage futur des terres, avant de commencer les travaux.
L'Etat et l'institution de financement ne doivent pas s'impliquer dans la mise en place des procédures de redistribution foncière. Les populations sont mieux à même de le faire, en tenant compte de leurs pratiques sociales. Il est cependant clair que l'Etat et les financiers ont un rôle essentiel à jouer pour s'assurer que les critères d'équité et de solidarité soient effectivement pris en compte par les populations — surtout lorsque la structure sociale est très inégalitaire. Les "ententes foncières" ou les accords contractuels doivent précisément établir les "règles du jeu"et définir les moyens de leur contrôle.
L'Etat, lorsqu'il finance des infrastructures ou apporte une aide publique à des investissements, peut prétendre à des compensations pour les plus-values qu'il crée. Mais cet intérêt légitime doit être bien défini juridiquement. Il ne doit pas se traduire par des décisions arbitraires, sans consultation des autres partenaires concernés par l'investissement. Le cas de M'Pourié, à cet égard, fournit une illustration exemplaire des risques encourus.
Enseignements en matière de crédit rural
La structure et la dynamique de l'épargne rurale en Mauritanie sont très mal connues. Il est cependant communément admis, qu'en milieu rural et dans les petites villes de l'intérieur, l'épargne monétaire est faible tandis que l'on sait que la population préfère conserver une bonne part de son épargne sous forme de cheptel ou de biens non périssables (bijoux, etc.). La pauvreté généralisée, la nécessité de se protéger contre l'érosion monétaire, à quoi s'ajoute le fait qu'une majorité de la population s'est sédentarisée depuis moins d'une génération, sont autant de facteurs qui freinent le développement d'une culture de l'épargne monétaire.
Lorsqu'une institution bancaire n'est pas présente et active sur le terrain, l'appui institutionnel et la fourniture de ligne de crédit ne suffisent pas à assurer un engagement suffisant de la banque, ni la pérennité institutionnelle d'un service de crédit de proximité. Comme ailleurs en Afrique de l'ouest, il est à craindre que la constitution de groupements ou d'associations villageoises à vocation multiple pour assurer l'intermédiation financière entre une banque et des individus ne s'avère illusoire.
Les principales contraintes sont d'ordre économique et institutionnel, les deux étant d'ailleurs liées: il s'agit, d'une part de la faiblesse structurelle de l'épargne monétaire et de l'autre de celle des institutions de crédit. Il en résulte que la politique de crédit se doit d'être beaucoup plus prudente, notamment dans les régions enclavées et peu développées du pays. Dans de telles régions, le "tout à crédit" est une solution très risquée qui peut compromettre, par son échec, la viabilité de l'ensemble de l'opération de développement.
Par ailleurs, le crédit en nature est encore plus risqué que le crédit monétaire. Cette formule cumule en effet les risques inhérents au commerce de marchandises avec ceux de l'activité de crédit, sauf dans le cas des filières agricoles intégrées - ce qui ne s'applique en Mauritanie qu'à la filière riz.
Le financement des investissements et de la production agricole passe ainsi par la création de systèmes financiers décentralisés, capables d'assurer un service de proximité à des bénéficiaires individuels.