Projet de Développement Agricole intégré d'Assomada (1987) - IOE
Projet de Développement Agricole intégré d'Assomada (1987)
Résumé du rapport d'évaluation terminale
Le plateau d'Assomada ainsi que les deux bassins versant de Boa Entrada et Engenhos sont situés au coeur du massif montagneux central de l'ile de Santiago. Le climat est aride avec de violentes précipitations qui ravinent les sols et inondent les fonds de vallées.
Avant la mise en oeuvre du projet, la zone comprenait 2.600 ha de cultures sèches (association mais-haricot sur des pentes souvent fortes et très érodées) et 50 ha de cultures partiellement irrguées (canne à sucre principalement). Les rendements variaient selon les pluies de 0 à 1.200 kg/ha pour le mais et de 0 à 300kg/ha pour le haricot. La plupart des paysans exploitent les terres en régime indirect. Les exploitations sont de taille modeste, 1,5 ha en moyenne, dont plus de 90% en sec. La production agricole est limitée par la faible disponibilité en eau et la détérioration du patrimoine foncier par l'érosion. Le chomage et le sous-emploi sont très importants.
Conception et objectifs du projet
Le groupe cible n'est pas spécifiquement identifié. La population rurale de la zone est de 9.500 personnes soit 1.600 familles.
Le projet de développement agricole intégré d'Assomada vise à augmenter la production agricole, à réduire la dépendance à l'aide alimentaire extérieure et à augmenter l'emploi et les revenus ruraux.
Ses objectifs spécifiques sont d'améliorer les cultures sèches par des mesures de conservation et d'aménagement des sols et d'utiliser la mobilisation et la distribution d'eau afin d'irriguer 150 ha dans la zone du projet.
Les composantes du projet étaient les suivantes:
- Travaux de lutte contre l'érosion et aménagement des terres: les terres destinées aux cultures pluviales doivent être aménagées et les superficies cultivées en mais et en haricots sur les terres en pentes doivent être réduites et remplacées par du cajanus cajan. Il était prévu d'effectuer des travaux de DRS sur les pentes inférieures à 40% sur 830 ha et sur les pentes supérieures à 40% sur 1.300 ha; la construction de 61 ha de terrasses pouvant être irriguées; la construction de 1.911 seuils de retenue et de 86 barrage de retenue pour irriguer 89 ha.
- Fourniture et distribution d'eau d'irrigation: mise en place d'infrastructures de mobilisation et de distribution d'eau pour irriguer 150 ha. Il était prévu de creuser 3.000m de galeries captantes horizontales, 18 puits dans les fonds de vallées, d'aménager ou de remettre en état le réseau des 150 ha à irriguer.
- Autres infrastructures: amélioration de 17 km de routes d'accès, captage de 40 sources pour l'alimentation en eau des villages, rénovation et construction de batiments devant servir de bureaux et de logements pour le personnel de projet.
La section agronomie du projet devait mettre en place un système de vulgarisation; une section de génie civil devait préparer les plans d'exécution des infrastructures, la construction, l'entretien et le fonctionnement des ouvrages du projet. Le Bureau des Statistiques était chargé du suivi et de l'évaluation du projet.
On attendait une augmentation de la production totale de 1.640 t avant le projet à 8.163 t en période de croisière. Le revenu net des exploitations devait augmenter de plus de 150%. En outre, le projet escomptait qu'en plus d'une utilisation plus intensive de la main d'oeuvre familiale, il serait créé des possibilités d'emploi pour 1.600 familles.
La principale hypothèse soutenant le projet était la disponibilité en eau souterraines. Il était présumé que l'aménagement et la distribution de terres irriguées aient inciter les paysans à entreprendre des travaux de conservation des sols et la substitution des cultures de mais et de haricot par d'autres cultures et que les paysans élimineraient les cultures annuelles sur les pentes supérieures à 40 %, respecteraient les restrictions apportées à la libre circulation du bétail et accepteraient d'autres mesures de lutte contre l'érosion telles que l'introduction du pois d'Angol et le reboisement.
Evolution du contexte en cours d'exécution
Une loi de réforme agraire a été promulguée en 1982. Cette loi prévoyait que les exploitations seraient limitées à des superficies d'un ha en irrigué ou 5 ha en cultures pluviales. En 1983-84, le gouvernement a appliqué cette loi à la seule exploitation de la zone remplissant ces conditions. Puis, quand il s'est avéré que l'objectif fixé de 150 ha à irriguer ne serait pas atteint, le gouvernement a renoncé à appliquer la loi dans la zone.
Dans le domaine de la lutte contre l'érosion, l'aménagement de 830 ha de terrasses en sec a du être abandonné principalement en raison de son coût. 375 ha de semis de pois d'Angol formant des haies vives suivant les courbes de niveau et alternant avec la culture de mais-haricot ont pu être réalisés. Les 1.300 ha de semis de pois d'Angol en banquettes individuelles ont été remplacés (raisons de coût) par 1.130 ha de semis continu en pois d'Angol mais sans aménagement de banquettes.
Le surcoût de l'aménagement de terrasses à irriguer et la faible disponibilité en eau ont limité les réalisations à 4 ha au lieu des 61 ha prévus. Certaines infrastructures non prévues ont été réalisées: construction de 3,2 km de murs longitudinaux pour protéger les exploitations des vallées contre les crues des rivières. D'autre part, le projet a exécuté un programme FAO/Belgique de reboisement et a procédé à la plantation de 815 ha qui concourent grandement au contrôle de l'érosion dans la zone de projet.
La composante mobilisation et distribution d'eau d'irrigation a été fortement réduite en raison de la faiblesse des disponibilités en eau souterraine. Ont été réalisés: 360m de galerie filtrante, 6 puits, 1,7 km de canaux primaires, 1,9 km de canaux secondaires. Aussi n'ont pu être irrigués correctement que 32 ha et partiellement 22 ha sur les 150 ha irrigués prévus.
Comme autres infrastructures, le projet a réalisé 20 fontaines publiques (50 prévues), deux centres de collecte destinés à la commercialisation des produits agricoles, 20 km de routes de desserte (17 prévus), la construction de batiments devant accueillir l'administration du projet, la construction d'une porcherie et de ses dépendances (non prévu).
Le projet a également mis en place un système d'appui technique aux paysans avec 7 vulgarisateurs formés à l'extérieur, chargés chacun de l'encadrement d'une sous-zone. A travers des contacts avec des paysans "leaders" élus et grâce à deux champs de démonstration, les vulgarisateurs ont peu à peu convaincu les paysans de l'intérêt de la culture de pois d'Angol sur les terres pluviales et de la diversification des spéculations sur les terres irriguées.
Le système de suivi-évaluation n'a pas été effectif.
Appréciation des effets du projet et de leur pérennité
Bénéficiaires: 235 familles ont bénéficié de l'irrigation. Il est difficile de chiffrer le nombre de familles ou d'exploitations en zone pluviale ayant introduit le pois d'Angol et bénéficié du projet.
Les performances du projet sont en deça des prévisions. Une production additionnelle de 800 t/an de produits vivriers a été obtenue au lieu des 6.800 t prévues. Le revenu additionnel global se situe autour 0,3 millions de dollars/an au lieu de 1,4 millions.
Effets sur les revenus et les conditions de vie des femmes: plus de 60% de la main d'oeuvre employée dans les travaux de construction des ouvrages de lutte contre l'érosion ou d'aménagement des sols était constituée par des femmes. Le projet a grandement contribué à améliorer la rétribution de la main d'oeuvre féminine. Le salaire des femmes qui à l'origine représentait 75% de celui des hommes accomplissant les même taches a progressivement évolué pour atteindre à la fin du projet 95% du salaire des hommes.
Effets sur l'environnement et sur la base de ressource: la mise en place de haies vives suivant les courbes de niveau, la diffusion du pois d'Angol, la construction de seuils de retenue et de barrages, les murs de protection des exploitations, les plantations forestières réalisées ont un impact positif certain sur l'écosystème de la zone du projet.
Appréciation de la durabilité du projet: un millier de personnes dont une majorité de femmes ont pu bénéficier pendant 5 ans d'un emploi relativement bien rémunéré. Cette possibilité d'emploi s'est arrété avec le projet. Sur le plan social, la réalisation des fontaines publiques, le désenclavement des villages grâce aux routes construites représentent un acquis à long terme pour les paysans de la région.
L'impact institutionnel du projet est très positif. Le service de vulgarisation mis en place par le projet a servi de modèle pour le système de vulgarisation établi depuis lors au niveau national. Les services décentralisés du Ministère du développement rural utilisent les infrastructures réalisées par le projet. L'expérience développée par le projet sert de référence pour les actions de développement entreprises par le Ministère du Développement Rural (MDR). Les cadres ayant dirigé le projet ont des postes de responsabilité à l'échelle centrale ou régionale.
Principaux problèmes rencontrés
Des erreurs de conception
A la suite d'une évaluation sommaire des ressources hydriques dans la région d'Assomada, le projet s'est fondé sur l'hypothèse qu'il était possible d'irriguer 150 ha. Tout en basant sa stratégie sur cette hypothèse, le projet en renvoyait la confirmation à une étude complémentaire. Ce n'est qu'au cours de la troisième année d'exécution du projet qu'il fut définitivement confirmé que cette hypothèse était totalement erronée. D'autre part, la rapidité de la conception n'a pas permis de réunir les données de base qui auraient pu aider à mieux définir les objectifs et le type d'action à mener. Ceci est à l'origine d'autres hypothèses irréalistes (réticence de la population à l'égard de certains travaux tels que les terrassements, stratégie de lutte contre l'érosion, coûts de certains ouvrages et services). Aussi, les responsables ont eu à réadapter leur plan d'opérations au fur et à mesure que les objectifs qui leur étaient fixés s'avéraient irréalisables.
Une mauvaise gestion et coordination
Seul un des quatre cadres dirigeant le projet residait en permanence dans la zone de projet. Les vulgarisateurs n'ont été au complet qu'après 2 ans de projet.De plus, l'absence d'assistance technique extérieure n'a pas permis d'améliorer la qualité de la gestion, la tenue d'une comptabilité analytique, l'exécution d'un programme de suivi-évaluation. Le soutien que le MDR devait apporter au projet s'est avéré insuffisant. Le manque de cadres qualifiés dans les procédures d'achat, la pesanteur de la règlementation en matière d'importation, les difficultés de communication avec les bailleurs de fonds ont retardé l'acquisition et la mise à disposition du projet de l'équipement nécessaire à certaines opérations. Le comité de coordination à l'échelle centrale n'a pu être mis en place.
Une supervision du projet trop tardive
La première mission de supervision (évaluation à mi-parcours) n'a eu lieu que trois ans après le démarrage effectif du projet. Or, c'est dès le démarrage que le projet a du faire face à des problèmes importants qu'une supervision plus précoce et plus intensive aurait pu aider à résoudre. Cette mission d'évaluation a formulé un certain nombre de recommandations tendant à réviser les objectifs en fonction de la réalité de terrain. Une reformulation du projet n'a pas été faite. Les bailleurs de fonds ont poussé les responsables du projet à réadapter leur plan d'opérations. Cette sitution a engendré un certain nombre de malentendus entre les autorités du Cap Vert, le FAD et le FIDA qui ont abouti à l'arrêt des décaissement en juin 1985 et à la décision du Gouvernement de mettre fin au projet en décembre de la même année alors que 52% seulement du prêt FIDA avaient été déboursés.
Recommandations et leçons à tirer
Tout futur projet de développement rural au Cap Vert devrait affiner les études préparatoires et en particulier la collecte des données socio-économiques de base ainsi que l'évaluation des ressources naturelles disponibles et économiquement exploitables.
Il devrait être moins complexe que celui d'Assomada dont certaines composantes dépassaient la capacité technique des opérateurs nationaux. Il faudrait mieux tenir compte du cadre institutionnel dans lequel s'exécute le projet afin que celui-ci soit compatible avec les capacités de gestion et de controle des institutions locales et nationales. Il serait important de prévoir une assistance technique extérieure relativement importante dans certains domaines cruciaux tels que l'organisation de la gestion, la comptabilité, le suivi-évaluation.
Il faudrait intensifier les relations entre les bailleurs de fonds et les autorités du Cap Vert et en particulier de multiplier les missions de supervision, un minimun de 2 missions de supervision annuelles plus des missions techniques spécifiques. Il serait aussi nécessaire de former les cadres chargés d'établir les dossiers de décaissement. Il faudrait prévoir une mission d'évaluation à mi-parcours pour vérifier les hypothèses de départ et reformuler éventuellement les composantes et objectifs du projet.
Le plateau d'Assomada ainsi que les deux bassins versant de Boa Entrada et Engenhos sont situés au coeur du massif montagneux central de l'ile de Santiago. Le climat est aride avec de violentes précipitations qui ravinent les sols et inondent les fonds de vallées. Avant la mise en oeuvre du projet, la zone comprenait 2.600 ha de cultures sèches (association mais-haricot sur des pentes souvent fortes et très érodées) et 50 ha de cultures partiellement irrguées (canne à sucre principalement). Les rendements variaient selon les pluies de 0 à 1.200 kg/ha pour le mais et de 0 à 300kg/ha pour le haricot. La plupart des paysans exploitent les terres en régime indirect. Les exploitations sont de taille modeste, 1,5 ha en moyenne, dont plus de 90% en sec. La production agricole est limitée par la faible disponibilité en eau et la détérioration du patrimoine foncier par l'érosion. Le chomage et le sous-emploi sont très importants.