Income - Generating Activities Project (2005) - IOE
Income - Generating Activities Project (2005)
Évaluation intermédiaire
Le Projet d'activités génératrices de revenus (PAGER) du Bénin, approuvé par le Conseil d'administration (CA) du Fonds international de développement agricole (FIDA) en décembre 1995, a été officiellement lancé le 13 septembre 1996 par la signature, entre le Gouvernement du Bénin et le FIDA, d'un accord de prêt d'un montant de 8.050.000 Droit de tirage spécial (DTS) (soit 12 millions USD), et a recruté l'ensemble de son personnel en décembre 1996. La durée prévue était de sept ans, avec une date d'achèvement au 31 décembre 2003.
C'est dans ce contexte de clôture prochaine du projet qu'une mission d'évaluation intermédiaire du FIDA a été effectuée en mai-juin 2003. Selon le document d'orientation de cette évaluation intermédiaire, son objectif ultime est de vérifier si les résultats, l'impact et l'efficience du PAGER justifient une poursuite du projet ou si une approche différente doit être retenue au cas où les décideurs convenaient de le poursuivre.
Suite aux contraintes et lacunes auxquelles faisaient face les ruraux pauvres du Bénin (identifiées lors de missions et d'études effectuées de 1993 à 1995), le PAGER préconisait une stratégie d'intervention multi-volets auprès des ruraux pauvres des quatre départements du Sud du Bénin1 . La superficie totale de la zone d'intervention est de 24.000 km2. La population totale de la zone du projet est de 2,4 millions (à l'exclusion de Cotonou et Porto Novo), ce qui indique une forte pression démographique de même qu'un morcellement et une occupation permanente des terres, causes importantes de dégradation des sols, d'érosion, de perte de fertilité et de faibles rendements.
Le PAGER avait pour objectif l'augmentation du revenu et l'amélioration de la sécurité alimentaire du groupe cible de la zone du projet. Ses objectifs immédiats étaient: le développement d'activités génératrices de revenus, la protection de l'environnement et la promotion d'institutions de base 2.
La conception initiale du projet comprenait deux composantes : Activités génératrices de revenus (AGR) et Appui aux institutions de base (AIB). Cependant, l'objectif de la composante AIB était multiple et de grande portée, allant de « la pérennisation des activités décrites dans le volet AGR » 3 à « la promotion de la participation de la base … à tous les niveaux … afin que le monde paysan puisse à terme se prendre en charge et assumer ses propres responsabilités dans les domaines qui concourent au développement durable»4. De sorte que ces deux composantes initiales ont été scindées en trois au moment du lancement du projet :
- Une composante AGR visant à « mettre en œuvre un tissu de (micro-)entreprises économiques réalisées soit par des groupements, soit par des individus (micro-entrepreneurs) qui font partie du groupe cible. » 5. Par contre, si l'on se réfère au cadre logique, les micro-entreprises visées étaient essentiellement les groupements. Les AGR devaient être appuyées par le biais de l'animation et de l'encadrement des groupements, des formations techniques, de l'aménagement et de la rétrocession de 150 ha de bas-fonds en rizières ainsi que de l'appui à l'achat d'équipements et de 500 ha de terres par des groupements.
- Une composante Financement rural (FR), avec un volet d'appui direct à la création d'Associations de services financiers (ASF) et un volet « ligne de crédit » et « fonds à risque » à la Fédération des Caisses d'Épargne et Crédit Agricole Mutuel (FECECAM), pour accorder du crédit aux AGR (surtout du crédit à moyen et long terme pour l'achat d'équipement et de terres).
- Une composante AIB d'appui au développement communautaire grâce à la création et au renforcement des Comités villageois de développement (CVD) et de groupements, à la mise en place d'infrastructures socio-économiques, à l'alphabétisation et au renforcement d'Organisation non gouvernementale (ONG) nationales.
Une dernière composante comprenait la mise en place d'une Unité de gestion du projet (UGP) dotée « d'une pleine autonomie administrative et financière » 6, recrutée sur la base de termes de référence précis et de compétences démontrées et qui devait gérer le projet selon l'approche « faire-faire ».
L'approche « faire-faire » a été conçue de manière à améliorer l'efficacité de la mise en œuvre et la participation des bénéficiaires (les petits producteurs ruraux) pour définir leurs problèmes et chercher des solutions appropriées axées sur le renforcement des moyens dont ils disposent ainsi que sur leur responsabilité dans la mise en œuvre et la gestion des activités de développement définies. Contrairement à l'approche classique « faire », qui consiste à confier à une structure de gestion la maîtrise d'œuvre et d'ouvrage du projet, l'approche « faire-faire » est caractérisée par une maîtrise d'œuvre confiée à la structure de gestion (l'UGP) et une maîtrise d'ouvrage confiée à des prestataires de services exécutant les activités de terrain, supervisés et contrôlés par l'UGP. Ces prestataires de services sont d'une part des ONG présélectionnées pour l'encadrement permanent des groupements, micro-entrepreneurs, CVD et ASF et, d'autre part, des prestataires comme des consultants, entrepreneurs, le Centre d'action régionale pour le développement rural (CARDER) chargés de produire des services spécialisés comme la diffusion de formations, la construction d'infrastructures, la surveillance des chantiers. Dans le cadre de cette approche, les ONG sont recrutées au terme d'un processus rigoureux de sélection, sur contrats forfaitaires annuels, avec révision bi-annuelle de leur notation. Selon la nature des services rendus, les autres prestataires sont engagés sur contrats annuels ou à la pièce.
Au terme de plus de six ans d'activités, le PAGER a commencé à générer des impacts significatifs de réduction de la pauvreté chez les groupes ciblés par son programme, pour l'ensemble des indicateurs suivis, tels que l'augmentation du revenu, l'accès à l'eau potable, la sécurité alimentaire, l'achat de biens de consommations. Le PAGER a aussi généré des impacts intéressants sur la condition socio-économique des femmes.
Parmi les impacts identifiés, certains sont facilement attribuables au PAGER à cause de l'exclusivité de ses interventions dans un domaine ou dans une zone (comme, par exemple, les progrès de l'alphabétisation dans une zone où le PAGER est seul à intervenir).
D'autre part, un exercice d'estimation de la part des changements imputables au PAGER tenu en septembre 2001 avec des ONG intervenant dans la zone du PAGER a permis d'identifier certaines zones où l'influence du PAGER sur les impacts recensés est plus évidente. De plus, il semble y avoir un effet cumulatif des interventions du PAGER sur les impacts produits, comme le démontre l'impact des formations chez les producteurs.
Concernant la composante AGR, le PAGER a supporté la création de plusieurs centaines de micro-entreprises couvrant plus de 50 types d'activités économiques (45 « classiques » et six « innovatrices ») réparties entre cinq secteurs. Paradoxalement, ces micro-entreprises sont principalement des entreprises individuelles alors que l'essentiel des efforts de renforcement et de suivi était déployé du côté des groupements de production, de sorte qu'il n'est pas possible de connaître exactement le nombre total de micro-entreprises créées. Au 21 juin 2003, le nombre de groupements de production appuyés était de 386 (sur les 450 attendus), dont 62 groupements d'hommes (16%), 200 groupements de femmes (52%) et 124 groupements mixtes (32%). Les femmes représentent environ 74% des effectifs totaux des groupements appuyés. La plupart des groupements ont plus de deux activités réparties sur plus d'un secteur. Alors que le potentiel de pérennisation des micro-entreprises individuelles est bon, très peu de groupements de production pourront se pérenniser, leur utilité pour la plupart de leurs membres tenant beaucoup plus à leurs fonctions sociales qu'en tant qu'unité économique viable. En plus des activités prévues au projet pour supporter la création de ces micro-entreprises, le PAGER aura mis en place 195 ateliers de transformation (par ex. : de manioc en gari, d'ananas en jus) dans autant de groupements. L'attribution des ateliers sous forme de subvention va cependant à l'encontre de la stratégie générale du PAGER pour cette composante, qui était que « toute action entreprise (auprès des groupements, ndlr) se ferait sur base de crédit et non de subvention 7 »
Seulement 93 ha de bas-fonds avaient été aménagés en décembre 2003, et l'achat d'équipement et de terres a été très faible.
Pour la composante FR, 44 ASF on été mises en place avec bâtiments et équipement, couvrant ± 320 villages, soit beaucoup plus que le nombre de villages initialement prévu. Elles sont détenues par 15.479 actionnaires, dont 6.002 femmes (49% hommes, 39% femmes, 12% personnes morales(PM)). Cependant, on estime que le nombre réel d'adhérents est plutôt de 25.000, dont plus de 50% sont des femmes (si l'on tient compte du fait que 75% des adhérents des groupements et groupes solidaires sont des femmes, qui souvent ne sont pas actionnaires individuelles). Au 31 mars 2003, le capital mobilisé par ces 44 ASF était de 170,5 millions de FCFA. Bien que les femmes représentent 39% des actionnaires et 50% des adhérents, elles ne détiennent que 22,2% du capital. Les ASF ont un encours crédit de 302,2 millions de FCFA dont l'essentiel est composé de petits montants prêtés pour trois à six mois, soit le type de crédit correspondant aux besoins des pauvres. Depuis l'origine, 69,5% des actionnaires ont bénéficié d'un crédit. Sur les 44 ASF, dix ont déjà la capacité financière de couvrir entièrement leurs charges et sept autres les couvrent à 90%. À noter que les ASF ont connu une crise importante en 1999-2000, qu'elles ont réussi à surmonter de façon remarquable. Par contre, à ce jour, seulement 65 millions de FCFA, soit 7% des fonds alloués, ont été versés à la ligne de crédit FECECAM, ce qui fait que peu de crédit à moyen et long terme a été accordé. La consommation de cette ligne de crédit s'avère donc anormalement lente et il est peu probable que la ligne soit pleinement utilisée dans les mois à venir.
Finalement, 72 CVD ont été créés à ce jour, soit environ 87% des 83 villages encadrés, et l'UGP prévoit d'implanter les 11 restants en 2003. Les CVD sont généralement bien acceptés par les autorités et la population des villages comme instrument de développement. Cependant, les CVD sont encore très loin d'être l'instrument par lequel « le monde paysan pourra à terme se prendre en charge et assumer ses propres responsabilités dans les domaines qui concourent au développement durable». Le fait est que, derrière le concept de CVD, se cache une multitude de réalités institutionnelles mais dont l'existence et la fonction sont essentiellement déterminées par l'existence du PAGER. La fonctionnalité est plutôt faible pour la grande majorité d'entre eux, et la pérennité plus qu'incertaine, surtout dans le contexte actuel de mise en place des institutions décentralisées. Du côté des infrastructures socio-économiques, le taux de réalisation est généralement faible (de 16% à 42%), sauf pour les modules de classes (qui seront réalisés à 90%). Les résultats de l'alphabétisation sont eux aussi décevants, avec seulement 3.166 alphabétisés de base sur les 11.250 prévus. Le renforcement d'ONG nationales a donné de bons résultats en ce qui concerne la qualité des prestations produites par elles pour le PAGER, mais au prix d'un certain nombre d'effets pervers sur les bénéficiaires, les ONG elles-mêmes et la relation que le PAGER entretient avec elles.
Pour ce qui est de l'UGP, sa mise en place s'est déroulée comme prévu. Elle est dynamique, compétente, efficace, rigoureuse tout en étant souple, transparente, centrée sur les résultats et tire les leçons de son expérience. Sauf en ce qui concerne la question du genre, les systèmes de gestion mis en place sont bien rodés, efficaces, fiables et adaptés à sa mission. Elle maîtrise bien l'approche « faire-faire » qui, par ailleurs, est très coûteuse et ne donne pas les résultats attendus en termes de participation et de prise en charge par les bénéficiaires.
Le PAGER offre un bon potentiel de durabilité pour l'ensemble des impacts et des résultats produits. Cependant, la durabilité de ces impacts pourrait être menacée par le succès même du PAGER si des mesures ne sont pas prises, dans l'éventualité d'une poursuite du projet, pour accompagner les besoins complémentaires de réduction de la pauvreté. Le PAGER a aussi été l'occasion d'innover dans deux de ses composantes, innovations qui ont déjà inspiré le Projet de microfinance et de commercialisation8 (PROMIC), et qui présentent un bon potentiel de reproductibilité.
Au regard de ces résultats, il apparaît que la composante AGR est pertinente et efficace, quoique d'une façon non prévue par le projet (ex : les micro-entrepreneurs individuels au lieu des groupements de production) alors que son efficience varie selon les types d'intervention. La durabilité prévisible des AGR individuelles est généralement bonne (à l'exception des productions nécessitant l'extension des surfaces à cause du faible taux d'acquisition des terres) alors que celle des groupements est quasiment nulle.
Même si le démarrage du volet « ASF » de la composante FR a connu des ratés importants, son redressement spectaculaire depuis 2001 et les résultats très intéressants produits à ce jour rendent ce volet très pertinent, très efficace et assez efficient. De plus, la durabilité des ASF est prometteuse mais pourra prendre du temps à se réaliser ; elle nécessite donc un appui soutenu, dans le temps, pour y arriver. Par contre, le volet « ligne de crédit à la FECECAM » n'est pas pertinent, est inefficace et forcément inefficient.
Dans la composante AIB, le volet « renforcement des ONG » n'est pas pertinent. La pertinence des autres volets est à revoir alors que leur efficacité et leur efficience sont moyennes et leur potentiel de durabilité très variable.
La pertinence de l'UGP n'a de sens qu'en cas de poursuite du projet.
Elle est efficace mais pourrait l'être encore plus sur la question du genre en se dotant d'une stratégie et de mesures spécifiques. Elle pourrait aussi être plus efficiente à condition d'adopter une démarche différente de réalisation (comme l'approche « faire avec »), en externalisant certains coûts et en réduisant le nombre de volets du projet.
Compte tenu des conclusions précédentes, il y a matière à poursuite pour certaines composantes et certains volets, mais à des degrés et pour des durées très variables, alors que d'autres volets nécessitent une analyse plus poussée de leur valeur ajoutée, leur efficience et leur durabilité pour déterminer s'il y a matière à poursuite. Dans le cas où il y aurait poursuite, ces analyses devront être réalisées préalablement au maintien de ces volets dans le programme ; les approches « faire-faire », « groupement » et « genre » devront aussi être révisées ; et la formulation de la poursuite devrait particulièrement tenir compte des autres initiatives/projets oeuvrant dans les mêmes secteurs ou des secteurs complémentaires (ex. : le Programme d'appui au développement du secteur agricole II (PADSA II), l'Observatoire du changement social).
1/ Après le démarrage du projet, un nouveau découpage administratif a transformé la zone couvrant les quatre départements de Mono, Atlantique, Ouémé et Zou en sept départements. Les trois nouveaux départements ainsi créés sont les suivants : Couffo, Plateau et Littoral.
2/ Rapport de préévaluation, septembre 1995, Volume I, p. 16.
6/ Rapport de préévaluation, septembre 1995, Volume I, p. 25.
7/ Rapport de préévaluation, septembre 1995, Volume I, p. 18.
8/ Projet du FIDA dans la moitié nord du Bénin et quasi identique au PAGER en ce qui concerne ses objectifs et activités.