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Integrated Agricultural and Rural Development Project in the Governorate of Siliana (2004)

06 décembre 2005

Évaluation intermédiaire 1

Mis en oeuvre en 1997 et s’inscrivant dans la stratégie nationale et régionale de CES et de réduction de la pauvreté rurale, le Projet de développement agricole intégré de Siliana (PDARI) avait pour objectif principal la sécurisation du potentiel de production et des revenus des petites exploitations agricoles mais aussi l’amélioration du niveau d’équipement en infrastructures de base pour les populations pauvres, dans 70% du territoire du Gouvernorat de Siliana. Pour relever ces défis, le projet a identifié d’une part des composantes d’investissement touchant le capital productif ; les ressources naturelles les plus soumises à l’érosion et certaines infrastructures de base et d’autre part des composantes de création et de renforcement des capacités des institutions de développement et des petites exploitations agricoles. Les principales composantes définies sont la CES (28 000 ha), l’amélioration sylvopastorale et de l’élevage (plantations pastorales sur les terrains domaniaux et privés et actions agroforestières), le développement agricole de 10 000 petites exploitations (promotion de l’arboriculture fruitière et réhabilitation des périmètres irrigués), l’amélioration du niveau des équipements de base (eau potable et pistes de desserte) et l’appui au développement communautaire et la promotion de la femme. Le groupe cible était composé de 12 000 familles, dont 10 000 petits exploitants et 2 000 jeunes ménages.

Le projet a proposé une démarche qui se voulait innovante pour le Gouvernorat de Siliana ; elle visait à développer une approche participative basée sur :

  • des outils de programmation (Plans de développement à deux niveaux) permettant une meilleure implication ou association des populations dans le processus de planification des actions de développement à l’échelle des Imadas où des Conseils consultatifs de développement d’Imada (CCDI) et des CCDD (Délégation) devaient jouer un rôle central dans la mobilisation des populations, la programmation et le suivi des réalisations.
  • l’unité spatiale d’intervention (microzone ou sous-bassin versant) devant permettre d’initier des actions de développement multisectoriel d’amélioration sylvopastorale, de travaux de CES, d’amélioration de la productivité de l’agriculture et de l’élevage ;
  • des ONG qui devaient intervenir pour assurer l’octroi des petits crédits dans le cadre des comités locaux de crédit et d’épargne au sein d’un système de Caisses villageoises d’épargne et de crédit à mettre en place ;
  • la prise en compte de la problématique femmes et jeunes filles à travers des mécanismes spécifiques pour promouvoir le rôle économique et social de la femme dans les zones rurales ;
  • la promotion de l’approche participative dans le cadre de 12 Opérations pilotes participatives (OPAP) dans 12 douars choisis dans la zone d’intervention du projet dès la deuxième année en concertation avec les CCDI.

L’histoire du projet est jalonnée par une succession d’événements internes liés à l’organisation de l’Unité de gestion du projet (UGP) et externes du fait de l’évolution institutionnelle en matière d’octroi du microcrédit qui ont influencé l’évolution des outils d’intervention, le déroulement de ses activités et finalement la nature de ses résultats. Avant tout, il y a lieu de signaler la suppression de l’activité de création des caisses villageoises pour le microcrédit avec la création en 1997 de la Banque de solidarité tunisienne (BTS). Ensuite, l’approche qui devait être expérimentée de pair avec le système CCDI, CCDD, PADI et PADD2, de manière à définir une véritable stratégie de planification participative pour l’ensemble du projet, a été réduite à la seule expérience pilote dans deux microzones visant à développer les outils et l’approche de développement local. Cela est dû à l’option retenue de ne travailler qu’avec un groupe limité d’ONG (FERT et FTDC3) plutôt qu’aux capacités des ONG en matière de participation. Enfin, l’évaluation à mi-parcours par le Centre national des études agricoles (CNEA) en 2000 a permis de réviser certains objectifs sectoriels, notamment l’accroissement des banquettes mécaniques, mais au détriment des techniques douces.

Les principaux partenaires du PDRAI sont le CRDA de Siliana, la BTS de Siliana, la Direction générale des financements extérieurs (DGFE), le FIDA, l’Agence française de développement (AFD), l’institution coopérante du FADES et les autres structures d’appui comme l’IRESA et les ONG. Leur appui à l’UGP a été variable. D’une manière générale, l’UGP n’a pas bénéficié des appuis techniques conséquents au regard des objectifs ambitieux du projet. En ce qui concerne l’appui de la DGFE, malgré l’absence d’un système national de suivi et évaluation des PDARI, plusieurs missions et visites de terrain ont été conduites pour apprécier les résultats atteints et donner certaines orientations pour une meilleure exécution. L’apport technique et méthodologique de l’AFD a été plus intensif et conséquent surtout en matière de recherche-développement pour le volet semis direct. En ce qui concerne le FIDA, son appui s’est limité au suivi physico-financier de son portefeuille à travers le FADES. Des missions techniques venant directement du FIDA n’ont jamais eu lieu en dehors de celle de 2003 qui avait pour objet d’aider le projet à mieux structurer ses rapports de synthèse et à initier un travail de capitalisation de différentes expériences en matière de développement communautaire. L’équipe de l’UGP, malgré les contraintes qu’elle a subies (effectif réduit, manque de souplesse dans la programmation budgétaire, précarité d’une partie de son personnel du fait de leur statut de contractuel, etc.), a accompli un travail important et très appréciable. Mais elle n’a pas su élaborer ni organiser à temps de façon plus efficace sa stratégie opérationnelle qui lui aurait permis certainement de mieux programmer ses activités et les résultats à atteindre.

Les objectifs du PDARI ont été et demeurent très pertinents pour une zone à forte spécificité rurale qui reste soumise aux aléas climatiques, à l’érosion, à la dégradation de ses ressources naturelles, à la pauvreté et à l’exode rural. Les réalisations physiques sont très substantielles et dans l’ensemble ne présentent pas de carences majeures insurmontables à l’échelle élémentaire. Toutefois, les interventions n’ont, dans leur ensemble, pas été conçues selon la démarche prescrite, à savoir une approche participative de développement intégré, par microbassin versant, en dépit de quelques exceptions d’intégration notées sur certains sites.

Le PDARI a enregistré, en l’espace de sept ans, des résultats notables pour des objectifs relativement ambitieux visant à limiter les effets de l’érosion et à sécuriser le potentiel de production des paysans selon une approche qui se voulait participative. Le projet a initié une approche recherche-développement intéressante avec les institutions de recherche nationales (INRAT, IRESA, etc.) sur des thèmes porteurs d’innovations et de mutations des systèmes de production dans la zone, en particulier dans les domaines de l’arboriculture (pêcher de Bargou), du semis direct et de la diversification des aliments de bétail (blocs alimentaires). La création et le renforcement des capacités en direction des femmes et surtout des jeunes filles qui ont été appuyées par le projet ont créé de nouvelles sources de revenus et un environnement propice à l’émancipation des jeunes filles.

La mise en œuvre du projet s’est plutôt inscrite dans une démarche de programmation sectorielle avec une dimension consultative élargie des populations. Les espaces de dialogue créés comme les CCDI n’ont pas joué pleinement leur rôle dans la programmation participative des actions de développement. Les moyens de l’UGP étaient limités du fait que le document de projet n’intégrait pas suffisamment de souplesse financière et institutionnelle pour que l’approche participative puisse se développer dans toutes les séquences de la programmation locale. Les résultats de l’expérience d’EPIDEL dans les localités de Hamam Kesra et Soualem sont mitigés. L’adhésion des populations à toute la démarche de cette expérience a été totale mais leur déception est grande par rapport aux résultats atteints. L’appui technique, directement par l’UGP ou à travers les deux ONG, FERT et FDTC, à cette expérience n’a été ni cohérent ni suffisamment efficace.

Les flux financiers injectés dans l’économie régionale de Siliana ont été importants. En moyenne par an, les investissements structurants ont été de l’ordre de 6,2 millions de DT (soit près de 5 millions de USD) dont 15 à 25% ont été injectés localement sous forme de salaires pour les différents chantiers et travaux entrepris. La qualité des infrastructures est dans l’ensemble bonne. Mais l’appropriation de certaines de ces infrastructures n’est pas encore totalement acquise, en particulier celle des banquettes mécaniques et de certaines infrastructures hydrauliques.

L’injection de flux financiers à travers les investissements réalisés touchant les diverses infrastructures socio-économiques, l’appui aux organisations de base et le développement rapide de certaines activités génératrices de revenus ont eu incontestablement des effets positifs sur la dynamique des économies locales des différentes localités et l’amélioration du cadre de vie des populations.

Les impacts les plus visibles des actions du PDARI dans les zones menacées par l’érosion ont une double conséquence directe sur le potentiel productif des paysans et l’envasement des barrages et des lacs collinaires sur l’importance des superficies traitées (21 000 ha) touchant toutes les catégories des paysans. Ces impacts se traduiront dans la vie quotidienne des paysans d’ici cinq à 10 ans par la valorisation agronomique des terres du fait des capacités créées pour la rétention des eaux, la diversification des productions par l’entrée en production de 6 000 nouveaux hectares d’oliviers et l’accroissement des réserves en eau des barrages et des retenues collinaires situés en aval des terres aménagées. Sur le plan du patrimoine des paysans, les terres prendront de la valeur du fait qu’elles sont mieux protégées et valorisées par des plantations arboricoles.

En matière d’infrastructures de base, le projet a permis le désenclavement d’une dizaine de localités de 10 000 habitants et l’accès à l’eau potable à 7 000 personnes de plusieurs douars dispersés. Pour le développement communautaire, les actions les plus importantes ont été la formation agricole qui a touché 391 jeunes filles (JF) et donné lieu à la création de 107 microprojets dans le secteur de l’élevage bovin, ovin, apicole et cunicole. La formation artisanale a intéressé 336 JF pour le tissage du tapis (194 JF) et d’autres productions plus faciles à commercialiser (18 JF formées en margoum et 124 JF en poterie et décoration) avec 70 microprojets installés. Par ailleurs, plusieurs groupements et seulement cinq CCDI sur 42 ont reçu une formation plus ou moins complète et adéquate.

Le PDARI a également contribué de façon significative à créer deux microzones porteuses de plusieurs mutations économiques et sociales. En effet, en matière de développement agricole, les investissements consentis dans la délégation de Rohia pour mettre en valeur 1 608 ha au profit de 456 exploitants agricoles vont transformer le paysage local. Ces aménagements ont renforcé le potentiel productif de Rohia et créé une microzone d’intensification des productions agricoles. La deuxième sous-zone est représentée par Bargou où une diversité d’actions (sylvopastorales, gestion intégrée de la forêt, aménagements hydro-agricoles, renforcement des AIC, pêcher de Bargou, etc.) ont permis de créer une dynamique locale des exploitations agricoles porteurs de réels changements socio-économiques.

Les réalisations sont importantes et leurs impacts sur les conditions d’existence de plusieurs ménages sont loin d’être négligeables. Mais la pauvreté structurelle dans le gouvernorat, même si elle a enregistré un léger recul, est encore perceptible dans les stratégies de diversification des revenus adoptées par toutes les familles (agriculture, travail saisonnier, exode rural temporaire, etc.). La mission, dans une perspective de meilleur ciblage sectoriel et catégoriel des populations pauvres, voit tout l’intérêt d’approfondir l’expérience du PDARI dans une deuxième phase selon une nouvelle approche qui tiendrait compte des exigences d’un développement rural plus ouverte aux innovations, aux activités extra agricoles et adaptée au mode de fonctionnement des économies locales.

Partant de tous les acquis et les insuffisances de l’expérience du PDARI, la mission de formulation adresse deux catégories de recommandations. La première est d’ordre général liée à l’évolution du concept du PDARI. La seconde touche à certaines composantes mises en œuvre par le projet.

Le PDARI, dans une éventuelle deuxième phase, devrait agir davantage dans le cadre d’une approche de développement qui permette de concilier l’impératif de conservation des ressources naturelles et de créer les conditions de diversification des revenus monétaires. Ce cadre pourrait être le développement local participatif. L’aspect conservation des sols et sauvegarde des ressources naturelles devra être maintenu à travers le financement du gouvernement ou autres en raison de la gravité du phénomène de l’érosion et de la dégradation des ressources végétales dans cette zone. Ce type de développement local devra tenir compte du souci de réduction des risques de vulnérabilité économique des agriculteurs tout en oeuvrant à développer des activités extra-agricoles.

Aussi, lors d’une nouvelle phase d’un projet FIDA, il serait déjà opportun d’engager une autre stratégie d’appui au développement rural centrée sur des actions multiformes intégrées dans des sous-espaces socioterritoriaux cohérents répondant à la nature des modes de fonctionnement des économies locales et des sociétés rurales de Siliana marquées essentiellement par l’existence d’une diversité de stratégies adaptatives de diversification de leurs revenus monétaires. C’est dans l’interaction des actions agropastorales et des activités extra-agricoles ainsi que dans le développement des activités de services de proximité pour et par le monde rural que le contenu d’un programme de développement local et participatif peut avoir une portée stratégique et des impacts plus diffus sur les dynamiques locales de développement et à terme sur la fixation des populations dans leurs villages.

Par ailleurs, l’expérience du PDARI a mis clairement en lumière l’absence de synergie entre les partenaires impliqués dans la mise en œuvre des activités du projet (Gouvernement AFD, FIDA et FADES), ce qui a nui à ce dernier. À l’avenir, et compte tenu de la recherche par l’État de formules neuves de liaison et d’échanges avec la base paysanne et rurale (GDAP, GD, etc.), il serait souhaitable de tester et mettre en adéquation par ajustements progressifs, les mécanismes institutionnels mis en place par le projet (CCDI, CCDD, etc.) afin d’assurer leur véritable coordination et synergie avec les instances existantes (CLD, CRD). Il serait également bon qu’un dispositif pérenne soit mis en place pour des revues techniques des composantes du projet, la tenue tous les deux ans d’une revue de projets et l’effectivité des comités de pilotage pour faciliter tout travail d’ajustements techniques et financiers du projet ainsi que la capitalisation de meilleures pratiques de développement.

La deuxième grande recommandation a trait à la consolidation des acquis du PDARI notamment par la :

  • valorisation des actions CES et de développement sylvopastoral en renforçant les capacités d’organisation des populations dans la prise en charge de leurs infrastructures réalisées ;
  • consolidation des acquis de la recherche-développement dans le cadre d’une vision de développement ;
  • mise en place d’un système de suivi et évaluation plus efficace ;
  • capitalisation des outils et approches l’expérience du PDARI sous forme de référentiels et manuels technique à l’usage du CRDA et d’autres administrations de développement.

1/ La mission d’évaluation intermédiaire était composée de M. Moncef Kouidhi, économiste, chef de mission; M. Salah Rouchiche, spécialiste en agroforesterie; M. Luca Fè d’Ostiani, sociologue; M. Slah Nasri, spécialiste en CES. Elle a eu des échanges fructueux avec les consultants de FERT et d’AGER, M. Jean-Charles Derongs, M. Guillaume Dherissard et Mlle Mouna Mastouri.
2/ Plans annuels de développement par Imada (PADI); Programmes annuels de développement de délégation (PADD).
3/ Fédération tunisienne pour le développement communautaire (FTDC).


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