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Livestock and Pasture Development Project in the Eastern Region - Mid-term evaluation (1995)

18 avril 1995

Résumé du rapport d'évaluation à mi parcours

L'aire géographique couverte par le projet correspond à neuf communes rurales des provinces de Figuig et d'Oujda, celles-ci couvrant une superficie totale de l'ordre de 3,1 millions d'hectares. La population totale de ces communes était estimée en 1990 à 76 800 habitants, soit environ 9000 familles d'éleveurs. Le climat est aride, avec des précipitations essentiellement orageuses dont le total annuel est de l'ordre de 200 mm en moyenne mais avec d'importantes fluctuations intra- et interannuelles.

Le système d'élevage extensif pratiqué dans la zone du projet repose sur l'utilisation des parcours naturels et sur la transhumance saisonnière du cheptel, l'ampleur des mouvements variant selon les communes et selon les années en fonction de la complémentarité des différents secteurs écologiques, des droits d'usage sur les terrains collectifs, des pluies, de l'état des parcours et des disponibilités en eau pour l'abreuvement du cheptel. Les parcours à base d'alfa et, surtout, ceux à base d'armoise blanche, sont le plus souvent dégradés par suite de phénomènes de surpâturage tandis que certaines zones éloignées des terres de culture ou dépourvues de points d'eau, sont sous-exploitées. La sous-alimentation du cheptel est fréquente, surtout en année sèche. Elle s'accompagne d'un état sanitaire généralement déficient, si bien que les performances zootechniques sont dans l'ensemble médiocres et nettement inférieures aux potentialités biologiques tant des parcours que du cheptel existants. L'élevage constitue la principale source de revenu des ruraux, l'agriculture est présente mais son importance économique est faible. Les petits éleveurs, dont les ressources monétaires sont très limitées, sont contraints de se fixer autour des points d'eau dont les environs sont souvent surpâturés. Une partie notable des éleveurs a une attache dans un centre urbain.

Conception et objectifs du projet

Groupe-cible

Le projet s'est proposé d'aider en priorité les éleveurs les plus démunis qui représentent 59% des éleveurs (avec 15% du cheptel). La ressource base du groupe cible est constituée de parcours utilisée collectivement par tous les éleveurs. L'amélioration de la ressource base n'a pu donc être envisagée sans associer au projet les autres catégories d'éleveurs moyens et grands, qui comptent, respectivement, 34 et 7% des éleveurs, 45 et 40% du cheptel.

Objectifs et composantes

Le PDPEO s'est donné pour objectif d'accroître la production des parcours et de l'élevage afin d'augmenter le revenu des éleveurs et, plus particulièrement, d'améliorer les conditions de vie des plus démunis. Les interventions prévues se proposent également de tenter de renverser le processus de dégradation des parcours et de permettre, à terme, de les exploiter selon des systèmes de production durables, en équilibre avec les nouveaux niveaux du potentiel reconstitué. Le projet se propose, enfin, d'organiser les éleveurs en coopératives qui seraient responsables de la gestion des parcours. En raison des droit collectifs sur ces ressources, les coopératives seraient organisées sur la base sociale des structures lignagères existantes.

Les composantes du projet comprennent:

  • Un volet d'aménagement pastoral (plantations d'arbuste fourragers (3200 ha); re-semis, 20 000/ha; scarifiages, 60 000 ha; mises en défens, 750 000 ha. L'hydraulique pastorale, inclue dans ce volet, vise à améliorer le maillage des points d'eau (forages, citernes, camions-citerne).
  • Un volet de développement de l'élevage dont les deux lignes d'action principales concernent des programmes de santé animale et un programme d'amélioration génétique.
  • Un volet de vulgarisation, recherche développement, formation professionnelle.
  • Un volet crédit, principalement orienté vers les petits éleveurs.
  • Un volet "promotion des activités féminines".
  • Un volet de renforcement institutionnel, y compris la mise en place d'une unité de direction du projet et une unité de suivi-évaluation.

Il était prévu que la tutelle du projet soit confiée au Service de l'élevage et qu'il soit exécuté par les deux DPA d'Oujda et de Figuig, sur la base de programmes définis et coordonnés par une Direction du projet autonome.

Effets et résultats attendus

Suite aux actions du projet, la production fourragère passerait de 112 à 181 millions UF (+62%), cette augmentation provenant pour 64% d'une gestion améliorée des parcours et pour 36% des investissements d'amélioration pastorale. La production de viande augmenterait de 35%. Le taux de rentabilité de base a été estimé à 19%. Il était également attendu des actions de projet qu'elles restaurent un meilleur équilibre de l'écosystème.

Environ 9000 familles d'éleveurs devaient bénéficier des effets du projet, la priorité étant donnée aux petits éleveurs dont les revenus devaient au moins doubler. L'organisation coopérative mise en place par le projet devait pouvoir gérer, de façon autonome, un système de rotation des pâturages garantissant l'exploitation durable des ressources des parcours.

L'un des effets importants attendu du projet était de tester une approche nouvelle en matière d'association des éleveurs à la gestion des parcours. Une réussite dans ce domaine - après tant d'échecs ou de succès limités à la démonstration technique - signifierait qu'une solution durable aurait été apportée au problème de l'élevage pastoral au Maroc.

Évaluation

La mission a disposé de l'information contenue dans les rapports annuels, dans les études sociologiques entreprises dans le cadre du projet et dans les documents d'auto-évaluation préparés à l'attention de la mission. Cette information a été complétée par des entretiens avec tous les cadres concernés du projet et de l'administration, par des réunions tenues de façon groupée - avec tous les conseils d'administration des coopératives, par des visites de terrain des principales réalisations du projet, enfin par des entretiens avec les éleveurs souvent prolongés par une nuitée chez l'habitant. Le travail de terrain a donné l'occasion à la mission de tester une méthodologie de cartographie socio-foncière qui manquait encore au projet. Les informations établies par le système de suivi, en revanche, se sont avérées très pauvres, surtout en matière d'analyse économique. La mission a parcouru, pendant 17 jours, toute la zone du projet.

Contexte dans lequel le projet a été exécuté

D'une façon générale le projet a été mis en oeuvre conformément aux dispositions de l'accord de prêt. La seule modification importante a été apportée, en début de projet, par une circulaire ministérielle qui rattachait la direction du projet à la DPA de Figuig au lieu d'en faire, comme prévu initialement, une unité distincte des deux DPA. A signaler également qu'un certain nombre de postes ne sont toujours pas pourvus (cadres de la cellule de suivi-évaluation; sociologue pour la composante féminine).

Réalisations du projet

Au 31/12/94, soit à-peu-près à mi-parcours, les ressources totales du projet (45 millions USD) avaient été engagées à hauteur de 61%. Le déboursement du prêt FIDA n'était la date du 20/09/95 que de 12%. Ce faible taux s'explique par les retards comptables dans le paiement au Maroc des dépenses qu'il a financées sur avances du Trésor et par le blocage de la composante "Crédit" (20% du prêt). Les déboursements des prêts de la BAD et du FAD étaient, à la même date, de 22 et 12%, respectivement.

Par rapport au volume total des financements prévus pour chaque composante, les montants déjà engagées au 31/12/94 représentaient 94% du total affecté aux travaux de génie civil, ces chiffres étant de 103% pour le matériel et les véhicules, 72% pour l'assistance technique, 0% pour le crédit agricole, 41% pour les intrants et les services d'amélioration pastorale, et 45% pour les dépenses de fonctionnement. Mis à part le crédit qui n'a pu être déboursé en raison du problème de l'endettement (ancien) des éleveurs auprès de la CNCA, seules les deux dernières rubriques disposeront au cours de la deuxième moitié du projet de ressources comparables à celles dont elles ont disposé pendant la première moitié. Les travaux de génie civil et les achats de matériel ont, pour leur part, épuisé leurs ressources.

Le premier groupe de réalisations du projet concerne les actions directement liées à l'amélioration du milieu productif (ressources pastorales et hydriques) et à la productivité des troupeaux. Les actions de mise en défens, qui ont concerné 320 000 ha, soit 72% de l'objectif prévu à mi-parcours, ont constitué la réalisation la plus spectaculaire et la plus déterminante dans le processus d'adhésion des éleveurs au projet. Les réalisations les plus réussies se localisent dans les communes de la province de Figuig, en raison d'une bonne cohésion inter-coopérative. Dans le nord (province de Jerada) plusieurs réalisations ont été bloquées par des litiges fonciers. Les autres actions d'amélioration pastorale ont donné de bons résultats pour les plantations mais appelent encore des mises au point techniques dans les autres cas. Les réalisations dans le domaine de l'hydraulique pastorale ont atteint très rapidement les limites fixées par les enveloppes de financement (dès 1992 pour le programmes des citernes). Les équipements de points d'eau ont nettement amélioré la situation mais ils sont encore insuffisants pour un bon "maillage" de l'espace pastoral. Les actions les plus importantes dans le domaine de la production animale ont concerné la prophylaxie et les soins sanitaires. Le projet est intervenu en renforçant les moyens des services vétérinaires et en mobilisant la logistique nécessaire aux campagnes de traitement des ovins. L'accueil fait par les éleveurs à ces campagnes se mesure à l'effectif traité dès 1992 (511 000 animaux traités contre les parasites internes) et à l'augmentation régulière de cet effectif (778 000 en 1994 sur en effectif total estimé à 929 000 ovins). Le programme d'amélioration de la race Beni Guil a été conduit avec un relatif succès avec l'Association nationale des producteurs d'ovins, créant ainsi les bases d'une diffusion à plus grande échelle des reproducteurs et reproductrices améliorés.

Un second groupe de réalisations concerne les composantes liées à des "programmes d'accompagnement". Le projet prévoyait, dans ce cadre, la mise en oeuvre d'un programme de recherche développement pour préciser les thèmes à vulgariser. Ce programme a été mis en oeuvre sur la base d'une convention avec l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II mais il s'est par trop orienté vers un programme de recherche thématique classique, ne tenant que très insuffisamment compte des priorités identifiées par les vulgarisateurs et les éleveurs. La composante "vulgarisation" a déployé une intense activité (plus de 1 000 séances de vulgarisations organisées), celle-ci à permis de diffuser certaines innovations techniques et d'aider à l'acceptation des règles coopératives et des disciplines de mise en défens. Il semble cependant qu'elle n'ait touché qu'un public limité, surtout composé d'éleveurs d'une certaine taille. Les actions de formation professionnelle ont été conduites conformément aux prévisions -- sauf pour les aides sanitaires remplacés par les régisseurs des coopératives. Les actions de promotion des activités féminines ont été ponctuelles, quantitativement faibles et difficilement mesurables en termes d'impact. Ces limitations ont mis en évidence la nécessité d'aborder d'une autre manière le problème de l'intégration de la femme au développement. Le crédit, en raison de blocages institutionnels, n'a pu jouer son rôle d'accompagnement au profit des plus démunis.

Le projet avait prévu d'organiser les éleveurs sur la base d'une formule d'un type nouveau, la "coopérative ethno-lignagère", cette formule devant permettre de concilier les avantages d'une structure moderne et ceux d'un système traditionnel reflétant les droits d'usage collectifs sur les parcours. Ce concept a été très bien et très vite accueilli par les éleveurs. Le projet a pu, à partir de là, regrouper quelque 9 600 adhérents dans 38 coopératives constituées sur la base de fractions de tribus. Un assainissement, visant a écarter les non-éleveurs, a ramené ce chiffre à environ 8 000 adhérents en 1995. Les coopératives, très fortement soutenues par les cadres du projet, par la vulgarisation, par les programmes de formation, ont très vite commencé à jouer un rôle effectif, notamment dans la gestion des mises en défens. Bien que ne disposant que de ressources limitées, leur situation financière est en général bonne, mis à part quelques coopératives "bloquées" qui devraient être dissoutes. Les coopératives sont cependant encore trop liées aux actions du projet et elles sont encore loin de pouvoir "s'autonomiser". De plus, elles sont très largement dominées par les éleveurs les plus puissants, économiquement et politiquement.

L'organisation de projet, on l'a vu, diffère de celle prévue par la pré-évaluation. La formule retenue présente moins de souplesse mais elle a l'avantage de mieux s'articuler aux procédures administratives. Ce choix a permis de préparer et exécuter rigoureusement les programmes annuels de chaque composante et de coordonner la programmation budgétaire avec les procédures de la BAD. Ce système cependant est lent et lourd et il n'offre aucune souplesse d'ajustement en cours de programme. Sa nature administrative l'empêche par ailleurs d'impliquer les coopératives, qui ne sont que partiellement consultées. Le système de gestion du projet semble avoir mieux fonctionné au Sud (ou il s'identifie à la plus grande partie des actions de la DPA de Bouarfa) qu'au Nord où le projet ne constitue qu'une partie des activités de la DPA d'Oujda. En dépit des efforts de la cellule du projet et de la coopération des deux directeurs de DPA, il existe un certain dualisme au sein du projet. Le projet, par ailleurs, est organisé sur une base sectorielle, correspondant à chaque composante, ce qui a rendu les interactions plus difficiles.

Le système de suivi-évaluation (SSE) devait jouer un rôle essentiel pour pouvoir observer, guider et évaluer les actions d'un projet relativement novateur. Si les activités d'auto-évaluation et les études sociologiques ont effectivement permis d'améliorer la connaissance du milieu d'intervention, les activités de suivi proprement dites n'ont pas été à la hauteur des attentes, et sont restées essentiellement sectorielles. La formule retenue pour l'organisation et l'exécution du projet a rendu pratiquement sans objet un système de pilotage du projet reposant sur le suivi des actions auprès de la population cible. En outre, le SSE a été mis en place sans expérience de référence. Il n'a pas été en mesure de ce fait de donner une vue d'ensemble des interactions des activités du projet et de leur impact sur les systèmes de production. Des réformes sont en cours mais, dans le contexte organisationnel déjà mentionné, elles sont encore beaucoup trop fondées sur un suivi sectoriel.

Effets du projet et "durabilité"

Effets sur le groupe cible. C'est probablement par son impact sur le groupe cible que le projet a eu les effets les plus discutables. C'est un fait, les améliorations pastorales, ont, en termes quantitatifs, bénéficié particulièrement aux éleveurs qui détenaient le plus de cheptel; les services des coopératives ont, de même, profité en premier à leurs représentants les plus puissants. Mais pouvait-il en être autrement? Etait-il possible d'améliorer les ressources des parcours collectifs sans que celles-ci soient utilisées au pro-rata des effectifs possédés? Pouvait-on éviter que les coopératives ne soient dominées par les élites des lignages traditionnels? Il serait cependant incorrect d'en tirer la conclusion que les petits éleveurs n'ont été que des bénéficiaires marginaux: les petits éleveurs ont utilisé les parcours améliorés et les services vétérinaires; ils ont participé à l'activité des coopératives, même si leur pouvoir de décision est resté faible. Il est regrettable que la composante "crédit", qui leur était particulièrement destinée, ait été bloquée jusqu'à maintenant.

Effets sur l'intégration des femmes au développement. En dépit des efforts déployés, les activités de promotion féminine n'ont eu qu'un impact limité. L'expérience semble montrer que ces actions sont insuffisantes pour atteindre un objectif qui reste à cerner de manière plus précise. Cette composante appelle une réorientation.

Effets du projet sur l'environnement. Le projet a eu incontestablement un effet positif sur le mode de gestion du parcours et sur l'environnement, principalement grâce aux mises en défens. Ces réalisations ont provoqué une vraie révolution dans les attitudes: les éleveurs en effet, ont accepté l'idée de n'utiliser des parcours qu'à certaines époques; de limiter la charge animale; de payer une redevance pour le pâturage. Bien que l'ambitieux programme initial du projet pour une rotation généralisée des pâturages -- clé de la gestion durable des parcours -- n'ait pas encore pu être mis en pratique, on peut considérer que les actions de projet lui ont donné une base solide et améliorable dans le futur.

Effets sur la production animale. Les mises en défens, en créant des réserves, ont, sans nul doute, contribué à réduire les risques en cas de sécheresse. Les campagnes de soins vétérinaires ont, pour leur part, sécurisé les troupeaux, en limitant les risques dûs aux maladies et aux parasites. Ces résultats sont importants mais ils ne suffisent pas. Le projet, en effet, concentré sur des actions sélectives, ne s'est pas suffisamment penché sur la connaissance et la possibilité d'amélioration des différent systèmes de production animale. Une lacune qu'il faudra corriger.

Effets du projet sur le "relai" coopératif. Les coopératives "ethno-lignagère ont été marquées par la contradiction qui a présidé à leur conception. La formule est-elle viable? Les règles coopératives peuvent-elles, avec le temps, imposer de nouvelles règles de fonctionnement à des structures sociales relativement figées par des héritages traditionnels? Plusieurs possibilités existent mais elles passent par des voies encore inexplorées par le projet: meilleure représentativité, système de décision plus rapproché des adhérents (création de "sections de coopératives", émergence de nouvelles compétences, développement de contre-pouvoirs, enfin "autonomisation" financière des coopératives. De telles approches supposeraient que l'Etat se fasse le promoteur d'une participation accrue et accepte effectivement de se "désengager". Ce n'est pas encore le cas, l'efficacité actuelle du projet étant, dans une très large mesure due à l'efficacité de l'Etat, principal opérateur de ce projet.

Autres effets. Les données, et peut-être aussi le recul, manquent pour analyser, à mi-parcours, les effets du projet, sur les revenus, sur la nutrition, sur la sécurité alimentaire, sur l'emploi. Il y a une grande faiblesse de l'information dans ces domaines. Un effort accru en vue de mieux mesurer ces effets d'ici la fin du projet est nécessaire.

Scénario tendanciel. Le bilan et à mi-parcours du projet offre des images contrastées de réussites et d'insuffisances. En dernière analyse cependant, il faut retenir deux conclusions importantes: la création d'une incontestable dynamique et le risque d'un échec final si certaines réorientations stratégiques ne sont pas mises en oeuvre. La dynamique créée par le projet est incontestable: le projet est présent sur une superficie immense, tous les éleveurs adhèrent aux coopératives, des innovations techniques ont été testées avec succès, un capital de connaissances considérable a été accumulé. Mais cette dynamique est elle même la cause d'une demande de changement, d'une plus grande ouverture sur les options stratégiques.

La deuxième conclusion est alarmante. Les bénéfices apportées par cette dynamique sont allés principalement aux catégories d'éleveurs les plus aisées. En outre, le projet a essentiellement fonctionné au travers de l'Etat et sur une base sectorielle. Ce mode d'opération, qui était inévitable dans un premier temps, lui a permis de réussir tout ce qui était dans la logique de l'administration. Mais il ne lui a pas permis, en revanche, de se placer dans une autre perspective pour préparer "l'après projet". Il faudrait, que le projet puisse commencer à réfléchir , à son niveau, à la signification du "désengagement de l'Etat" et du transfert des responsabilités et des ressources aux intéressés les plus directs.

Recommandations

La dynamique du projet, ses réussites en dépit de nombreuses limitations, ont créé un appel pour de nouvelles approches susceptibles de replacer ses actions dans une perspective à long-terme. A mi-parcours, une telle conclusion est déjà devenue évidente. Le projet peut il changer de route pendant les quatre années qui lui restent et inscrire son action dans une telle perspective? Evidemment non, le temps est trop court, et les rigidités de l'organisation, des procédures et des modes de financement ne laissent que peu de marge à des ajustements en souplesse, même progressifs.

L'option proposée et qui constituerait la principale recommandation de la mission -- est de se placer dès maintenant, dans une optique à long terme, celle de "l'après-projet". Il s'agirait essentiellement d'opérer ou consolider, les changements que le premier projet aura rendu possibles. La tâche des quatre prochaines années serait alors claire: terminer le programme prévu par le projet actuel mais déjà dans un contexte "d'après projet", c'est à dire en s'interrogeant sur les alternatives d'action et en les testant dans toute la mesure possible. Le point de départ en serait une phase de réflexion sur les orientations stratégiques qui prendrait place, si elle était acceptée, immédiatement après la réunion de concertation qui aura à discuter le présent rapport.

S'inscrivant délibérément dans une telle perspective, que justifie amplement la dynamique créée par le projet, la mission a souhaité contribuer à cette recommandation en proposant, dans la seconde partie de ce rapport, des pistes pour des stratégies possibles -- celles-ci se fondant sur un "relecture" de la situation actuelle, c'est à dire sur un essai de compréhension des dynamiques du milieu dans l'Oriental.

Cette conclusion majeure mise à part, la mission a formulé, sur la base d'une concertation avec l'équipe du projet, plusieurs recommandations de caractère immédiat qui pourraient améliorer les modes d'intervention du projet ainsi que ses performance au cours des quatre prochaines années, quelle que soit l'option retenue pour la suite du projet. Ces recommandations, détaillées dans le rapport, sont schématiquement les suivantes:

Recommandations relatives aux composantes "Amélioration pastorale" et Production animale"

  • Amélioration de la connaissance de la surveillance du milieu et du système pastoral.
  • Capitalisation de l'expérience acquise en matière d'amélioration des parcours, notamment pour mieux gérer les mises en défens.
  • Amélioration des modes d'intervention en matière de production animale, avec en particulier un meilleur ciblage sur les systèmes de production animale.

Recommandations relatives à la composante "Hydraulique pastorale"

  • Augmentation des ressources affectées à la composante, qui a pratiquement épuisé ses crédits budgétaires.
  • Assainissement des marchés en cours.
  • Choix d'une alternative pour la gestion des camions-atelier.
  • Solution à apporter pour le gardiennage des points d'eau
  • Curage des citernes enterrées;
  • Tarification de l'eau.

Mesures concernant les coopératives

  • Mesures diverses en vue d'une amélioration du fonctionnement et de la gestion des coopératives
  • Mise en chantier de l'étude et le test, de procédures pour instaurer des rapports contractuels avec les coopératives, sur la base de "contrats programmes".
  • Sensibilisation des responsables pour la promulgation d'un texte législatif sur les coopératives pastorales.

Recommandations relatives aux composantes "Recherche-développement", "Vulgarisation", "Formation professionnelle" et "Promotion des activités féminines"

  • Redonner sa place à la "recherche-développement" dans une optique à long-terme et sur la base d'une association avec les vulgarisateurs et les éleveurs.
  • Renforcer les moyens et adapter la fonction "vulgarisation", notamment en l'intégrant davantage aux actions du projet.
  • Relancer le programme de formation professionnelle (fils d'éleveurs, régisseurs et administrateurs de coopératives, cadres du projet) selon un concept de formation permanente avec évaluation de l'impact.
  • Transformer le concept de la composante "promotion féminine", notamment en l'intégrant à la vulgarisation et en lui donnant des objectifs plus concrets à partir d'une fonction de soutien aux "micro-projets".

Recommandations relatives au fonctionnement du projet

  • Analyser les options pour un réorganisation administrative du projet. Compte tenu des inconvénients de chaque option, la formule actuelle, améliorée sur le plan de l'organisation technique pourrait cependant s'avérer la meilleure solution de compromis.
  • Repenser la répartition des fonctions techniques, en particulier pour atténuer les effets de l'organisation sectorielle et favoriser les interactions entre les composantes.
  • S'appuyer davantage sur les Centres de travaux, qui doivent être renforcés en conséquence.
  • Alléger les responsabilités du projet en coopérant davantage avec les coopératives, considérées comme des "partenaires de développement".
  • Motiver les cadres et agents du projet.
  • Desserrer les contraintes budgétaires, notamment en procédant à des réallocations du fonds et en négociant avec les bailleurs de fonds la possibilité d'octroi de fonds additionnels.

Mesures concernant le "Suivi-évaluation"

  • Réviser les méthodologies proposée par l'IAV pour que le suivi soit moins sectoriel et davantage fondé sur des indicateurs permettent de suivre les interactions entre les activités du projet.
  • Revoir les approches proposées pour l'évaluation de façon à mieux saisir les dynamiques auxquelles le projet est associé et identifier les indicateurs appropriés.
  • Introduire dans le processus d'évaluation, des séquences d'auto-évaluation par les éleveurs, les coopératives, les cadres du projet et leurs autres partenaires.

Leçons de l'expérience

La mission retient de son expérience une première leçon qui lui parait essentielle: celle de la nécessité d'intégrer le processus d'une évaluation à mi-parcours dans la vie même du projet. Dès le départ, l'idée d'établir une synergie a été retenue mais dans la pratique, il est apparu que la mission arrivait au bon moment pour aider les cadres du projet à mieux s'interroger sur les problème qui étaient nés de la réussite de leur action. La mission est ainsi apparue comme un facteur de catalyse dans un processus de connaissance.

Lorsque des projets ont été à l'origine d'une dynamique telle que celle que l'on a obtenue dans le cas du PDPEO, il faut déjà s'interroger sur "l'après projet" avant même que l'on soit arrivé à la fin du projet. Dans une telle optique, l'on peut difficilement échapper à une interrogation collective - sur les options stratégiques susceptibles d'orienter un projet en longue période. Une "relecture" des dynamiques actuelles des milieux où intervient un projet donné, constitue une étape décisive pour la formulation des options stratégiques.

Cette relecture fait, pas ailleurs, apparaître la liaison qui existe entre certains projets et leur environnement politique. Leur mise en oeuvre en effet peut souvent conduire à de nouvelle interrogations sur certains aspects des politiques nationales de développement. Elle peut contribuer à des prises de positions nouvelles, et donc à des progrès.

L'expérience, par ailleurs, semble montrer la nécessité d'aménager le cadre juridique et réglementaire dans lequel s'inscrivent les activités promues par le projet. C'est là l'une des conditions de leur "durabilité".

Le ciblage des bénéficiaires par exclusion des élites rurales n'est ni réaliste ni souhaitable, car celles-ci peuvent être les locomotives du développement local. Pour autant, les projets qui se bornent à soutenir les acteurs les plus dynamiques ne sont pas susceptibles d'atteindre leur objectif d'un développement équitable. La leçon qu'il faut en tirer est qu'il faut piloter et canaliser les dynamiques spontanées, notamment en dégageant des contre-pouvoirs. C'est là que réside la responsabilité particulière de l'Etat, garant de l'intérêt collectif, et la justification première de son engagement. Faute de quoi l'Etat n'aurait qu'un discours sur le développement équitable mais ni de politique ni projet réel pour en atteindre ses objectifs finaux.

L'expérience de l'évaluation du PDPEO a enfin mis en évidence la nécessité d'une interrogation sur la réplicabilité du projet au Maroc ou dans l'aire géographique connaissant de semblables problèmes de pastoralisme, notamment en Afrique sub-sahelienne et en Asie de l'Ouest.

 

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