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Madagascar Country Programme Evaluation (2013)

09 octobre 2013

Résumé exécutif

Cette évaluation de programme de pays est la première à être conduite par le FIDA à Madagascar. L'analyse se concentre sur les programmes des opportunités stratégiques pour les pays (COSOP) 2000 et 2006, six prêts (Projet de mise en valeur du Haut Bassin du Mandraré - PHBM II, Programme de promotion des revenus ruraux - PPRR, Projet d'appui au développement du Menabe et du Melaky - AD2M, Programme de soutien aux pôles des micro-entreprises rurales et économies régionales - PROSPERER, Projet d'appui aux organisations professionnelles et aux services agricoles - AROPA, Programme de formation professionnelle et d'amélioration de la productivité agricole - FORMAPROD) et sept dons. En plus de l'analyse des activités du portefeuille, cette évaluation porte sur l'appréciation des activités hors prêt (gestion des savoirs, dialogue sur les politiques publiques, établissement des partenariats) ainsi que sur la pertinence et l'efficacité de la stratégie de collaboration entre le Gouvernement et le FIDA.

Depuis le début de ses opérations à Madagascar en 1979, le FIDA a financé 14 projets (4 actifs à l'époque de l'évaluation) pour un coût total de 515 millions d'USD dont 175 millions (34%) sont des prêts du FIDA à des conditions favorables, 91 millions (18%) des contributions de l'état malgache et 203 millions (46%), des cofinancements. Le FIDA a approuvé sa première stratégie (COSOP) à Madagascar en 2000 et la deuxième, en 2006. De plus, le portefeuille a bénéficié d'une contribution financière de l'Union européenne à hauteur de 12,5 millions d'Euro (PARECAM: Programme d'appui à la résilience aux crises alimentaires à Madagascar) visant à répondre à l'augmentation des prix des denrées. Le FIDA a ouvert un bureau de pays à Madagascar en 2011.

Contexte national. Madagascar a connu quatre crises sociopolitiques depuis l'indépendance: en 1972, 1991, 2002 et 2009. Suite à la crise de 2009, l'ancien président Marc Ravalomanana a remis le pouvoir aux militaires et Andry Rajoelina est devenu le président de la Haute Autorité de transition en attendant la tenue de nouvelles élections prévues en juillet 2013. Après une interruption, les bailleurs multilatéraux ont repris leurs activités de développement à partir de 2012. Le FIDA n'a jamais interrompu l'exécution des projets en cours durant cette période et il est devenu, de facto, le principal bailleur dans le secteur agricole.

Des années 70 jusqu'au milieu des années 90, la croissance annuelle du PIB n'a été en moyenne que de 0,5%, bien inférieure à la croissance de la population. Le PIB a enregistré une forte croissance depuis la fin des années 90, grâce à la performance améliorée du secteur agricole, du tourisme et au flux de nouveaux investissements dans le secteur minier et la prospection pétrolière. Suite à la crise, le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 3,7% en 2009. La croissance devrait atteindre 4,5% en 2013.

En 1993, la prévalence de la pauvreté à Madagascar était estimée à 70% et 17 ans plus tard, selon l'enquête périodique auprès des ménages de 2010, elle avait augmenté à 76,5%, dont 82,2% en milieu rural. La prévalence de la malnutrition chronique des enfants (stunting) de moins de cinq ans est très élevée: 49,9% en zone rurale (2008-2009), quoiqu'en diminution.

Madagascar est doté d'un capital naturel de grande importance (entre autres, 10 millions d'hectares de terres arables qui ne sont pas encore exploitées). Les filières agricoles, notamment les filières de rente, présentent des opportunités significatives. Le pays est parmi les premiers producteurs mondiaux de vanille, girofle, poivre, litchis. La production piscicole est considérable. En 2010, Madagascar était classé parmi les dix premiers pays producteurs aquacoles, avec une production annuelle de 6 886 tonnes. Parmi les contraintes, on peut noter: la dégradation des ressources naturelles (terres, forêts, parcours, eaux) et l'insécurité du foncier (risque d'accaparement des terres). En 2005, une réforme foncière a introduit la certification des droits d'usage mais la crise politique de 2009 a entrainé une réduction drastique du financement de cette réforme.

Portefeuille des projets

La pertinence des projets a été plutôt satisfaisante. Les objectifs des projets sont bien dans la ligne des stratégies du Gouvernement et du FIDA ainsi que des besoins des bénéficiaires. Dans les interventions de développement agricole, on note la proportion appropriée d'aménagements hydroagricoles et de sécurisation foncière (PPRR, AD2M). La contribution financière du PARECAM a permis de promouvoir des activités très pertinentes d'appui à la sécurité alimentaire à travers l'expansion de l'irrigation et de l'accès à des techniques agricoles améliorées.

Dans le domaine de l'appui aux entreprises rurales (PROSPERER), l'appui à la formation de base des entrepreneurs, au développement des produits et à la commercialisation ont été généralement bien conçus. La conduite d'études de filières a permis de mieux identifier les opportunités et les facteurs de blocage dans l'accès au marché. Le partenariat établi avec le réseau des chambres de commerce et d'industrie a été opportun et pourrait permettre dans le long terme l'institutionnalisation de certains services fournis aux entreprises rurales. Par contre, l'approche visant la commercialisation à travers les "centres d'accès aux marchés" (PPRR) ne s'est pas avérée adaptée à cause d'une maîtrise faible des filières agricoles et d'un financement insuffisant, alors que d'autres modalités (ex. une forme d'agriculture contractuelle) auraient pu être explorées.

Les deux derniers projets (AROPA, FORMAPROD) ont des objectifs pertinents. Pourtant, leur conception est très compliquée et des risques existent quant au montage institutionnel. L'AROPA vise la professionnalisation des petits producteurs et leurs organisations et à les associer au dialogue sur les politiques, notamment dans le contexte de l'élaboration et de la mise en œuvre du Programme sectoriel agricole. Deux contraintes sont observées: les faiblesses institutionnelles du réseau régional des chambres d'agriculture (partenaire principal du projet) et ses relations difficiles avec les opérateurs d'appui choisis pour coordonner les activités au niveau régional (ONG, bureaux d'étude) qui ont des approches d'intervention assez différentes. Le FORMAPROD vise à soutenir la stratégie nationale de formation agricole et rurale, une nécessité reconnue dans le pays. Sa conception présente des risques, notamment à cause de la grande multiplicité des composantes, des principes peu clairs pour évaluer les besoins en formation agricole et de l'absence d'une équipe de coordination solide au niveau national. La responsabilité de son exécution est confiée aux unités régionales des autres projets FIDA à Madagascar ne se spécialisant pas en formation agricole.

L'efficacité du portefeuille a été plutôt satisfaisante. Parmi les résultats les plus convaincants, on note les aménagements hydroagricoles (PHBM II, AD2M) et l'introduction de techniques culturales améliorées à travers des approches "champs écoles paysans". Les rendements des cultures principales (paddy, haricots, lentilles, arachides et oignons) ont progressé au-delà des valeurs cibles, surtout pour le paddy, à travers la diffusion des systèmes de riziculture intensive et de semences améliorées qui en ont permis de doubler ou tripler les rendements.

Dans le domaine de l'appui à la commercialisation et aux entreprises rurales, l'appui aux micro-entreprises (PROSPERER) a été, lui aussi satisfaisant, non seulement par le nombre significatif d'entreprises soutenues (environ 12 300), mais surtout, par les résultats en termes d'augmentation des revenus des entreprises. Par contre, les centres d'accès aux marchés (PPRR) ont connu une augmentation très modeste de volume de ventes et presque tous opèrent à perte. Les expériences les plus prometteuses du PPRR ont eu lieu hors de l'approche des centres d'accès aux marchés: le projet a établi des partenariats avec des entreprises privées d'exportation de produits de niche (ex. sucre et curcuma biologique).

Concernant l'appui aux associations de base, le PPRR a renforcé 634 organisations paysannes et aidé à établir 39 unions d'associations ainsi que des fédérations régionales qui s'impliquent déjà dans le suivi et le soutien aux activités de commercialisation. Dans le cas de l'AROPA, les opérateurs régionaux ont entrepris des initiatives d'encadrement d'associations de producteurs. Toutefois, faute d'une capacité de pilotage solide, il y a eu peu de guidage et de priorisation stratégique.

L'efficience a également été plutôt satisfaisante. Dans le cas d'un projet déjà clôturé (PHBM-II), l'estimation du taux de rentabilité économique interne a été supérieure aux prévisions (27% contre 14%), grâce aux faibles coûts unitaires des aménagements de périmètres irrigués. Pour certains projets encore en cours, on ne dispose pas d'informations complètes mais les chiffres disponibles suggèrent des ratios favorables entre bénéfices et coûts dans le cas de deux projets (AD2M et PROSPERER) et des résultats plus mitigés pour deux autres projets, à cause de la rentabilité faible des centres d'accès aux marchés (PPRR) ou d'un démarrage compliqué (AROPA).

Impact sur la pauvreté rurale. Selon les données disponibles, les revenus des ruraux pauvres ont connu des progrès considérables, même si les changements observés ne peuvent pas être attribués exclusivement aux actions des projets. Dans le cas du projet PHBM II, le revenu monétaire moyen net par habitant a cru de 74% en moyenne. Concernant le PROSPERER, les revenus moyens des entreprises rurales ont augmenté entre 7% et 60% selon les régions entre 2010 et 2011.

Les projets ont contribué à l'augmentation des rendements et de la production agricole des ménages. Selon l'évaluation du PHBM II en 2008, les productions de riz et de manioc ont connu, entre 2001 et 2007, des augmentations respectives de 92% et 118%. Dans le cas du PPRR, il convient de rappeler l'augmentation des rendements rizicoles (dans certains cas de 500 kg à 3 tonnes par hectare) grâce à l'adoption de systèmes rizicoles intensifs. Pour la zone de l'AD2M, on observe le triplement des rendements pour le riz et le doublement de pour le haricot, l'arachide et la lentille.

Par contre, les projets sont peu portés vers la gestion des ressources naturelles et de l'environnement ainsi que l'adaptation aux changements climatiques. Ils manquent des stratégies de conservation et de gestion de bassins versants (même au niveau micro et meso) et il y a eu peu de mesures concrètes pour faire face à la baisse de fertilité des sols.

Les perspectives de durabilité des projets individuels sont plutôt satisfaisantes. C'est notamment le cas des composantes d'appui à la production agricole, grâce à des coûts d'entretien et d'opération assez modestes (ex. riziculture) et aux partenariats noués avec des entrepreneurs privés. À titre d'exemple, l'AD2M a pris des mesures pour renforcer les perspectives de continuité, en concentrant l'appui sur des filières et des pôles de production, mettant en relation les producteurs avec les marchés, ciblant la professionnalisation des agriculteurs dans les domaines organisationnel, technique et commercial. Le PPRR a aidé à établir des partenariats avec des exportateurs dans des filières de rente. En même temps, quelques risques existent: dans le cas du PPRR, la grande majorité des centres d'accès aux marchés opèrent à perte. Concernant l'AD2M, il ne sera facile d'amortir le choc de clôture du dispositif de proximité du projet (environ 100 professionnels entre l'Unité de gestion du projet et les ONG de terrain).

Le PROSPERER présente de bonnes perspectives de durabilité institutionnelle, grâce à sa collaboration avec les chambres de commerce et d'industrie et avec d'autres institutions régionales et locales. Cependant, les structures de proximité du projet, les guichets uniques multiservices pour les entreprises, ont peu de chance d'atteindre un degré d'autofinancement suffisant au moment de la clôture du projet. Leurs services aura, encore pour longtemps, une dimension de service public.

Certains projets ont entamé une réflexion sur la pérennisation à travers des ateliers de consultation avec les partenaires. Une nouvelle phase d'investissements sélectifs et d'accompagnement pour consolider et assurer la continuité semble nécessaire pour les projets qui seront clôturés prochainement. Pourtant, ceci n'a pas encore été prévu par le FIDA et ses partenaires.

La capacité d'innovation et reproduction à plus grande échelle a été plutôt satisfaisante. Parmi les innovations les plus représentatives, on peut inclure: (i) les techniques culturales améliorées (systèmes de riziculture intensive, greffage, multiplication rapide des plantes à tubercules); (ii) l'appui aux filières agricoles et aux "pôles de production"; (iii) l'appui à la sécurisation foncière à travers la certification des droits d'usage; (iv) l'implantation des "guichets uniques multiservices" au niveau des districts pour l'appui aux micro-entreprises.

Une question importante concerne la capacité, dont celle du Gouvernement malgache, d'extension d'échelle de reproduction des innovations. La situation d'isolement par rapport à la coopération internationale après la crise politique de 2009 a limité les opportunités d'effet de levier à travers le cofinancement d'autres bailleurs. D'autre part, la collaboration avec des entreprises privées nationales et internationales représente une source d'appui aux innovations et à leur reproduction qui n'est pas encore complètement exploitée.

La promotion de l'égalité entre les sexes et autonomisation des femmes a été satisfaisante. Tous les projets se sont efforcés d'accroitre la visibilité des aspects de genre. Les femmes sont mieux impliquées dans la nouvelle dynamique d'épanouissement social et de développement économique; elles représentent plus de 40% des membres des organisations de base et 60%, voire plus, des bénéficiaires des activités de micro-crédit.

Activités hors prêt

Développement des partenariats. Le FIDA et les institutions publiques malgaches ont développé des partenariats au niveau national, régional et local. Leur valeur a été démontrée pendant la récente période de crise, en contribuant à éviter l'effondrement du secteur agricole. Le principal partenaire du FIDA a été le Ministère de l'agriculture (MINAGRI), avec ses directions générales et ses services régionaux. Certaines composantes des projets ont permis d'établir des partenariats avec d'autres ministères (ex. élevage, commerce, industrialisation) et avec la Vice-Primature en charge de l'aménagement du territoire, et par conséquent, d'appuyer la réforme foncière. Aucun partenariat n'a encore été établi avec le ministère chargé de l'environnement et des forêts, malgré l'urgence de la protection des ressources naturelles.

Le FIDA a participé activement à le plan cadre des Nations Unies pour l'aide au développement ainsi qu'à la coordination multi-bailleurs dans le secteur agricole qui regroupe 13 bailleurs et dont il a assuré la présidence entre 2010 et 2011. Avec les institutions financières multilatérales (Banque mondiale, Banque africaine de développement), les échanges et discussions ont été fréquents, mais en dépit des chiffres officiels présentés dans les documents, il n'y a pas encore eu de véritable cofinancement ou d'interventions coordonnées.

En termes de partenariats public-privé, la collaboration avec la Fédération des chambres de commerce pour la mise en œuvre du PROSPERER est un choix stratégique adéquat: la Fédération est un réseau de chambres qui disposent de compétences organisationnelles et de gestion. Par contre, le partenariat avec la chambre d'agriculture pour l'exécution d'AROPA apporte moins de compétences organisationnelles et opérationnelles: la Chambre n'a pas encore le statut juridique d'une organisation professionnelle. Au niveau des projets individuels (ex. PPRR, PROSPERER), des collaborations ont été établies avec des entrepreneurs privés (produits d'exportation tels que litchi, vanille, girofle, poivre, pomme cannelle et baies rose), à travers des approches d'agriculture contractualisée, mettant en relation les producteurs et les opérateurs de l'aval de la filière (exportateurs, transformateurs ou distributeurs).

En termes de contribution à la gestion des savoirs, l'évaluation remarque l'amélioration du système de suivi-évaluation inclus au niveau du programme de pays. Ceci a été réalisé notamment par la création en 2007 de la plateforme d'Amélioration du système de suivi-évaluation et gestion des savoirs (SEGS, connue aussi sous le nom de ZARAFIDA ), qui a permis d'établir le lien entre les indicateurs du cadre logique du COSOP et ceux des projets individuels pour faciliter le suivi-évaluation, le flux d'information et l'analyse des données. Le FIDA et ses partenaires ont aussi mis en œuvre des initiatives de capitalisation et de communication des expériences des projets à travers la préparation de brochures, de vidéo-documentaires en DVD, la publication de deux livres, de sites internet. De plus, dans chaque projet, la cellule de suivi-évaluation anime un volet communication qui développe des messages ciblant les agriculteurs en utilisant divers medias (radio rurale, journal trimestriel).

Concernant le dialogue sur les politiques publiques, la conjoncture de crise depuis 2009 a imposé une réduction des consultations officielles entre les bailleurs et la contrepartie nationale. Au niveau "macro", l'activité principale a été la participation du FIDA à la préparation du Programme sectoriel agricole, en collaboration avec la FAO et la Banque mondiale. Le FIDA plaide pour la participation des représentants des organisations des agriculteurs dans ce processus. La lacune constatée est que les apports du FIDA dans ces processus ne reposent pas sur des analyses ou des notes de préparation préalables. L'élaboration de telles notes sur des thèmes spécifiques permettrait de mieux faire remonter les expériences des projets ou les données des études et enquêtes.

Des efforts importants ont été faits afin d'articuler les expériences de terrain des projets en matière de sécurisation foncière pour alimenter le dialogue sur les politiques nationales. Cet appui a porté sur la contribution au fonctionnement de l'Observatoire foncier national et sur l'élaboration du cadre logique d'intervention du Programme national foncier, la définition et l'élaboration d'outils méthodologiques pour le suivi, l'évaluation des résultats et l'impact de la réforme foncière.

Le projet PROSPERER collabore avec le ministère de l'agriculture pour l'élaboration d'une stratégie nationale du financement agricole et avec le ministère en charge de l'économie pour l'élaboration d'une politique de soutien aux entreprises.

À Madagascar, le FIDA a consacré des ressources pour les activités hors prêt et la gestion du COSOP. En accord avec le FIDA, le ministère de l'agriculture a créé en son sein, depuis la fin des années 90, la Cellule d'appui au programme FIDA (CAPFIDA). Née pour exécuter des fonctions administratives, cette cellule appuie désormais non seulement le portefeuille des projets, mais aussi, le suivi au niveau du COSOP, ainsi que le développement des partenariats et le dialogue sur les politiques publiques. Le budget de la CAPFIDA est pris en charge par l'un des quatre projets actifs par trimestre sur fonds de prêts du FIDA et représente un exemple d'investissement dans l'appui stratégique et les activités hors prêt. Après l'ouverture d'un bureau de pays en 2011, la question de la répartition du travail entre ce bureau et la CAPFIDA méritera l'attention du FIDA et du Gouvernement.

La performance du COSOP

Pertinence. Entre 2000 et 2012, on observe une transition dans la stratégie d'intervention du FIDA. En 2000, les interventions consistaient en projets à l'échelle géographique limitée, multi-composantes et de contenus "techniques". À partir de cette situation, et durant les périodes des COSOP 2000 et 2006, on note une évolution vers des interventions à couverture géographique élargie (plusieurs régions) et plus spécialisées du point de vue thématique. On note aussi une attention de plus en plus marquée pour l'appui au renforcement des capacités d'institutions publiques et parapubliques alors que les anciens projets intervenaient seulement au niveau des ménages et des communautés.

Il y a eu des évolutions dans les montages institutionnels: les anciens projets (PHBMI II, PPRR, AD2M) étaient confiés à des structures de gestion ad hoc. Par contre, la gestion du PROSPERER a été confiée à la Fédération des chambres de commerce et d'industrie, renforcée par une unité technique. Cette articulation a établi des bases solides pour la diversification des initiatives en direction des domaines non agricoles. L'AROPA a articulé une déconcentration avec les chambres d'agriculture régionales. Dans l'ensemble du programme de pays, la logique de déconcentration n'a pas encore été poussée jusqu'au bout pour développer également des partenariats avec les communes comme maître d'ouvrage du développement local.

Le COSOP 2006 a mis en exergue le thème important de la collaboration avec les entreprises privées dans le développement des filières agricoles (transformation, commercialisation) pour augmenter la valeur de la production. Les opérations financées par le FIDA ont bien répondu à ces enjeux par une ouverture et une capacité d'adaptation à collaborer avec les acteurs privés.

Les deux dernières interventions (AROPA, FORMAPROD) se caractérisent par une très forte complexité du montage institutionnel. Les mécanismes internes de contrôle de qualité du FIDA avaient détecté des faiblesses dans la conception, mais ces deux projets ont continué leur itinéraire vers la présentation au Conseil d'administration sans changements significatifs.

Dans son diagnostic sur les questions environnementales, le COSOP 2006 a bien souligné la gravité de la dégradation environnementale à Madagascar, aggravée par une forte vulnérabilité aux aléas climatiques. Malgré ce bon diagnostic, le COSOP n'a pas fourni d'orientations à suivre pour tenir compte de l'environnement, la gestion durable des ressources naturelles et des aléas climatiques comme thèmes transversaux lors de l'élaboration des projets.

Efficacité. Cas rare, voire unique au FIDA, dans le programme à Madagascar, il existe un suivi au niveau du COSOP alimenté par un système de traitement d'information et de données (SEGS/ZARAFIDA) qui permet d'effectuer un cadrage entre indicateurs des projets et indicateurs établis au niveau du COSOP. Jusqu'à présent, le suivi du COSOP s'est concentré sur les aspects de portefeuille et pas assez sur les activités "hors prêt", un aspect qui, pourtant, mérite d'être intégré. De toute façon, cette expérience montre que le suivi au niveau du COSOP est faisable et d'autres programmes de pays appuyés par le FIDA pourraient s'en inspirer.

Par rapport au premier objectif du COSOP ("Améliorer la gestion des risques et réduire la vulnérabilité des ruraux pauvres en leur donnant plus largement accès aux ressources et aux services"), des progrès importants ont été réalisés dans la réduction des risques liés à la production et dans l'augmentation des rendements (par exemple de 1-1,5 t/ha à 4-5 t/ha dans le cas du riz). Concernant la réduction des risques liés à l'insécurité foncière, si les résultats demeurent encore modestes en termes quantitatifs (nombre de certificats enregistrés), le programme a quand même fourni une contribution à la réflexion sur les politiques nationales de sécurisation foncière, sans compter qu'après la crise de 2009, en dehors du FIDA, très peu d'organisations internationales ont financé ce genre d'intervention.

Quant au deuxième objectif ("Améliorer les revenus des ruraux pauvres par la diversification des activités agricoles et la promotion de l'entreprenariat rural"), les résultats atteints sont très probants dans la promotion des entreprises rurales, l'amélioration de l'accès des petits producteurs aux marchés et la formation professionnelle. Le programme touche environ 14 000 micro-entreprises dans 5 régions. L'effort de promotion met l'accent sur la formation pour renforcer les capacités et les compétences, l'accès à la micro-finance et l'accompagnement des personnes formées.

Concernant le troisième objectif ("Professionnaliser les petits producteurs et leurs organisations pour les associer plus étroitement au développement économique et politique"), le programme a connu le succès lorsqu'il s'est agi d'apporter des appuis de proximité aux organisations paysannes de base, par exemple pour l'amélioration des capacités de gestion des exploitations agricoles familiales ou pour l'accroissement de la productivité agricole.

Cependant, l'objectif de professionnaliser les organisations paysannes a été dilué par l'objectif parallèle de renforcer la chambre d'agriculture à travers des ONG et bureaux d'étude. Pour ce qui est de la facilitation du dialogue entre les organisations de petits producteurs et le gouvernement au sein des principales structures consultatives nationales et régionales, les chambres d'agriculture sont représentées dans les consultations sur les politiques et les stratégies qui intéressent leurs membres. Une limite constatée est qu'il y a eu peu d'appui aux associations paysannes afin d'articuler leur plaidoyer vers des thèmes plus concrets inspirés de l'expérience de terrain des projets.

Évaluation du partenariat Gouvernement-FIDA

 

Notations2

Performance du portefeuille

4

Activités hors-prêt

5

Performance du COSOP

5

Partenariat Gouvernement-FIDA

5

Barème de notation: 6 = très satisfaisant; 5 = satisfaisant; 4 = plutôt satisfaisant; 3 = plutôt insuffisant;
2 = insuffisant; 1 = très insuffisant.

Conclusions

Dans un pays qui a vécu une stagnation de la productivité agricole sur quatre décennies et qui est affecté par une crise politique depuis 2009, l'apport du FIDA a été pertinent et conséquent en termes d'appui à la productivité agricole. Malgré la crise politique, on n'a pas assisté à une détérioration de la performance du portefeuille du FIDA, grâce à l'autonomie dont ont bénéficié les équipes de gestion des projets par rapport aux processus politiques. Les investissements dans le développement des entreprises rurales vont dans le sens d'une diversification des sources de revenus des ménages ruraux. Le programme affiche des expériences prometteuses de développement des filières agricoles et de partenariats entre secteur public et entrepreneurs privés. Par contre, la question de la consolidation des acquis après la clôture des projets, n'a pas encore reçu une attention suffisante au niveau stratégique.

À partir du COSOP 2006, l'évaluation a noté une attention accrue à l'appui aux institutions, aux politiques nationales et une déconcentration progressive de la gestion des projets vers les institutions régionales. L'évaluation a également noté un manque de focalisation sur l'appui aux communes pour leur permettre de développer les capacités de maîtrise d'ouvrage et de planification en développement local.

L'aspect de la protection de l'environnement n'a pas encore été bien intégré dans la conception des projets qui se sont peu engagés dans des mesures de lutte contre l'érosion ou de conservation de la fertilité du sol et de reboisement. Dans le domaine de l'irrigation, des interventions protectrices existent au niveau des exploitations individuelles, mais non au niveau des bassins versants élémentaires qui les abritent. Une planification à l'échelle des méso ou micro-bassins est nécessaire pour pérenniser les investissements réalisés dans les bas-fonds en assurant une gestion durable de l'eau et du sol.

À Madagascar, des ressources additionnelles ont été mises à la disposition des activités hors prêt. Les principaux instruments ont été la CAPFIDA et, depuis 2011, le bureau de pays du FIDA (qui bénéficiera du déplacement du chargé de programme de Rome à Antananarivo d'ici 2014). L'expérience de la CAPFIDA mérite une attention particulière pour le FIDA lui-même.

Recommandations

A. Poursuivre et affiner les orientations stratégiques sur trois axes: (i) appui à la déconcentration et à la décentralisation, (ii) diffusion de techniques agricoles et (iii) approches filières

En termes de priorités institutionnelles, le nouveau COSOP devrait continuer dans la direction de l'appui à la déconcentration et à la décentralisation. Ceci se réfère à la continuation de l'appui aux structures régionales prévues par le Programme sectoriel agricole (fonds régionaux de développement agricole, centres de services agricoles), à la régionalisation progressive des structures de gestion des projets, aux services techniques déconcentrés de l'État. Mais, il sera également important de mettre l'accent sur le développement des partenariats avec les communes rurales, pour appuyer le renforcement de leur capacité de maitrise d'ouvrage en matière de planification du développement local.

Concernant les axes d'intervention, il sera important de continuer l'appui à la vulgarisation de techniques agricoles améliorées (notamment les systèmes de riziculture intensive et améliorée), ce qui constitue une priorité nationale au regard de la faible productivité de l'agriculture malgache. Les expériences prometteuses de certains dons et fonds supplémentaires (ex. SCAMPIS, INBAR) suggèrent de mieux intégrer les activités des dons dans le programme de pays, en mobilisant une enveloppe de dons spécifiques au pays.

L'Évaluation recommande la continuation des approches de développement des filières agricoles, en évitant des mécanismes peu efficaces (ex. les centres d'accès aux marchés), en mettant plus d'accent sur des approches d'agriculture contractualisée et impliquant davantage, et dès le début (i.e. durant la phase de formulation des projets), les commerçants, les entrepreneurs privés, afin de renforcer la synergie entre production agricole, transformation et commercialisation.

B. Protection de l'environnement et adaptation au changement climatique comme activités transversales dans la stratégie et les opérations

Pour mieux prendre en considération le thème transversal de l'environnement, il sera important de s'inspirer de la stratégie du FIDA en la matière et prendre des mesures en termes de partenariats, notamment: (i) en établissant un partenariat stratégique avec le ministère chargé de l'environnement et (ii) en renforçant la coordination et les échanges d'expériences avec les principaux bailleurs impliqués dans la gestion des bassins versants (ex Banque mondiale, Banque africaine de développement, Agence Française de Développment) pour intégrer cette approche dans les interventions appuyées par le FIDA. La planification au niveau des bassins versants n'est pas faisable avec les seules ressources financières du FIDA mais serait possible à travers des partenariats avec d'autres bailleurs.
Une collaboration plus marquée entre les dons et les prêts, permettrait aussi de mettre en exergue: (i) des mesures de conservation des eaux et du sol et (ii) le développement durable de produits non-ligneux (ex. bambou et rotin) pour l'artisanat et la construction, par exemple en tirant des leçons de l'expérience du don INBAR et du don approuvé pour la Commission de l'Océan indien.

C. Placer la pérennisation des acquis au cœur du programme

À cause de leur caractère innovant et de l'accent mis sur des zones enclavées et sur les groupes les plus pauvres et vulnérables, les projets FIDA ont typiquement un démarrage lent et une progression accélérée durant les 2-3 dernières années de mise en œuvre. Ceci ne permet pas toujours de consolider les acquis. Il est indispensable d'envisager, dans le prochain COSOP, une stratégie de consolidation des acquis (ex. dans le cas du PPRR et de l'AD2M) moyennant des initiatives d'accompagnement sélectif (i.e. financer la suite seulement pour les composantes performantes) et une durée plus réaliste pour les nouveaux projets (par exemple une dizaine d'années plutôt que six ans, en tenant compte des difficultés de démarrage). Ceci concerne la production rizicole et la petite irrigation, mais aussi l'appui aux filières de rente et les guichets uniques multi-services pour l'appui aux entreprises.

D. Mieux définir les rôles respectifs de la CAPFIDA et du bureau FIDA à Madagascar dans l'appui au portefeuille, aux activités hors prêt et au suivi du COSOP

Il sera important de définir plus en détails, à travers un processus progressif et itératif, les rôles respectifs de la CAPFIDA et du bureau de pays du FIDA. Il sera souhaitable de ne pas surcharger le bureau FIDA de fonctions administratives, de privilégier le rôle de guidage stratégique dans les activités hors prêt, et l'engagement dans des activités sous régionales pour mieux capter et diffuser les expériences (dons régionaux, échanges d'expériences entre pays). Il est recommandé de partager et discuter l'expérience de la CAPFIDA et de son financement au sein du Département des opérations du FIDA comme exemple d'instrument de soutien à la mise en œuvre du programme de pays et des activités hors prêt. Le FIDA devra aussi préparer le déplacement du chargé de programme à Antananarivo.

Dans ce contexte, il est également souhaitable d'inclure le suivi des activités hors prêt et des dons dans le cadre des activités de suivi du COSOP et du dispositif SEGS/ZARAFIDA.

E. Dans le court-moyen terme, une attention spéciale pour deux opérations (AROPA, FORMAPROD)

Ces deux opérations posent quelques risques qu'il conviendra de traiter dès que possible à travers une revue de la mise en œuvre, voire de la conception. Concernant l'AROPA, il pourrait s'avérer nécessaire de reconsidérer l'approche du projet à travers une définition plus claire des différents objectifs et mécanismes d'appui: (i) aux organisations paysannes et leurs organisations faitières dans les communautés les plus pauvres; (ii) à la chambre d'agriculture; et (iii) aux institutions prévues par le Programme sectoriel agricole (fonds régionaux de développement agricole et centres de services agricoles).

Dans le cas du FORMAPROD, il sera nécessaire d'appuyer la préparation de la mise en œuvre et d'établir une équipe solide de gestion au niveau central (plutôt qu'une gestion déléguée aux autres équipes de projet qui ne s'occupent pas de formation agricole). Il sera important de continuer et renforcer la collaboration avec des partenaires ayant une expérience technique démontrée dans la formation agricole (ex. Agence française de développement, îles de la Réunion et d'autres partenaires à identifier), de mener une étude des expériences performantes en Afrique sub-saharienne ou ailleurs dans le même domaine et d'organiser des visites d'échange.


1/Du mot "zara", partagé, en langue malgache.

Executive summary
Madagascar Country Programme Evaluation (Issue #90 - 2013) - French
Madagascar Country Programme Evaluation (Issue #90 - 2013) - English
Evaluation insight: Support to the monitoring and strategic management of the programme and non-lending activities: lessons from the IFAD country programme in Madagascar (Number 25, October 2013)
Enseignements: Appui au suivi et à la gestion stratégique du programme et aux activités hors prêt: leçons du programme de pays du FIDA à Madagascar (Numéro 25, octobre 2013)

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