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Mali Country Programme Evaluation (2007)

01 janvier 2007

L'assistance du FIDA au Mali.Depuis 1982, le FIDA a approuvé dix prêts, dont le total s'élève à près de 126 millions de US$. Ce montant a été porté à 280 millions de US$ par les contributions du Gouvernement du Mali et de bailleurs, tels que la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et le Fonds belge de survie.  Sept de ces neuf projets sont clôturés.  En particulier, le Projet de diversification des revenus en zone non cotonnière de Mali Sud (PDR-MS) s'est achevé en 2005 et le Programme de développement agricole dans la zone lacustre (PDZL II) en juin 2006.  Le Fonds de développement en zone sahélienne (FODESA) et le Programme d'investissement et de développement rural des régions du nord du Mali (PIDRN) sont les deux projets en activité. Un programme pour la région de Kidal (PIDRK) vient d'être approuvé. En plus des programmes sur prêt, le Mali a bénéficié de dons d'assistance technique régionaux pour un montant d'environ 3 millions de US$. Les plus récents concernent des partenariats avec des instituts de recherche, comme l'ICRAF, l'IITA et l'IPGRI, ou avec des ONG.

Objectifs et méthodologie de l'évaluation. L'évaluation du programme de pays avait principalement deux objectifs: a) porter une appréciation sur la performance et l'impact des opérations du FIDA au Mali, b) formuler une série de conclusions et de recommandations qui serviront de base à la préparation du nouveau document stratégique (COSOP) pour le Mali. Les travaux correspondants seront entrepris par la Division régionale du FIDA pour l'Afrique de l'Ouest et du centre, après la conclusion de l'évaluation. Conformément à la méthodologie du FIDA, une évaluation du programme de pays traite trois grandes questions: a) la qualité de la stratégie, b) la mise en œuvre effective de la stratégie et la performance des opérations, c) les résultats et l'impact de la stratégie et des opérations du FIDA, tant pour les bénéficiaires que pour le pays. Cette évaluation a porté sur la période allant de 1997 à 2006. Elle a toutefois pris en considération certaines opérations financées par le FIDA avant 1997, afin de pouvoir établir des comparaisons avec les interventions plus récentes.

Économie et situation de la pauvreté.  Le Mali est un pays sahélien enclavé et très vulnérable aux aléas climatiques. Il a une superficie de plus de 1,2 million de km². Environ 60 % de son territoire se trouve en zone aride ou désertique. Avec un PIB par tête de 358 US$ (2004), c'est un pays très pauvre. Il compte 11,4 millions d'habitants, dont 70 % vivent en milieu rural. Le Mali occupe le 174e rang sur 177 pays dans le classement du PNUD selon l'indice de développement humain.  Les deux principales définitions de la pauvreté adoptées dans le contexte du dialogue sur la réduction de la pauvreté sont celles de la pauvreté de masse et de la pauvreté monétaire. La pauvreté de masse concerne le degré d'accès à l'infrastructure. La pauvreté monétaire est estimée en fonction des revenus nécessaires pour satisfaire les besoins essentiels. En 2001, la pauvreté de masse touchait près des deux tiers de la population malienne (64 %), plus précisément 76 % en milieu rural et seulement 30 % en milieu urbain. La pauvreté monétaire atteignait 81 % et 33 % dans les zones rurales et urbaines respectivement. C'est dans les régions de Koulikoro, Sikasso (Sud cotonnier) et Mopti que la pauvreté monétaire est la plus répandue, tandis que la pauvreté de masse affecte plus particulièrement la partie septentrionale du pays.

Lutte contre la pauvreté et poids de l'aide. Le Gouvernement du Mali a adopté un Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CLSP) pour la période 2002-2006. Cette stratégie s'était fixé pour objectif de réduire l'incidence de la pauvreté monétaire de 64 % en 2002 à 48 % en 2006.  Mais de 1994 à 2001, la baisse n'a été que de 0,7 % et l'incidence de la pauvreté serait encore de 59 % en 2005, en dépit de la croissance du PIB.  On est donc loin des objectifs fixés.  Globalement, l'aide externe représente quelque 560 millions de US$, soit 13 % du PIB.  Ces dernières années, les dépenses du FIDA au Mali (sur une base annuelle) ont été de l'ordre de 1 % du total des financements externes consacrés à la pauvreté et de 3,5% des financements externes dédiés au développement des infrastructures de base et des secteurs productifs (Commission européenne, 2006).  À ce niveau, le FIDA ne peut peser sur les politiques nationales par le montant de ses investissements, mais plutôt par la qualité de ses interventions. Il en découle qu'une attention particulière doit être accordée à la performance des opérations et à la promotion de l'innovation.

La stratégie du FIDA

L'étude des options et des stratégies d'intervention (COSOP) a été réalisée au Mali en 1997. Selon ce document, l'assistance au gouvernement malien vise à améliorer les conditions de vie des pauvres ruraux. Elle doit poursuivre quatre objectifs finaux : a) assurer la sécurité alimentaire des ménages, b) créer un processus durable de développement participatif au niveau des villages, c) améliorer les revenus des ménages, d) assurer une gestion durable des ressources naturelles. Le COSOP définit deux zones d'intervention: la zone sahélienne, située entre le 14e et le 16e parallèles, et la bande subsaharienne.  À l'opposé de l'approche projet classique, jugée lourde et peu mobilisatrice, le COSOP a suggéré une approche fondée sur la demande.  Il a proposé des projets « ouverts », qui permettent aux bénéficiaires d'intervenir dans l'élaboration et la mise en œuvre des interventions.

Des progrès, mais aussi des limites.  Le COSOP offre une compréhension satisfaisante des enjeux liés à la réduction de la pauvreté. Les faiblesses se concentrent plutôt sur les aspects pratiques, à savoir l'opérationnalisation, l'identification des partenaires et le dialogue politique.  Avec ses projets « légers », « ouverts » et « catalyseurs », l'approche fondée sur la demande est a priori séduisante et assez innovante. Mais des questions demeurent au sujet de son opérationnalisation.  L'on tend à perdre l'idée de construire un vrai « programme », avec des projets reliés entre eux par une problématique d'ensemble : le document s'attache surtout à définir une philosophie de mise en œuvre, plutôt que les objectifs précis à atteindre.  Le COSOP ne discute pas les ressources humaines, organisationnelles (personnel requis au FIDA et au Mali, pilotage des opérations) et financières qui sont nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie.  Il ne fait pas mention du suivi et de l'évaluation de l'impact, ce qui rend difficile le pilotage d'une politique ou d'un programme axés sur une logique de résultats.

Le COSOP prévoyait des recompositions à partir de 2000/2002, afin de mieux insérer les interventions du FIDA dans la dynamique de la décentralisation, mais la révision n'a pas eu lieu.  Entre-temps, la situation économique du pays et les caractéristiques de la pauvreté se sont modifiées, de même que les politiques publiques ou les visions que l'on peut en avoir.  Vu l'importance des changements de politiques, il aurait convenu d'intégrer ces thèmes dans le COSOP.

Performance, impact et résultats

Les objectifs des opérations ont été généralement en harmonie avec les politiques et les stratégies publiques, ainsi qu'avec les orientations du FIDA. Cependant, des faiblesses ont été identifiées dans les approches adoptées pour atteindre ces objectifs.  Les approches restent peu « économiques » : elles ne considèrent pas assez les problèmes de rentabilité et de mise sur le marché1.  Les systèmes de suivi et surtout d'évaluation sont encore trop faibles pour constituer de véritables outils de pilotage ; les nouveaux projets (PIDRN et PIDRK) prévoient de se doter des outils nécessaires dans le cadre du Système de gestion des résultats du FIDA.  Les volets « crédit » présentent des approches peu adaptées : la formulation s'est souvent orientée vers la création de nouvelles structures, sans prendre suffisamment en compte les institutions et réseaux existants ni l'expérience d'autres acteurs.  Si des améliorations importantes sont visibles dans la conception des nouveaux projets (PIDRN et PIDRK), il a fallu du temps pour que les programmes commencent à s'inscrire de façon claire dans le dispositif national de décentralisation.

Les interventions ont été globalement efficaces en ce qui concerne l'augmentation des superficies irriguées et la réalisation d'infrastructures de base dans des zones enclavées.  L'efficacité a été limitée dans la rentabilisation de la production, la mise sur le marché et le renforcement des organisations de base. L'efficience a été satisfaisante en matière d'aménagements hydroagricoles, mais faible dans les composantes de finance rurale. En outre, les coûts de gestion des projets ont largement dépassé les prévisions.

La performance et l'impact des projets de la génération du COSOP (PDR-MS, PDZL II, FODESA) se sont améliorés par rapport à la situation de référence (PSARK, PFDVS II).  Globalement, les impacts sont assez satisfaisants en ce qui concerne l'amélioration de la sécurité alimentaire (1er objectif du COSOP), l'amélioration de la santé et l'accès à l'eau potable. Mais ils restent limités dans deux autres domaines, à savoir la création d'un processus durable de développement participatif villageois (2e objectif du COSOP) et l'augmentation des revenus des ménages (3e objectif).  Des interventions ont également porté sur la gestion durable des ressources naturelles (4e objectif). Faute d'études spécifiques, il est toutefois difficile d'en connaître précisément les effets.  Les impacts les plus significatifs sont produits par des interventions intégrées et concentrées sur le plan géographique. Le PDZL II en est l'illustration, lui qui opère sur un territoire bien délimité et dont les différentes composantes travaillent en synergie (par exemple irrigation, centres de santé et eau potable dans les mêmes communautés)2.  Par contre, l'approche fondée sur la demande (comme dans le cas du FODESA) présente des risques de saupoudrage géographique et de faible intégration des composantes, qui en limitent les impacts finaux.

La durabilité reste fragile.  Ce résultat est imputable à plusieurs éléments: la faiblesse des organisations paysannes, une définition souvent floue des responsabilités concernant l'entretien et la maintenance de l'infrastructure, et une rentabilité économique peu étudiée pour les microprojets productifs (magasins, boutiques, unités de savonnerie et de teinturerie, plateformes, périmètres irrigués villageois). De plus, le manque de spécialistes dans les unités de gestion des projets a nui à la qualité des réalisations. En matière de finance rurale, les conditions de pérennité des réseaux créés sont loin d'être réunies et plusieurs indices témoignent de difficultés persistantes. Par exemple, le taux de pérennité financière ne dépasse pas 50 à 60 %. En général, les perspectives réelles de durabilité sont surestimées durant la phase d'instruction et les efforts dans ce sens ne sont entrepris qu'à la fin des projets, ce qui laisse peu de temps pour assurer la transition.

Dans l'ensemble, la capacité de promotion de l'innovation a été limitée.  Le programme a apporté des innovations dans deux domaines: les dons d'assistance technique et l'approche fondée sur la demande. Les dons d'assistance technique ont introduit des approches innovantes, notamment dans le domaine de la recherche participative. Ils ont permis de renforcer les capacités des paysans à comprendre, analyser et gérer leurs ressources phytogénétiques. Malheureusement, ces actions restent localisés ; elles ne reposent pas sur un processus structuré de capitalisation, de partage et de diffusion des expériences.  Il faut relever en particulier la faible synergie entre les activités de dons et les activités de projets (avec quelques exceptions pour le PDR-MS).  La deuxième nouveauté concerne l'approche fondée sur la demande.  Si cette approche peut paraître séduisante a priori, elle présente tout de même certaines limites. Elle comporte notamment un risque réel de saupoudrage des interventions et de faible génération de revenus. Ce problème a d'ailleurs été reconnu par les récentes missions de supervision directe du FIDA, lequel essaie maintenant de modifier la stratégie du projet.

En ce qui concerne la performance du FIDA, les projets sont généralement assez bien formulés, malgré les quelques problèmes de pertinence déjà signalés.  Les revues à mi-parcours sont de bonne qualité. Malheureusement, elles se déroulent souvent trop tard pour que le projet puisse, le cas échéant, corriger en temps voulu ses concepts ou ses méthodes.  Dans le cas du FODESA, la supervision directe et l'appui à l'exécution ont été, pour le FIDA, des instruments plus efficaces que la supervision menée par une institution coopérante. En particulier, la supervision directe a aidé le FIDA à mieux se familiariser avec les questions de terrain. Elle représente une option prometteuse, dans la mesure où l'institution coopérante ne peut pas apporter des compétences spécifiques. Cela dit, la supervision directe et l'appui à l'exécution ont imposé un surcroît de travail au chargé de programme, sans que ses autres tâches soient réduites. En définitive, la supervision directe comporte des avantages, mais il faudra bien examiner à l'avenir les questions comme le volume de travail supplémentaire, les implications budgétaires et les compétences techniques requises.

Unités de gestion des projets et modes de gestion.  La nouvelle génération de projets se distingue par le meilleur niveau de ses réalisations. Malgré tout, les taux d'exécution continuent d'être réduits pendant les premières années, d'où la nécessité de prolongations, lesquelles gonflent à leur tour les coûts de gestion. Ces retards témoignent de problèmes de conception, mais aussi de pilotage des interventions.  L'autre source de dysfonctionnements relève de ce que l'on appellera les dérives de l'approche « faire-faire ».  C'est le cas des UGP chargées de la coordination et de la sous-traitance plutôt que d'une exécution directe.  Fort intéressante au demeurant, l'approche « faire-faire » présente certaines limites.  Au Mali, comme ailleurs, on ne peut se borner à « faire faire » dans un cadre formel de type purement « contractuel ». Il faut aussi suivre, soutenir et orienter la grande majorité des opérateurs, « faire avec » eux ce qui n'est pas fait ou pas suffisamment.

Globalement, l'évaluation a noté une amélioration entre les anciennes interventions et les plus récentes.  Elle a aussi remarqué une augmentation des efforts déployés par les agences publiques pour assurer la mise en œuvre des projets, même dans des zones difficiles et au faible potentiel.  Mais il reste d'importantes marges de progression pour la performance des opérations.

Recommandations

Renouveler la programmation stratégique. La préparation d'un nouveau COSOP est prévue et ce document devra notamment tenir compte des éléments suivants: les changements du contexte socio-économique dans le pays, les nouvelles stratégies de développement et le nouveau plan d'action du FIDA, en particulier les nouvelles directives pour la préparation des COSOP.

Cadrage périodique et ressources. Les grandes orientations fixées, il conviendrait de prévoir un document de cadrage annuel. Étant donné que toute action subit des contraintes liées aux ressources, le nouveau COSOP devrait aussi discuter les ressources requises pour la mise en œuvre de la stratégie.

Concentration géographique et sectorielle, recours à des approches plus économiques. Le réalisme impose un recentrage des projets du FIDA sur des zones plus réduites, où les impacts seront visibles. La même remarque vaut sur le plan sectoriel : il est nécessaire de se concentrer sur un nombre plus limité de sous-secteurs et de filières, dans lesquels on peut compter sur l'appui de spécialistes, tant au niveau du FIDA qu'au niveau des projets.  Les projets devraient notamment soutenir des actions concertées d'ensemble en amont et en aval de la production, mieux relier les activités de conseil technique et économique, et s'insérer davantage dans les plans locaux et régionaux de développement et de sécurité alimentaire.

Renforcer l'appui à l'exécution et les capacités de pilotage au niveau local

Il est indispensable de renforcer les capacités de pilotage stratégique des projets au niveau des UGP, notamment pour éviter certaines dérives liées à l'approche « faire-faire ».  L'accent devrait être mis sur trois objectifs connexes : i) renforcer les capacité du FIDA d'appui à l'exécution, en organisant plus fréquemment des missions de revue et d'appui, et en participant plus activement à la résolution des problèmes d'exécution ; ii) renforcer les compétences techniques des UGP, suivant les actions retenues, pour que ces unités puissent orienter les interventions, piloter et « digérer » les missions d'experts, au lieu de se contenter de suivre les réalisations et les contrats ; iii) renforcer sensiblement les dispositifs de suivi-évaluation et les orienter vers une logique de résultats.

Renforcer la capacité de promotion de l'innovation

Le FIDA a besoin d'une approche systématique dans les domaines suivants : i) la gestion des connaissances, pour pouvoir s'approprier des expériences prometteuses disponibles; ii) les partenariats, afin de fonder des alliances stratégiques avec des créateurs d'innovation (agences de coopération technique, ONG, institutions de recherche) et avec les agences de financement et d'exécution qui en assurent la diffusion et la reproduction (le gouvernement, d'autres bailleurs); iii) la capacité d'intervenir dans le dialogue sur les politiques publiques, pour promouvoir les innovations et éliminer les obstacles, d'ordre institutionnel et légal, qui s'opposent à leur réalisation.

Au niveau de la conception et de l'exécution des projets, il faut établir un cadre de collaboration systématique entre dons et projets. Celui-ci serait fondé sur l'analyse systématique des besoins, la recherche des alternatives disponibles (à l'intérieur et à l'extérieur des opérations du FIDA), la mise en œuvre d'expériences pilotes à petite échelle, la capitalisation des résultats, enfin la médiatisation et la divulgation des acquis, afin d'en faciliter la diffusion3.


1/ Selon le Ministère de l'agriculture du Mali et la Division régionale du FIDA pour l'Afrique de l'Ouest et du centre, l'idée d'introduire des approches économiques dans des zones caractérisées par une forte insécurité alimentaire semble peu réaliste. Pour sa part, l'évaluation a remarqué simplement que la question de la rentabilité économique et des enjeux commerciaux en amont et en aval de la production doit être bien considérée dès le début. Cette dimension représente un atout important si l'on veut améliorer la sécurité alimentaire. Elle est même indispensable pour en assurer la durabilité. Étant donné que l'augmentation de la production implique des coûts, les conditions pour payer ces coûts doivent être prises en considération.

2/ Il est clair que des différences agro-écologiques entre les projets doivent être prises en considération. Ainsi, le PDZL II a été réalisé dans une zone riche en ressources hydriques, ce qui n'est pas le cas du PDR-MS et du FODESA. Cependant, les problèmes de performances du PDR-MS et du FODESA résultent surtout de problèmes liés à certaines approches adoptées par ces projets.

3/ À ce propos, on pourrait s'inspirer de l'accord conclusif établi sur la base de l'évaluation de la capacité du FIDA à promouvoir des innovations, examen effectué par le Bureau de l'évaluation en 2002.

 

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