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Projet de développement des parcours et de l’élevage dans l’Oriental

15 mai 2002

Resume et conclusions

Une mission conjointe du Fonds international de développement agricole (FIDA) et du Centre d'investissement de la FAO a séjourné au Maroc, du 23 septembre au 13 octobre 2001, à la demande du Bureau de l'évaluation et des études (BEE) du FIDA. L'objet de la mission était de conduire, avec la participation de l'ensemble des acteurs concernés, une Évaluation Intermédiaire des conditions d'exécution et de l'impact du Projet de développement des parcours et de l'élevage dans l'Oriental (PDPEO). Les résultats escomptés de l'évaluation devaient permettre de juger des performances du projet par rapport à ses objectifs, de mettre en évidence les principales leçons à tirer de l'expérience du projet et de formuler des recommandations fondamentales qui pourraient servir pour la formulation de la phase II du projet.

Antécédents et description du projet

Le projet trouvait sa pleine justification dans la nécessité d'intervenir pour sauvegarder les ressources pastorales de la région de l'Oriental du pays, dont les modes d'utilisation étaient en pleine mutation. Cette situation était 2 à l'origine d'un déséquilibre de plus en plus accentué dans l'exploitation des parcours, entraînant de nouveaux comportements et attitudes chez les éleveurs qui minent ces ressources et mettaient en péril la pérennité de l'activité d'élevage, principale source de revenus de la majorité des éleveurs de la zone en particulier les couches les plus pauvres.

Concept et approche du projet. La démarche nouvelle et innovante, introduite par le projet, était d'intégrer la dimension sociale et tribale pour le regroupement des éleveurs au sein de coopératives pastorales et de prendre en compte leurs aspirations et leur implication dans la programmation des activités du projet. Seulement, mettre en œuvre une telle démarche sur un espace relativement vaste (3,1 millions d'hectares), avec un effectif d'ovins/caprins de plus d'un million de têtes appartenant à environ 8 440 éleveurs et le large spectre des actions envisagées, constituait un défi pour les cadres et techniciens du pays et représentait une rupture avec les approches traditionnelles des Périmètres d'amélioration pastorale (PAP) dont l'expérience a montré les limites.

La stratégie du projet fut conçue en prenant comme référence le système traditionnel d'utilisation des parcours. Celle-ci devait permettre de traiter des problèmes d'amélioration et de gestion des parcours en s'adressant à des interlocuteurs détenant, collectivement, des droits d'usage réels sur les ressources pastorales. Par ailleurs, la référence au système moderne des coopératives devait permettre de traiter des problèmes techniques et économiques de l'amélioration de la productivité des troupeaux, au travers d'une structure professionnelle reconnue par la loi et groupant tous les éleveurs concernés par un même ensemble de parcours.

Les objectifs et les composantes du projet. Le PDPEO avait pour objectifs : (a) l'amélioration de l'état des parcours par l'introduction, avec la participation des populations, de méthodes et pratiques de gestion rationnelle des espaces pastoraux, (b) l'amélioration de la productivité de l'élevage à travers une bonne couverture de la santé animale et l'aménagement de points d'eau pour l'abreuvement des troupeaux, et (c) l'amélioration des niveaux de revenus et du niveau de vie des populations pastorales de la zone du projet en mettant en œuvre des activités spécifiques ciblées vers les petits éleveurs pauvres et les femmes pour diminuer leur vulnérabilité.

Ces objectifs devaient être atteints à travers des actions au niveau de cinq composantes : (a) Développement pastoral incluant l'aménagement des parcours à travers la mise en place d'aires de mise en défens sur environ 750 000 ha, une diversification des ressources fourragères par des actions de plantations d'Atriplex sur 17 000 ha et le scarifiage des sols battants sur 58 500 ha dont 19 500 ha avec re-semis. Parallèlement des actions pilotes de protection de l'environnement (conservation des eaux et des sols ; fixation de dunes sur 800 ha et reboisement sur 400 ha) et de diversification de l'utilisation des ressources naturelles ont été programmées (production de bois de chauffe sur 4 250 ha, aménagement de 13 000 ha de matorral de romarin et distribution d'environ 1000 ruches pour l'apiculture). La composante incluait aussi des actions en matière d'hydraulique pastorale, pour étendre et densifier les points d'eau pour l'abreuvement des troupeaux ; (b) Développement de l'élevage avec des actions en matière de santé animale (vaccination et traitements anti-parasitaires), d'appui au Laboratoire d'analyses et de recherches vétérinaires d'Oujda (LARVO) et la mise en œuvre d'un programme d'amélioration génétique en collaboration avec l'Association nationale ovine et caprine (ANOC); (c) Vulgarisation, Recherche- développement et Formation pour la diffusion auprès des éleveurs de techniques améliorées de conduite de l'élevage, la formation des fils d'éleveurs et des bergers, la mise au point de techniques appropriées et la réalisation d'études en collaboration avec les institutions et établissements compétents du pays (IAVHII, INRA, ENA); (d) des actions d'accompagnement ciblant les petits éleveurs et les femmes comprenant un appui aux activités féminines et la mise à disposition d'une ligne de crédit; ainsi qu'une composante (e) Renforcement institutionnel, d'appui à la Direction du projet, au suivi-évaluation et à la constitution de coopératives pastorales notamment leur formation et la mise à leur disposition de camions et de locaux.

Le coût total du projet était estimé à 47,7 millions de dollars EU (396,2 millions de DH), dont 14 millions de $EU (29,4%) devaient être financés par le FIDA, 24,8 millions de $EU par le Groupe BAD/FAD (52%) et 8,9 millions de $EU (18,6%) par le Gouvernement marocain. La répartition du coût total de base entre les composantes était de 40% pour l'aménagement des parcours, 10% pour les points d'eau, 18% pour le développement de l'élevage, 16% pour le renforcement institutionnel et 16% pour les autres composantes. La durée d'exécution du projet était prévue sur 8 années. Le projet devait être exécuté par une Direction de projet autonome sous la tutelle de la Direction de l'élevage du Ministère de l'agriculture, du développement rural et des eaux et forêts et en collaboration avec les Directions provinciales de l'agriculture (DPA) de Figuig et d'Oujda.

Les résultats attendus étaient d'accroître la production fourragère de 62% et des produits de l'élevage (production additionnelle de 3 700 tonnes de viande essentiellement) afin d'augmenter les revenus des éleveurs et plus particulièrement les plus démunis d'entre eux qui représentent environ 60% des éleveurs détenant 15% du cheptel. L'augmentation escomptée des revenus devait atteindre 120% à 210% selon les catégories d'éleveurs. Une amélioration générale de la situation alimentaire de 8 440 familles était aussi attendue. Parallèlement, le Projet devait promouvoir des actions de gestion rationnelle des parcours, notamment un système ingénieux de rotation, devant renverser le processus de dégradation des aires pastorales et permettre à terme une gestion durable et équilibrée des ressources naturelles dans la région.

Performances et effets du projet

Conditions d'exécution. Le projet a démarré au mois de mai 1991, il a été clôturé en décembre 2001, après une prolongation de deux années. Les conditions d'exécution du projet ont démarré normalement durant les premières années, seulement à partir de l'année 1996 une série d'années sèches ont perturbé le bon déroulement des actions principales du projet, notamment celles relatives à l'amélioration pastorale. L'important déficit pluviométrique enregistré durant les dernières années du projet a engendré une dégradation générale des parcours. Le phénomène ayant concerné la majorité des régions du pays, un Programme de sauvegarde du cheptel avait été mis en place par le Gouvernement. Il consistait principalement dans la distribution d'aliments du bétail subventionnés. Ce programme a connu une efficacité limitée par rapport à ses objectifs et des conséquences adverses sur les parcours (maintien d'un effectif de bétail excessif par rapport aux ressources disponibles dans les années de sécheresse).

La gestion administrative, financière et technique et le suivi de l'exécution du projet n'ont pas été une tâche facile. En effet, la Direction du projet a été confiée au Directeur de la DPA de Figuig, alors que plusieurs institutions indépendantes les unes des autres étaient concernées (DPA d'Oujda, les Eaux et Forêts, les Centres des Travaux et le LARVO). De ce fait, la Direction du projet, sans être dotée de prérogatives spécifiques, a dû assurer le suivi financier de lignes crédits gérées par d'autres Services et Institutions qui ne dépendent pas administrativement d'elle, d'où les difficultés de coordination et de gestion. Cependant la mobilisation et le dévouement des cadres et techniciens des DPA de Figuig et d'Oujda, l'adhésion des autorités locales (les Gouverneurs des provinces concernées), et l'engagement des populations ont permis de surmonter les principales difficultés.

Performances et effets du projet. Le projet a globalement réussi à exécuter les principales composantes sauf la composante crédit (30 millions de DH) qui était justement destinée aux petits éleveurs. Il a ainsi aménagé pour la mise en défens près de 461 000 ha de terres de parcours soit 61% de l'objectif, planté près de 14 500 ha d'arbustes fourragers, assuré les traitements sanitaires pour près de 800 à 900 000 têtes d'ovins/caprins par an, réhabilité et équipé plus de 60 points d'eau. Sa principale réussite réside cependant dans la dynamique sociale qu'il a créé dans le monde rural, avec la formation de 44 coopératives pastorales sur les 33 prévues initialement.

Par rapport aux ressources budgétaires, le projet a eu un niveau d'engagement des dépenses, au 31 décembre 2000, de 347 millions DH soit 88% du coût estimé initial du projet. Malgré cette performance, le niveau de décaissement du prêt FIDA n'a pas dépassé 51%. Ceci est dû aux demandes de décaissement qui prennent du retard et aussi à la non-exécution de la composante crédit. Cet aspect a été à maintes reprises mis en exergue par les missions de supervision de l'Institution coopérante (Banque africaine de développement). Le résultat a été une contribution financière du Gouvernement du Maroc supérieure à ce qui était prévu initialement environ 40% du coût total contre 18% prévue au moment de l'évaluation, ce qui dénote de l'effort consenti par les autorités du pays à ce projet.

Le projet, conformément à son objectif, a introduit des améliorations au niveau des pratiques déjà connues et mises en œuvre par les populations qu'elles soient d'ordre technique (contrôle des pâturages) ou d'ordre social (respect des droits d'usage des parcours « ourf »). Le projet constitue un pas important dans la prise de conscience des éleveurs et agriculteurs de la zone de la nécessité de veiller à l'utilisation rationnelle des ressources pastorales et à adopter des comportements qui les préservent. Par contre, sur bien des aspects à caractère technique, socio-institutionnel et financier toutes les réalisations restent vulnérables et fragiles. De ce fait la majorité des activités initiées nécessitent des actions de consolidation pour assurer leur durabilité.

(a) Développement pastoral : Les mises en défens ont été l'élément clé dans la mobilisation des éleveurs et la constitution des coopératives pastorales du fait qu'elles ont montré leur utilité pour augmenter la production fourragère et pour permettre un meilleur contrôle de l'utilisation des ressources pastorales. Les premiers suivis biologiques ont montré un accroissement notable des recouvrements basaux et aériens et du nombre d'espèces herbacées (le taux de matière sèche est passé de 150 kg/ha à 800 kg/ha). Le projet n'a cependant pas atteint son objectif ambitieux de développement durable des ressources pastorales ni mis en place une stratégie pour l'atteindre. De l'avis général, les effectifs du cheptel dépassent de loin les capacités de charge des parcours sans qu'aucun mécanisme de régulation, en terme de capacité portante des parcours, n'ait été mis en place. L'opération se heurte aussi à des difficultés sociales liées à des conflits latents entre les différentes communautés à propos de limites entre les parcours. Une autre difficulté réside dans le contrôle du respect des mises en défens et des modes de sanctions liées à leur violation.

(b) En matière de services de santé animale. Les différentes actions du projet ont permis une amélioration des performances de production et de reproduction du cheptel. Le module sanitaire, mis en œuvre par le projet, a touché autant les petits que les grands éleveurs. Le taux de fertilité a été amélioré (de près de 10 points) et le taux de mortalité a fortement baissé (passage de 6% à 2% entre 1989 et 1999). Il reste néanmoins que les actions mises en œuvre par le projet risquent d'être fortement réduites à cause de multiples difficultés que rencontrent les services vétérinaires et les équipes sanitaires. Les actions du projet pour installer des vétérinaires privés n'ont, par contre, pas eu le succès escompté compte tenu des spécificités du type d'élevage ovin pratiqué et des différentes subventions de l'État. Les conditions de sécheresses récurrentes n'ont pas permis d'instaurer un système de recouvrement des coûts de certaines interventions sanitaires et prophylactiques. C'est là une des conditions principales de durabilité des actions du projet et de prise en charge progressive par les éleveurs de certaines actions sanitaires.

(c) L'accès à l'eau pour l'abreuvement des troupeaux. En générale les points d'eau réhabilités par le projet ont amélioré l'accès à l'eau des petits éleveurs. La distance moyenne à parcourir pour accéder à l'eau a diminué ainsi de 48%. La question majeure qui reste cependant posée concerne la prise en charge durable de la gestion, l'entretien et la maintenance des équipements. Des formules diverses sont en train d'être testées (gestion par des associations, par les communes rurales ou par les coopératives) dont il faudra suivre les résultats et tirer les conclusions.

(d) Implication et responsabilisation des populations. Le projet a permis une prise de conscience et a montré aux éleveurs la nécessité de mieux s'organiser et de prendre leurs responsabilités en matière d'exploitation et de gestion des mises en repos et des plantations d'arbustes. Ceci peut être apprécié à travers l'attitude responsable qu'ils manifestent lors des discussions sur les moments d'ouverture et de fermeture des mises en repos et la prise en charge des salaires des gardiens et des régisseurs. Seulement la dévolution de responsabilités précises aux coopératives, dans le cadre du projet, ne s'est pas matérialisée par des accords formels.

(e) L'appui aux groupements de femmes. Le projet a assuré une série de séances de sensibilisation et de formation à des groupes de femmes sédentaires. Il a initié des activités génératrices de revenus et mis en place 3 centres d'animation féminine. Ses réalisations restent cependant en deçà des besoins, particulièrement pour les femmes nomades du fait des difficultés de la tâche et du recrutement tardif des animatrices. Les recommandations de la mission à mi-parcours et les résultats des études menées par le projet n'ont été que partiellement mis en œuvre, fautes d'expérience, de personnel qualifié et de moyens suffisants.

Impact sur le groupe cible et les institutions

Le groupe cible. Sur le plan de l'impact sur les populations de la zone, les résultats sont mitigés et difficiles à apprécier compte tenu du biais engendré par la sécheresse chronique durant les dernières années. Cependant les mises en défens et la réhabilitation des points d'eau ont diminué fortement les chocs de sécheresse. De l'avis de plusieurs éleveurs, sans le projet, ils auraient tout abandonné.

Selon leurs capacités à résister aux chocs de la sécheresse, leur niveau d'organisation et leur situation dans la zone du projet, les éleveurs auraient différemment bénéficié des actions du projet. De manière générale, le niveau de marge dégagé des activités d'élevage a connu une croissance appréciable pour l'ensemble des éleveurs entre 1992 et 1996 et une diminution entre 1997 et 2001. L'impact sur la marge de l'élevage aurait été cependant plus profitable aux grands éleveurs qu'aux petits éleveurs dont les plus vulnérables ont dû abandonner de manière définitive ou momentanée l'activité d'élevage. Les données recueillies par le Service suivi et évaluation de la DPA de Figuig, montrent, sur l'ensemble de la période du projet, que la marge sur l'élevage a connu à une nette croissance nominale pour les grands éleveurs (+128%) et une diminution pour les petits éleveurs (-36%). L'appauvrissement des petits éleveurs vulnérables durant les dernières années serait plus lié aux conséquences de la sécheresse et aux difficultés de trésorerie qu'ils ont connu pour financer les compléments d'aliments du bétail. Ces données montrent le besoin de prévoir des sources de financement pour la reconstitution du troupeau pour les petits éleveurs. Par ailleurs, le projet devait permettre une amélioration générale de la situation alimentaire des 8 440 familles, mais ce résultat ne pouvait être vérifié à cause du manque de données anthropométriques.

Viabilité des coopératives. Le projet a mis en place 44 coopératives sur les 33 prévues initialement regroupant près de 8 600 membres. L'expérience des coopératives fait l'unanimité quant à son succès; même si des appréciations différenciées peuvent être faites sur leur viabilité et leur capacité à prendre en charge la gestion des parcours. Il est indéniable qu'elles sont devenues un nouveau lieu de pouvoir prisé, non par ce qu'il rapporte, mais parce qu'il est estimé digne d'investissement pour une promotion symbolique. Le mode d'organisation choisi est très adapté aux spécificités de la zone et a permis d'assurer une certaine visibilité aux ayants-droit.

Sur la base d'une batterie de sept critères appliqués à 40 coopératives, deux grands groupes se distinguent. Celles qui ont des chances de survivre et qui sont au nombre de 18 (46%) et concernent environ 60% des membres et celles qui connaissent des difficultés sérieuses et qui risquent de disparaître si des mesures de redressement ne sont pas prises. Elles sont au nombre de 17 (41%). La raison majeure concerne la viabilité financière de ces coopératives qui passe par une diversification de leurs sources de revenus. Les actions qui devraient être envisagées concernent les prestations de services pour la santé animale, la commercialisation, l'approvisionnement en aliments de bétail, la transformation et des actions au niveau des filières annexes. Les coopératives pourraient aussi assurer des travaux d'aménagement en sous-traitance qui entrent dans le cadre de la protection de l'environnement.

Leçons, Conclusions et Recommandations

Leçons : L'une des principales leçons qu'on peut tirer du projet est que : La prise en considération des populations locales et leur implication effective (participative), dans la mise en œuvre d'un projet, sont les éléments déterminants de la réussite du dit projet. L'organisation, la structuration des populations locales et surtout la considération de leurs représentants comme des partenaires à part entière, ainsi que l'acceptation du dialogue par les autorités locales et l'engagement des cadres techniques, sont les éléments clé de la réussite des actions de développement dans les zones semi-arides et arides à vocation pastorale.

L'autre leçon est que, les actions de développement dans les zones pastorales doivent être menées au niveau d'un ensemble territorial suffisamment vaste afin d'intégrer l'ensemble des éléments, des interactions et interrelations entre les différentes composantes humaines, animales et naturelles. Par ailleurs, compte tenu de la charge du milieu (nature du climat, des sols…) dans ces régions, les actions de développement doivent être très diversifiées, complémentaires et convergentes pour une amélioration effective du niveau de vie des populations locales.

L'expérience du PDPEO a aussi montré qu'une structure de gestion du projet rattachée à une structure administrative existante régionale ne peut pas mettre en œuvre un projet intégré sur une vaste zone impliquant d'autres entités administrative et plusieurs départements ministériels. La coordination entre différents acteurs et différents intervenants nécessite un niveau de décision plus élevé ayant des prérogatives précises.

Conclusion, perspectives et options stratégiques de développement. Le projet a eu un effet incontestable sur la dynamisation du processus de développement dans la zone et la prise de conscience sur la nécessité d'une utilisation rationnelle des ressources pastorales, comme le montrent les résultats du dépouillement des questionnaires distribués aux membres des coopératives. Cette dynamisation a aussi concerné les aspects institutionnels et la bonne gouvernance en ce sens que la coopérative a constitué un lieu privilégié d'apprentissage de la démocratie interne des débats et des assemblées et du processus de désignation des représentants.

Le projet a cependant connu des limitations qui ont constitué des contraintes et ralenti son élan. Il s'agit: du statut foncier des terres collectives de pâturage encore relativement vague; du problème des délimitations administratives qui sont imprécises et peu reconnues entre les communes rurales; de l'absence d'une stratégie de gestion du risque de sécheresse qui devient un phénomène structurel; et du peu de maîtrise sur les allocations budgétaires particulièrement pour les dépenses de fonctionnement qui relèvent du budget général. Ces contraintes, dont certaines dépassent le cadre du projet et même du département ministériel de tutelle, n'ont pas permis la réalisation des objectifs afférents à la gestion rationnelle et concertée de l'espace pastorale, à la réduction du niveau de vulnérabilité des petits éleveurs et des couches socio-économiques démunies de la zone du projet.

La société pastorale des Hauts plateaux est passée en 20 ans d'une société "nomade" ou du moins d'une société où le déplacement occupe une place importante à une société qui est fixée sur des aires de pâturage sur lesquelles les amplitudes de déplacement sont de plus en plus restreintes. Les dimensions de ces changements sont multiples. Elles s'observent:

(a) au niveau du mode d'utilisation de l'espace pastoral. On assiste à des changements dans les formes de solidarité et de rattachement à une l'identité sociale ; dans les modes de reconnaissance des droits d'usage ; dans les modes, la fréquence et l'étendue des déplacements des troupeaux (usage fréquent du camion); et dans l'accentuation du défrichage et l'extension des labours.

(b) au niveau du statut des droits sur les parcours. La coopérative est en train de s'imposer comme un nouveau lieu de cristallisation de l'identité et une interface incontournable entre la référence tribale abstraite en ces temps et les intérêts individuels immédiats difficilement conciliables avec la gestion durables des ressources. La coopérative peut avoir une influence irréversible sur la sécurisation des droits sur les parcours et la définition restrictive de l'ayant droit et sur les rapports avec les acteurs locaux (nouabs, communes rurales et agents d'autorité), notamment au niveau des petits éleveurs. La coopérative reste le seul cadre où les petits éleveurs, même ceux qui auraient abandonné momentanément l'activité, peuvent faire prévaloir leurs droits sur les parcours.

(c) au niveau des systèmes de production. Les stratégies des éleveurs ont évolué ces dernières années et se caractérisent par le recours de plus en plus à la complémentation alimentaire; une certaine forme de sédentarisation; la concentration des troupeaux chez les grands éleveurs ; et la diminution du nombre des petits éleveurs incapables de supporter les chocs économiques et climatiques. L'élevage reste après tout l'activité centrale mais il est de plus en plus associé à d'autres activités qui entretiennent avec lui des relations complexes. C'est le cas des éleveurs fonctionnaires et des éleveurs émigrés.

(d) au niveau du contexte socio-institutionnel et socio-politique. L'esprit de la coopération et de l'association a bien pris dans la zone. Des dynamiques d'organisations diverses sont en train de se mettre en place. Seulement l'analyse de ces dynamiques n'est pas sans étayer l'hypothèse d'une évolution à deux vitesses, celle de lobbies professionnels investis dans la transformation et le marketing et celle d'un mouvement associatif plus sociétal. Parallèlement, le Gouvernement encourage la dévolution de responsabilités aux structures locales dans le cadre de sa politique de décentralisation.

Les perspectives d'évolution permettent de dessiner deux types d'ordre de priorité débouchant sur des choix stratégiques différents qui peuvent s'opposer. Il s'agit : (i) de donner la priorité à la lutte contre la pauvreté et la gestion conservatoire et durable des ressources naturelles qui devrait limiter les ambitions de la forme d'élevage actuelle minière dans l'utilisation des ressources pastorales ou (ii) de donner la priorité à l'intensification de la production animale pour répondre aux objectifs de résorption du déficit de production de viande rouge à l'échelle nationale, qui mettrait en péril l'écosystème très fragile de la région.

La stratégie future de développement devrait trouver un compromis entre ces deux options, s'inscrire dans les dynamiques initiées par le projet et résulter d'une approche privilégiant la concertation et la négociation avec les éleveurs, qui sont les principaux concernés. Elle devrait s'articuler autour d'axes d'orientations stratégiques de développement pour lesquels la priorité devrait être donnée d'abord aux aspects liés à l'amélioration des conditions des plus démunis et à la sauvegarde du patrimoine naturel, culturel et humain de la zone et ensuite à la recherche d'une valorisation haut de gamme des productions de la zone à travers le développement d'un élevage biologique de qualité, labellisé à partir des atouts de l'écosystème steppique.

Recommandations

Dans le court terme et avant le démarrage d'une seconde phase du projet

Les actions majeures initiées par le projet devraient être maintenues afin de garder l'élan initié et éviter de perdre les principaux acquis. Les DPA de Figuig et d'Oujda devraient disposer de ressources budgétaires suffisantes durant les prochains exercices pour répondre aux besoins prioritaires d'exploitation des mises en repos existantes, d'appui aux coopératives et de suivi sanitaire.

A. Il est donc nécessaire de consolider et de renforcer les acquis de la première phase pour assurer la pérennité des bénéfices des activités mises en œuvre et la valorisation des investissements consentis à travers une programmation budgétaire appropriée pour assurer au minimum la continuation des activités d'appui aux mises en défens, de la formation et de renforcement des coopératives; et de santé animale.

Ces actions devraient d'ores et déjà s'inscrire dans une démarche qui privilégie la clarification, au préalable, des responsabilités des différents acteurs et partenaires de développement et l'engagement au niveau de certains principes. Ceux-ci devraient être concrétisés avant le démarrage d'une éventuelle deuxième phase, notamment par:

A. la clarification des conditions d'accès, d'utilisation et d'exploitation et aussi de contrôle des mises en repos et des plantations existantes. Un cahier de charge devrait être négocié et élaboré avec les coopératives ayant les droits d'usage sur chaque aire de mise en repos pour convenir, de manière transparente, des conditions et modalités d'accès à l'ensemble des ayants droits ;

B. l'assainissement de la situation des coopératives où des litiges existent et l'introduction de transparences dans la gestion des comptes et clarifier le statut des Unions des coopératives par rapport aux coopératives de base. Il est nécessaire de procéder à un nouvel audit de l'ensemble des coopératives et à un diagnostic de leurs forces et faiblesses afin de définir des plans de redressement, au cas par cas, adaptés à chaque situation ;

C. la clarification des conditions de prise en charge effective et d'une gestion saine des camions mal ou pas utilisés ainsi que des locaux ; et d'une solution durable pour la gestion et l'entretien des points d'eau. Une situation précise de l'état actuel des camions, des locaux des coopératives, et des points d'eau ainsi que des conditions de leur utilisation et des perspectives de leur dévolution, devrait être élaborée ;

D. la recherche d'une forme partenariale, incluant le partage des coûts, pour assurer la continuité des soins sanitaires fournis aux troupeaux ; et par

E. un assouplissement de certaines mesures dictées par l'Office de développement de la coopération (ODCO) sur le fonctionnement interne des coopératives.

Dans le moyen terme et dans le cadre d'une deuxième phase du projet

Une phase ultérieure du projet devrait s'inscrire obligatoirement dans une perspective de développement durable basée sur une stratégie de lutte contre la pauvreté et de préservation des ressources naturelles intégrant l'homme, le cheptel et les ressources pastorales. Ceci avec une vision de développement socio-économique harmonieux, équilibrée et durable qui pourrait se concrétiser par la mise en œuvre des quatre recommandations principales suivantes:

(R1) Sur le plan de la dimension économique et sociale et de lutte contre la pauvreté mettre en œuvre toutes les mesures incitatives d'encouragement des initiatives liées aux activités génératrices de revenus et de développement de micro-entreprises. Notamment à travers:

A. La définition d'une stratégie spécifique ciblant les femmes nomades et les jeunes chômeurs qui inclurait la promotion d'activités génératrices de revenus tel que le travail de la laine et des peaux, le petit élevage (volaille, lapin, apiculture), etc... Pour cela, il nécessaire de mettre en place des mécanismes appropriés et adaptés d'accès au micro crédit.

B. Encourager l'émergence d'un tissu économique local basé sur les avantages comparés de la zone et le soutenir par la création de micro-entreprises d'artisans et de métiers divers et un accès au crédit. Privilégier le recours à la main d'œuvre locale et à la création d'emplois pour l'exécution des travaux et encourager l'émergence de petites entreprises locales.

C. Des actions de valorisation des productions spontanées (terfez, armoise, romarin, plantes médicinales et/ou aromatiques, plantes ornementales, gibier…). Des études et des recherches complémentaires doivent être menées dans ce sens.

D. Des actions à caractère structurant liées à l'amélioration des conditions d'accès, de l'infrastructure sociale et des conditions de vie des populations. Ceci dans le cadre d'un plan d'aménagement du territoire en collaboration avec les autres partenaires de développement et les élus locaux.

(R2) La sauvegarde des ressources pastorales et la protection de l'environnement qui nécessitent la définition d'un cadre stratégique pour le développement durable de l'ensemble des steppes de l'Oriental et la mise en œuvre d'une série de mesures et d'actions. Il s'agit entre autre de:

A. L'élaboration d'un schéma directeur d'utilisation rationnelle des ressources pastorales de l'ensemble de la région des Hauts plateaux avec un support cartographique précis délimitant de façon concertée et claire des espaces à vocation pastorale, agricole et de protection de l'environnement et un plan d'aménagement sur le moyen et le long terme incluant les dispositions pour résoudre les problèmes d'extension anarchique des terres de labour et la menace qu'ils constituent sur la conservation de la biodiversité, des eaux et des sols.

B. La mise en œuvre de réformes permettant: (i) de clarifier les relations entre terres collectives et domaine alfatier délimités par une mise à jour de la cartographie qui figerait l'état des labours et définirait les droits et obligations de chaque opérateur : Eaux et forêts ; DPA, Autorités locales, coopératives, éleveurs ; (ii) de clarifier et matérialiser les délimitations administratives entre communes rurales ; et (iii) de contractualiser les décisions de mise en défens entre les coopératives, le Ministère de tutelle des terres collectives et les services techniques. Cette contractualisation pluriannuelle devrait définir un cahier de charge qui fixe les conditions d'installation des mises en défens futures, le régime d'une police pastorale et les bénéficiaires des redevances de pacages.

C. Revoir les paquets techniques et technologiques à vulgariser dans la zone notamment les types de plantations (problème d'acceptabilité de l'atriplex dans le Sud), les travaux de conservation des eaux et des sols et le reboisement. Entreprendre des actions d'envergure pour la conservation des eaux et des sols pour limiter l'érosion des sols et favoriser l'infiltration des eaux et protéger la zone contre la désertification.

D. Mettre en œuvre des actions effectives et efficaces de lutte contre l'ensablement et la désertification en général. Une barrière verte pourrait être envisagée au niveau de Bouarfa.


(R3) Sur le plan du développement de l'élevage et de la valorisation de ses produits adopter une stratégie qui clarifie les responsabilités de l'État et du secteur privé ainsi que les mesures d'incitation et de subvention pour bénéficier d'une partie des marges de production, notamment:

A. La recherche d'une meilleure intégration de l'économie pastorale dans l'économie de marché et la promotion de secteurs économiques alternatifs susceptibles de soulager la pression sur les ressources naturelles. Il s'agira entre autre de la promotion de l'organisation de la filière viande par l'encouragement des investissements privés pour la valorisation (abattoirs, conditionnement, transformation, etc.) et l'organisation de la commercialisation.

B. Le renforcement de l'encadrement des éleveurs et de la vulgarisation dans le domaine de la conduite de l'élevage et de la ration alimentaire ainsi que la mise en place d'un Centre de formation des agents d'élevage et des auxiliaires sanitaires des zones pastorales.

C. La clarification du rôle de l'État en matière d'appui aux soins sanitaires et définir les mécanismes appropriés de participation des éleveurs aux coûts des soins vétérinaires et de prophylaxie, dans le but de renforcer les coopératives et de faciliter le désengagement de l'État.

D. Entreprendre des actions de préservation et valorisation de la race ovine locale (Beni Guil). Entreprendre des actions de caractérisation et de valorisation des races caprines locales en vue de leur diffusion chez les petits éleveurs pour une production de lait (fromage, viande, poils, etc.) tout en contrecarrant l'introduction des bovins nuisibles aux nappes alfatières.

E. L'installation d'un réseau d'épidémio-surveillance et d'alerte précoce des principales maladies contagieuses afin d'assurer un meilleur contrôle des mouvements des troupeaux dans la zone frontalière. Ceci dans le but d'optimiser les modes d'intervention d'en accentuer l'efficacité et de réduire le coût.

(R4) Sur les aspects institutionnels, réglementaires, du rôle de l'État et de la décentralisation: Revoir le rôle de l'État, des institutions locales décentralisées et des coopératives ainsi que la politique d'aide et de soutien compte tenu des spécificités de la zone qui est frontalière et intégrant le phénomène de sécheresse qui devient presque structurel.

A. Une harmonisation et une mise à jour de l'interprétation de la multitude de textes qui régissent, de manière directe ou indirecte, l'utilisation des ressources pastorales dans l'Oriental est nécessaire pour clarifier les prérogatives et les responsabilités. Il s'agit en particulier des départements de l'Intérieur, de l'Agriculture et des Eaux et Forêt.

B. Entreprendre des mesures pour sécuriser les droits de propriété des collectivités et les droits d'usage des éleveurs organisés en coopératives pastorales. Des contrats de concession des mises en défens assortis d'un cahier de charge devraient permettre de définir les conditions d'usage et les protocoles techniques d'intervention.

C. Compte tenu de la nature particulière des activités des coopératives pastorales, il est nécessaire de procéder à une adaptation du texte les régissant aux spécificités de l'activité et à la vocation nouvelle de partenaire dans la protection de l'environnement. Une lecture plus souple et mieux appropriée des textes devrait le permettre.

D. Il est nécessaire d'étudier le rôle des coopératives en tant qu'interface et institutions relais et donc envisager les possibilités d'une diversification des ressources et des prestations des coopératives. Il serait important par exemple d'impliquer officiellement les coopératives dans la prise en charge de certaines tâches sur la base d'un contrat programme. Il faudrait aussi les encourager à contracter en groupe (si elles ne sont pas organisées en Union) les services d'un intérêt commun (commissaire au compte, vétérinaire privé, fournisseur d'aliments du bétail, etc.).

E. Le rôle et la fonction des Unions des coopératives doivent être pensés en vue d'une complémentarité, continuité et la recherche de synergie dans les actions plutôt qu'une substitution aux activités des coopératives de base. Pour le projet il a été parfois plus facile de traiter avec l'Union des coopératives mais il a pris le risque que cela se fasse au détriment des petits éleveurs dont le seul cadre pour faire entendre leur voix est la coopérative.

F. Cette réflexion devrait aussi être accompagnée d'une analyse du rôle que pourraient jouer les communes rurales dans l'optique d'adjoindre aux actions du projet le souci d'un développement local d'accompagnement pour améliorer les conditions de vie (alimentation en eau potable, sous, abattoirs, etc.). Des relations de partenariat devraient être développées entre les communes rurales et les coopératives sur des bases claires définissant les droits et obligations de chacun.

G. Une mise à niveau des capacités et performances des Centres de Travaux (CT) pour accompagner et mettre en œuvre un encadrement et non une tutelle des coopératives.

H. Compte tenu du nombre important de Départements ministériels concernés par le développement des zones pastorales de l'Oriental (Agriculture, Intérieur, Environnement, Aménagement du territoire), il serait indispensable de penser à une institution faîtière qui cordonnerait les actions impliquant l'ensemble des acteurs et partenaires du développement durable. Elle pourrait être du type Agence de développement pastoral de l'Oriental dotée d'un statut qui lui permet de coordonner l'intégration de l'ensemble des actions.

I. La vulnérabilité financière des éleveurs et des coopératives face à des chocs de sécheresses successives constitue un risque majeur pour la durabilité des actions du projet. Une politique d'aide de l'état dans des cas d'urgence extrêmes, suite à une déclaration de zone sinistrée, devra être prévue dans le future. Un fond de solidarité régionale pour des chocs de moindre importance pourrait aussi être prévu. En période de sécheresse et/ou de disette fourragère, les actions de sauvegarde du cheptel doivent être ciblées et menées dans un cadre partenarial entre les pouvoirs publics et les éleveurs de la région concernée.

J. Suivi–Évaluation. Il faut s'assurer que les responsables de la cellule suivi-évaluation (i) aient temps et ressources suffisants pour accomplir leurs tâches, (ii) puissent bien communiquer les résultats aux cadres responsables, (iii) tout en appartenant à l'administration du projet, puissent garder une certaine indépendance afin de garantir l'objectivité des résultats. Les indicateurs (quantitatifs et qualitatifs) devraient être choisis par: (i) les techniciens, (ii) la direction du projet et (iii) les bénéficiaires à travers des méthodes participatives. Pour le suivi de la situation alimentaire utiliser des indicateurs anthropométriques. Le FIDA a déjà accumulé de l'expérience au Maroc à ce propos. L'activité de suivi et évaluation devrait permettre de mieux connaître les effets du projet sur les petits et moyens éleveurs.

Le résumé et les  conclusions sont disponibles en arabe, anglais et français.

Morocco: Managing the 'commons' (Issue #11 - 2003)

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