Projet de Développement Rural de Plaine des Abda, Province de Safi (1998) - IOE
Projet de Développement Rural de Plaine des Abda, Province de Safi (1998)
Evaluation terminale
Conception et objectifs du projet
Groupe cible
Le projet a distingué une "zone focale", constituée par 13 communes des Abda et du Sahel, comptant 22 000 exploitations de moins de 50 ha. Le groupe cible dans cette zone était constitué de 9 500 petites et moyennes exploitations dont 7 240 de moins de 10 ha et 1 675 de 10 à 20 ha. Dans le reste de la province, le projet avait prévu des actions diffuses - couvrant toute la province - et des actions spécifiques localisées hors zone focale. Ces actions n'ont pas fait l'objet d'un ciblage particulier.
Objectifs et composantes du projet
Le projet s'est proposé de réaliser, sur une période de cinq ans, un ensemble "intégré" de composantes en vue d'atteindre trois objectifs:
Un renforcement de l'encadrement des exploitants agricoles, y compris une meilleure coordination de la recherche et de la vulgarisation, ainsi qu'une organisation de la profession.
Une intensification et une diversification des systèmes de production dans une perspective d'augmentation des revenus, les actions proposées étant complétées par des mesures de conservation des eaux et des sols.
Une consolidation de l'infrastructure rurale et de l'équipement en service sociaux, l'objectif étant notamment de créer de meilleures conditions de vie dans les campagnes pour réduire l'exode rural.
Pour atteindre ces objectifs, le projet s'est proposé d'agir dans le cadre des composantes suivantes:
Actions de développement agricole
Plantations d'oliviers et d'amandiers (aménagement de DRS sur 2 000 ha).
Aménagement de parcours. Création en cinq ans de 6 000 ha de périmètres pastoraux (arbustes fourragers).
Amélioration génétique et sanitaire du cheptel. Création de 20 stations de monte bovine, d'un centre de reproduction ovine. Couverture sanitaire du cheptel de toute la province pendant cinq ans.
Actions de soutien du développement agricole
Vulgarisation. Le projet devait mettre en place 16 vulgarisateurs pour soutenir un programme de démonstration centré sur les céréales, les légumineuses et les luzernes annuelles.
Recherche agronomique. Réhabilitation de la station de Jemaa Sahim, et opérations dans le cadre des programmes sur l'aridoculture du Centre de Settat.
Coopératives et groupements d'agriculteurs. Le projet prévoyait de promouvoir de telles organisations pour faciliter les interventions de la vulgarisation.
Maison de l'agriculteur. Il était prévu de créer cinq complexes communaux, dont la fonction était de susciter une organisation de la profession.
Infrastructures rurales
Routes. Le projet devait réhabiliter 100 km de routes rurales afin de désenclaver 13 zones de production. Le matériel et les équipements de 8 brigades d'entretien devaient être financés par le projet.
Eau potable. Le projet prévoyait l'équipement de 5 systèmes d'adduction.
Santé humaine. Le projet prévoyait de réhabiliter et d'équiper 16 dispensaires, et de créer 6 autres dispensaires ainsi que 3 centres médicaux.
Animation féminine. Il était prévu de réhabiliter et d'équiper 10 foyers féminins et de conduire un programme de vulgarisation et de formation.
Actions de renforcement institutionnel
Unité de gestion du projet. Cette unité devait renforcer les moyens de la DPA. Il était prévu de financer le personnel additionnel (5 cadres techniques et 2 spécialistes de commercialisation) ainsi que les moyens et les coûts de fonctionnement de cette unité.
Cellule de suivi/évaluation. Cette cellule devrait être dotée de cadres additionnels et recevoir l'appui de consultations spécialisées.
Formation des cadres. Le projet avait également inclus le financement d'une assistance technique (12,5 mois) afin de former les vulgarisateurs ainsi que le personnel du projet.
Crédit agricole
Le projet avait prévu que ces diverses activités devaient être accompagnées par un important financement privé en vue de l'amélioration de l'équipement de du fonctionnement des exploitations agricoles. Le financement privé devait être soutenu par une ouverture de crédits nouveaux à hauteur de 127,5 millions de DH.
Le projet devait être exécuté par la DPA de Safi, celle-ci coordonnant les activités des autres directions provinciales impliquées (Santé, Jeunesse et Sports, Equipement, Eau potable).
Le coût du projet a été estimé à 40,3 millions de USD, dont 12,3 millions de USD pour le crédit de la CNCA. Selon les engagements initiaux des partenaires, le FIDA devait financer 20% de ce coût. La BID (6,3 millions de USD) et le PAM (3,4 millions de USD) devaient co-financer le projet.
Effets attendus et hypothèses
L'adoption des techniques améliorées et l'utilisation de la mécanisation et de meilleurs matériels devait, selon les projections du rapport de préparation, concerner tous les agriculteurs du groupe cible de la "zone focale". La production additionnelle obtenue sur les 60 000 ha exploités par ces agriculteurs - à laquelle devait s'ajouter la production animale additionnelle obtenue sur ces exploitations et dans d'autres exploitations, du fait de l'utilisation des ressources créées dans les périmètres pastoraux, devait notamment inclure 13 500 t de blé dur, 3 200 t de blé tendre, 10 000 t d'orge, 23 000 t de viande ovine et bovine. Le revenu des exploitations devait augmenter de 400 à 2 000 USD, selon les tailles d'exploitation.
Les projections effectuées lors de la préparation du projet indiquaient que la valeur des productions dues au projet devait passer de 104,9 millions de DH à 205,9 millions de DH. Aux prix économiques, le taux de rentabilité sur 20 ans avait été estimé à 19,2% et à 30,2% si les composantes sociales n'étaient pas prises en compte.
Evaluation
Evolution du contexte en cours d'exécution
Le projet, approuvé en septembre 1986 par le FIDA, institution leader dans sa mise en oeuvre, ne démarra effectivement qu'en janvier 1988, soit à peu près cinq années après avoir été identifié et proposé à l'attention du FIDA. Trois années entières s'étaient écoulées entre la préparation du projet et son démarrage effectif. Les décalages dans le temps ont eu une influence certaine sur les références utilisées par le projet. C'est en effet sur des bases d'analyses datant de 1982-83 (celles qui furent utilisées lors de la préparation du projet) que le projet fut évalué par le FADES en 1985, qu'il fut approuvé et que son plan d'opération fut finalisé.
Le démarrage du projet eut pour visibilité immédiate le "renforcement institutionnel" de la DPA, chargée de son exécution. Cette opération ayant été soit financée par les allocations budgétaires prévues à cet effet, soit pré-financée par des avances du Trésor, les déboursements sur le prêt furent nuls au cours des deux premières années comptables du projet. Sur un plan opérationnel, la principale intervention du projet fut la mise en place de l'unité de gestion du projet.
En février 1991, c'est-à-dire au début de la troisième année d'existence effective du projet, une mission du FIDA de revue à mi-parcours recommanda divers ajustements qui firent l'objet d'une réallocation du budget du projet en mai 1991. Parallèlement, le PAM révisa (et augmenta) sa contribution en juin 1991. Conformément à ces deux révisions, le programme de plantations fruitières en DRS fut considérablement augmenté, passant de 1 500 ha à 4 500 ha. De même, la composante "amélioration des parcours" passa de 6 000 à 8 000 ha. Les composantes relatives à la construction des bureaux et des logements ainsi que les programmes d'achat d'intrants et d'assistance technique furent réévaluées.
Le projet aurait dû normalement s'achever en janvier 1993. A cette date, le prêt du FIDA n'avait été déboursé qu'à hauteur d'un peu plus de la moitié. La date de clôture fut, en conséquence, repoussée au 31 juillet 1996. A cette date, la totalité du prêt FIDA avait été déboursée, soit sur une période de 8 années et demi. Clôturé pour le FIDA, le projet Abda existait encore formellement en novembre 1998 - au moment de l'évaluation terminale -, certains financements budgétaires et d'autres inscrits au titre de prêt BID, ayant justifié le maintien de l'unité de gestion du projet.
Réalisations du projet
Le développement agricole
Les investissements publics réalisés au titre des composantes "plantations" ont constitué la part la plus importante du projet (52% des coûts totaux). Les investissements ont concerné 5 720 ha de DRS fruitière (Mouisset), 3 000 ha d'aménagements sylvo-pastoral dans la zone de Bouaris et 6 630 ha d'aménagements pastoraux à Sidi Chiker. Ces deux derniers aménagements ont constitué des réussites techniques mais la gestion pose encore des problèmes. L'exécution à l'entreprise de la DRS fruitière a permis la réallocation physique des programmes. L'insertion dans les systèmes de production paysans et l'entretien des plantations et des dispositifs anti-érosifs sont cependant insuffisants pour en assurer la pérennité.
Les actions d'amélioration génétique ont donné certains résultats pour les bovins (bien que le choix des services privés ait été préféré) et très peu pour les ovins. Le projet a soutenu les activités du Service de l'élevage dans les domaines de la prophylaxie et de l'hygiène vétérinaire. Il a ainsi certainement contribué au maintien de l'état sanitaire du troupeau mais son impact spécifique ne peut-être évalué.
Les actions du projet en matière de vulgarisation (qui devaient constituer l'essentiel de l'action du projet dans la zone focale, ne se sont pas distinguées du programme national de vulgarisation auquel le projet a apporté des moyens matériels et financiers. Le nombre d'agriculteurs effectivement encadrés (1300) est inférieur aux prévisions (1500). La vulgarisation a néanmoins eu un effet diffus, difficile à évaluer.
L'appui apporté par le projet à la recherche agronomique a essentiellement porté sur le renforcement ou la réhabilitation d'infrastructures locales. Il a coûté plus cher que prévu (6% au lieu de 2% des coûts du projet). Il a permis aux équipes de recherche de l'INRA de conduire certaines activités et expérimentations in situ, sans toutefois réorienter les programmes en fonction des besoins spécifiques de la zone du projet. Certains résultats ont été obtenus mais leur transfert vers les agriculteurs reste soumis à de nombreuses contingences d'ordre technique, économique, ou institutionnel.
Les actions de remembrement (qui n'avaient pas été retenues lors de la préparation du projet), ont cependant été maintenues lors de l'évaluation par le FADES. Elles ont concerné de 3000 ha. Elles se traduisent par des améliorations certaines mais leur pleine utilité n'est pas encore démontrée de façon évidente. L'épierrage, non prévu lors de l'évaluation, a concerné 10 600 ha et semble avoir eu peu d'effet sur les rendements. Les agriculteurs ont cependant trouvé un grand intérêt à ces deux opérations, du fait des rations PAM.
Les composantes sociales et infrastructures
Le projet a réhabilité les centres de santé existants et en a construits de nouveau. Cette action a été très utile et bien perçue par les populations.
Les actions d'animation féminine ont porté sur des centres de formation et d'activités génératrices de revenu. Leur portée est restée limitée et peu réplicable.
Les infrastructures routières (90 km au lieu de 100 km prévus) ont consommé 14% des coûts du projet. Une partie des routes a servi à la desserte de services administratifs.
Les adductions d'eau potable n'ont consommé que 61% des crédits prévus. Les financements restants sont affectés à un projet en cours dans le Bas Tensift.
Le crédit agricole, qui devait constituer l'instrument principal du projet n'a pas joué le rôle attendu. Au contraire, la demande de crédit en fin de projet est inférieure à ce qu'elle était avant le projet. Il n'y a eu ainsi aucun déboursement additionnel.
Le projet a contribué au développement institutionnel en renforçant la DPA, en lui permettant de fonctionner pendant toute la durée du projet et en apportant des moyens au service de l'Equipement, au service de la Jeunesse et des Sports (animation féminine) et au service de Santé. La cellule de suivi-évaluation n'a pas été mise en place.
D'une façon générale, les objectifs physiques assignés au projet ont été réalisés, crédit mis à part, le coût total du projet s'est élevé à 27,2 millions de USD. Le prêt FIDA a été utilisé à hauteur de 518. Le FIDA et le Gouvernement ont contribué, chacun, au financement de 34% des coûts, le reste étant supporté par la BID et le PAM. Le coût final du projet représente 67,5% du coût initial qui comprenait notamment 14,2 millions de USD pour le crédit.
Recommandations et leçons à tirer
Leçons à retenir
L'évaluation de l'exécution du projet Abda, de son impact direct et de son effet dans la dynamique régionale met en évidence plusieurs leçons qu'il conviendrait de retenir:
- Un projet conçu en fonction du mode de fonctionnement d'une institution administrative s'avère adapté à cette institution si celle-ci fonctionne bien.
- Un projet conçu en fonction d'une exécution de caractère administratif ne peut pas avoir en même temps la souplesse requise pour une adaptation aux besoins et aux stratégies différenciées des populations rurales.
- Un projet conçu comme une juxtaposition de composantes sectorielles et verticales ne peut pas être un outil d'intégration horizontale, même si ces composantes sont complémentaires.
- Un projet dont les composantes correspondent aux programmes normaux des administrations n'est pas susceptible de produire un concept "d'après-projet".
- Le concept de désengagement de l'Etat", qui a été introduit dans la politique nationale au moment où le projet a été formulé n'a pas été appliqué dans ce projet. Un engagement des divers acteurs de développement, sous entendu par le concept de désengagement de l'Etat ne peut être atteint lorsque ce désengagement se limite à transférer l'exécution directe par l'Etat, au secteur privé au travers de marchés publics.
- Un projet intégré du type du projet Abda n'apparaît pas comme un instrument adapté pour développer l'agriculture en milieu aléatoire.
Recommandations
Les recommandations qui on été formulées ont porté, à la demande de la DPV, sur les implications stratégiques en matière de développement rural, des leçons de l'évaluation. Celles-ci s'articulent autour des thèmes suivants:
- Réfléchir à des stratégies spécifiques, adaptées à la diversité des "vocations dominantes" régionales et sous-régionales
- L'échelle d'intervention. Il convient d'agir à différents niveaux territoriaux: ensembles géographiques, diversification sous-régionale et zones agro-écologiques
- Les programmes régionaux doivent être conçus en fonction d'un concept de " vocation dominante" et approche par "filière"
- La prise en compte de l'aléa: il est nécessaire de promouvoir des approches adaptées à la diversité des systèmes de production et soucieuse de l'intégration des exploitations à leur espace local
- La gestion de l'environnement doit être fondé sur une responsabilisation des usagers.
- Diversifier les activités économiques en dehors de l'agriculture
- Tout programme de développement rural doit prendre en compte les paysans pauvres vivant de la pluri-activité comme stratégie de survie
- L'émergence d'une nouvelle perception de la vie rurale: les zones rurales doivent progressivement se situer en continuité avec les activités et les modes de vie du milieu urbain
- La dynamique de l'emploi non agricole peut-être fortement stimulée par l'urbanisation intermédiaire
- Mettre en oeuvre des approches intégrées et territoriales
- La notion d'intégration", dévalorisée par des mises en pratique peu performantes, doit être réhabilitée
- Vers un concept de "développement local"
- Le "territoire local" doit être considéré comme la base d'un "développement rural à base locale"
- Responsabiliser les acteurs et développer des approches de partenariat dans le cadre de la décentralisation
- Il est nécessaire de prendre en compte la pluralité des acteurs
- Le développement rural doit être fondé sur une approche participative impliquant les partenaires dans les processus de programmation et d'exécution des actions de développement
- Le partenariat et les approches contractuelles doivent caractériser les relations entre les acteurs et l'Etat
- Il est indispensable de diversifier les instruments de financement
- Le principe de subsidiarité doit devenir une clé de voûte de la décentralisation
- Entreprendre une réflexion sur l'opportunité d'une nouvelle approche de l'action des DPA
- Une interrogation sur le rôle de l'Etat est nécessaire
- Les politiques d'intervention de l'administration à l'échelle régionale doivent être repensées
- L'agriculture comme levier de développement en zone aléatoire
- L'agriculture seule ne peut pas être un levier de développement suffisant en zone aléatoire