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Projet de pêche artisanale en lagune Aby (1989)

03 avril 1989

Résumé du rapport d'évaluation à mi-parcours

La lagune Aby, d'une superficie de 424 km2 est située à l'extrême Sud-Est de la Côte d'Ivoire. La lagune communique avec l'océan par une série de chenaux se réunissant en une passe unique au niveau du village d'Assinie-Mafia. La population autour de la lagune est de 46.000 personnes (40 villages). L'activité de base est la pêche même si chaque famille pratique des cultures vivrières de subsistance. Les femmes s'occupent du fumage du poisson (1.580 fumeuses). La pêche comprend deux secteurs bien distincts selon les engins utilisés: la pêche collective (1.200 pêcheurs) utilisant des sennes Aly et des sennes tournantes, la pêche individuelle (800 pêcheurs) avec des filets maillant à une nappe, des guideaux à crevettes, des éperviers et des nappes en fibres végétales. Les ressources halieutiques comprennent 3 groupes de poissons (Ethlamose, Cichlidae, Chrysichthys) et 3 crustacés exploitables. La surexploitation des ressources provoque une baisse des prises et une baisse concomitante du revenu des pêcheurs.

Conception et objectifs du projet

Groupe cible

La population cible du projet est composée des 46.000 habitants de l'ensemble des villages existants autour de la lagune dont 2.000 pêcheurs et 1.580 fumeuses.

Objectifs et composantes du projet

Les objectifs principaux du projet sont l'amélioration des conditions de vie et des revenus des pêcheurs et des fumeuses par le biais d'une exploitation rationnelle des ressources de la lagune Aby et de l'utilisation d'un matériel de pêche approprié.

Les composantes du projet sont les suivantes:

  • Vulgarisation, encadrement et gestion: encadrement des pêcheurs et encouragement du recours à des techniques adéquates de pêche, expérimentations et démonstrations d'aquaculture et de fumage, formation, soutien des groupements de pêcheurs et aide pour leurs demandes de crédit.
  • Assistance directe à la pêche et au fumage: un volet investissements directs comprenait l'installation d'une chambre froide, un four amélioré, des enclos d'aquaculture et des acadjas. Un système de crédit réalisé en étroite collaboration avec la BNDA devait financer la pêche, le fumage, la commercialisation de poisson frais et l'aquaculture.
  • Infrastructures socio-économiques: construction de 11 débarcadères, de 40 puits (20 nouveaux, 20 à réhabiliter), de 3 marchés ruraux et d'un centre de services pour la réparation, l'entretien et la maintenance des moteurs d'embarcations.
  • Formation, suivi et évaluation: le suivi devait être assuré par la Direction des Pêches et 3 évaluations de 2 mois devaient être effectuées. Deux expertises devaient être réalisées: étude des disponibilités en bois, une expertise en comptabilité.

Effets attendus et hypothèses

L'accroissement du volume des prises permettra une augmentation des revenus des pêcheurs. La mise en place des infrastructures doit engendrer une augmentation des échanges commerciaux entre les riverains de la lagune et une amélioration sensible de leurs comditions sanitaires. La production annuelle de 5.000 t de poisson commercialisé en frais doit réduire les importations ivoiriennes et influencer favorablement la balance des paiements.

L'évaluation faisait l'hypothèse que le développement excessif d'engins de pêche nouveaux avait provoqué une chute dramatique de la principale espèce exploitée (l'Ethmalose) alors que les Tilapias et Chrysichtys étaient sous-exploités à cause de la désaffection des engins individuel par les pêcheurs.

Évaluation

Evolution du contexte en cours d'exécution

En lagune, la surexploitation des ressources s'est traduite par une paupérisation des pêcheurs et une chute des captures, particulièrement marquée en lagune Aby. Au total, la production lagunaire ne serait plus que de l'ordre de 4.000 t en 1987 au lieu des 12.000 t de 1984.

D'autres éléments ont eu des effets négatifs: le colmatage de la passe d'Assinie et des facteurs climatiques défavorables (faibles apports hydrologiques).

Réalisations du projet

Composante infrastructures socio-économiques: 29 débarquadères, au lieu des 11 prévus, ont été construits à cause de la pression exercée par les populations riveraines et les responsables politiques locaux (moyen de désenclaver les villages situés autour de la lagune). 28 puits ont été réalisés. Au lieu d'un centre de services, le projet a ouvert un magasin de vente de pièces détachées qui n'a fonctionné qu'en 1987, les pêcheurs préférant s'approvisionner directement sur les marchés ghanéens ou sur le marché de Dabou à des prix nettement moins élevés. 3 marchés couverts ont été réalisés mais ne sont pas utilisés par les commerçants (prix d'acquisition des stands trop élevés). Un local administratif et 2 logements ont aussi été construits.

Composante encadrement administratif: l'encadrement des pêcheurs a consisté en la mise en place de 4 conseillers de pêche (au lieu de 6 prévus), l'organisation de réunions d'information, la visite systématique des pêcheurs dans leur village, des déplacements ponctuels en cas de conflits particuliers. Le projet a aidé à la constitution de 8 GVC et de plusieurs groupes informels devant constituer à terme de nouveaux GVC. La vulgarisation de nouvelles techniques de fumage s'est effectuée sous forme de démonstrations (24 séances). Des comités d'hygiène villageois ont été constitués et ont permis une diminution notable des maladies diarrhéiques au sein de la population cible.

Assistance directe à la pêche et au fumage: 8 crédits pêche ont été octroyés à des GVC pour un montant total de 19.231.930 FCFA (financement des armements de pêche artisanale lagunaire), 1 prêt à un GVC de fumeuses qui n'a pas été remboursé, aucun prêt pour la mise en place de chaines de froid ou pour l'aquaculture. Au total, le montant déboursé par la BNDA s'élève en juillet 1988 à 17,43 millions de FCFA soit 3,9% du montant prévu. Comme investissements directs, ont été construits, 4 fours de démonstration (type "Adiaké" et "Chorkor"), une fabrique de glace. Deux types d'expérimentation d'acadjas ont été menés (acadja traditionnel et acadja en bambou non enclos). Le projet a construit un catamaran et 6 pirogues (non prévus) qui se sont révélés inadaptés par absence de flottabilité et n'ont pu être exploités.

Formation: ce volet n'a pas eu l'ampleur prévue (203 jours de formation sur 604 prévus).

Le suivi et l'évaluation: aucune unité n'a été mise en place.

En 1987, un certain nombre de mesures ayant pour but de rationnaliser l'effort de pêche et de préserver la resource renouvelables ont été prises: interdiction des sennes tournantes, mise en place d'un système de licences de pêche, fermeture de la pêche pendant 6 mois de l'année.

Appréciation des effets du projet et de leur perennité

Effets sur les revenus des bénéficiaires: les pêcheurs individuels utilisant les filets maillants parviennent actuellement à améliorer les niveaux de revenus observés en 1982 (290.000 FCFA de revenu annuel actuellement et 188.000 en 1982). La rentabilité des sennes de plage est insuffisante. Les revenus des fumeuses marquent une croissance de 107% par rapport à 1982.

Impact sur les conditions de vie: les débarcadères ont permis de désenclaver certains villages; les puits ont réduit fortement le nombre de maladies diarrhéiques.

Effets sur les revenus et les conditions de vie des femmes:la présence des puits permet d'alléger la pénibilité de l'approvisionnement en eau qui pèse essentiellement sur les femmes et les enfants. Les revenus des fumeuses ont augmentés (voir para 15).

Impact sur l'emploi: l'adoption de mesures destinées à supprimer l'usage des sennes tournantes et à enrayer la chute du niveau de production a eu un impact défavorable sur l'emploi (beaucoup de pêcheurs étrangers sont retournés dans leur pays). En revanche, les actions d'assistance aux GVC ont permis à 107 menbres de GVC de développer leur activité dans la zone du projet et de s'y stabiliser.

Effets sur l'environnement et sur la base de ressource:depuis 1985, on observe une diminution de la production et des rendements ce qui confirme la tendance antérieure de baisse des stocks que le projet n'a pas réussi à renverser. Chaque amélioration des rendements observés après chaque période de fermeture reste fragile et de moins en moins importante d'une période de fermeture à l'autre.

L'existence du projet a permis de renforcer les capacités techniques et humaines de la direction des pêches, d'intaurer une étroite collaboration entre les differents acteurs concernés par les problèmes de pêche sur la lagune Aby, de renforcer les institutions traditionnelles (chefs de village et administratives (chefs de canton) dans leur role d'arbitre des conflits et de participants aux prises de décision (fermeture de la pêche, instauration d'un système de licences.

Principaux problèmes rencontrés

L'incapacité du projet à enrayer la baisse des stocks

La baisse des stocks concerne l'ensemble des espèces (pas seulement l'Ethlamose). On peut distinguer deux facteurs:

  • des conditions défavorables: des facteurs hydrologiques négatifs (faibles apports) et un ensablement des chenaux de la passe d'Assinie.
  • une surexploitation liée à une augmentation de la puissance de pêche. La quasi totalité des sennes de plage de grande longueur et de chute importante sont encore en activité et le nombre de filets syndicats a tendance à augmenter ainsi que le nombre d'engins individuels (filets maillants grande maille et éperviers).

Les efforts entrepris par le projet pour limiter la pression sur les stocks disponibles (interdiction des sennes tournantes, licences, fermeture saisonnière de la pêche) vont dans le bon sens mais ne sont pas suffisants. Quelques erreurs ont cependant été commises: 73% des crédits accordés l'ont été pour l'achat de 4 grands filets dont l'effet destructeur sur les stocks d'Ethlamose et de Machoirons n'est plus à démontrer.

Des insuffisances dans l'administration du projet

Exception faite des procès verbaux des réunions du conseil d'organisation et de suivi,aucun rapport d'activité n'est publié. La mission n'a pu disposer d'aucun document décrivant les activités du projet ou établissant un bilan des réalisations physiques et financières. La gestion comptable laisse également à désirer puisqu'un seul journal comptable est tenu et qu'aucun autre état financier n'est élaboré. Enfin, les coûts de fonctionnement notamment au niveau du poste carburant du parc de véhicules se sont révélés parfois excessifs.

Recommandations et leçons à tirer

Les propositions en matière d'aménagement de la pêche visent à maitriser l'effort de pêche, en veillant à privilégier les mesures dont la mise en oeuvre s'avère la plus aisée. La fermeture annuelle de la saison de pêche constitue une mesure indispensable à la reconstitution des stocks. Sa durée doit être fonction de l'effort de pêche entrepris et surtout de l'évolution de la situation de la lagune. Le suivi des captures et de la biologie des espèces sera déterminant. Le système des licences doit être maintenu et leur nombre limité. Il doit être accompagné de l'enregistrement de tous les engins de pêche et de la création d'une brigade de surveillance. L'expérimentation d'une senne de plage rénovée et de taille limitée est opportune en raison de l'absence de sélectivité des sennes utilisées actuellement. Les efforts de pêche devraient porter sur les stocks actuellement sous-exploités; une action de développement de la pêche au crabe pourrait bénéficier à une centaine de pêcheurs.

Le projet devrait intensifier ses efforts pour le développement des acadjas (3 ha en 1989 et 5 ha l'année suivante si les résultats sont positifs).

Les démonstrations des nouveaux fours se tiendront dans 20 villages. Une campagne de promotion de l'utilisation de la glace devrait être lancée.

En ce qui concerne la chambre froide que le GVC d'Assinie se propose de construire, une étude préalable sur la pêche et la commercialisation de la crevette doit être entreprise.

Une cellule de suivi et une cellule d'évaluation doivent être créées et coordonnées.

Afin de mettre en place des procédures comptables et une structure organisationnelle plus efficiente, la mission recommande de recourir à des missions d'expertise comptable et administrative. Un état comptable du projet doit être établi et soumis à un audit.

L'équipe des conseillers de pêche doit être renforcée et dotée d'outils de travail plus fonctionnels. Un accord avec le Centre de Recherche Océanographique permettra de rassembler les données nécessaires au suivi biologique et socio-économique des actions du projet.

Pour que les mesures préconisées s'avèrent efficaces, elles doivent s'inscrire dans un care institutionnel qui rallie le consensus des populations attenantes à la lagune et les impliquent dans la mise en oeuvre mais aussi dans la définition globale d'un plan d'aménagement de l'environnement lagunaire.

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