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Projet des Petits Périmètres Irrigués (1997)

03 avril 1997

Résumé du rapport d'evaluation terminale

Depuis la frontière malienne en amont de Gouraye jusqu'à l'aval immédiat de Kaédi, la zone du projet s'étire sur près de 400 km, constituant la haute vallée du fleuve Sénégal. Le projet intervient dans deux unités administratives (départements du Gorgol et du Guidimakha), assez nettement différenciées l'une de l'autre tant pour les conditions naturelles que par l'appartenance des populations à des groupes ethniques différents. Le climat du haut fleuve est de type sahélien, caractérisé par une saison chaude et humide de juillet a octobre, une saison sèche froide de novembre à mars, et une saison sèche et chaude, de mars à juin. Un gradient pluviométrique assez marqué d'aval en amont fait passer les précipitations moyennes de 370 mm dans la région de Kaédi a 572 mm a Sélibaby. Les sols sont principalement formés sur les alluvions du fleuve Sénégal et de ses affluents. Leur texture et leur position topographique, par rapport au niveau des crues du fleuve, déterminent leurs qualités agrologiques et leur utilisation. Les principales cultures sont le sorgho (cultures de décrues), le mil (cultures pluviales) et , plus récemment, le riz (en irrigué). A la veille du projet, on estimait à 1500 ha environ les superficies équipées pour l'irrigation, dont la moitié consistait en petits périmètres irrigués.

Conception et objectifs du projet

Groupe cible

La population de la zone de projet compte 64 villages représentant au total une population de 50 000 ruraux dont 20000 ( 2900 familles) devaient bénéficier directement du projet. Cinq groupes d'activités se combinent pour former les systèmes de production des villages du haut fleuve: l'agriculture, l'élevage, la pêche, la production de charbon de bois, et l'émigration. La population vit donc encore largement des ressources fournies par le milieu naturel, dont l'exploitation est étroitement sous la dépendance de la force de travail familiale; les femmes en fournissent la plus grande partie. Le revenu moyen avait été estimé en 1981 à 11 000 UM par habitant et par an, soit 15% en dessous du niveau de consommation critique (équivalent à 60% du PNB). Le revenu moyen masque de grandes disparités de revenus au sein de la population. Ceci est dû au caractère très hiérarchisé des sociétés riveraines du fleuve, et à la concentration de la propriété de la terre qui lui est associée. Le métayage, très important, permet cependant un accès indirect à la terre à une fraction plus large de la population. Les interventions du projet touchent en priorité les terres en bordure immédiate du fleuve et non les bas-fonds où les droits de propriétés sont solidement établis et où la concentration foncière est la plus marquée.

Objectifs et composantes du projet

Les sécheresses successives de 1968-73 et de 1983-85 combinées à une importante croissance de la population (2,9%) ont gravement affecté l'environnement et le potentiel de production mauritanien. La construction du barrage de Manantali se traduit par une augmentation considérable de la superficie potentiellement irrigable (135.000 ha), mais également par la réduction des superficies inondées permettant la culture de décrue traditionnelle. Le développement de l'irrigation orientée vers la riziculture est ainsi apparue comme la meilleure sinon la seule réponse à l'insécurité alimentaire et aux coûts économiques qu'elle engendre ainsi qu'à la pression accentuée sur les terres de la vallée et aux conflits ethniques qui risquent d'en découler.

La partie mauritanienne du haut fleuve (régions de Kaédi et de Gouraye), par ses caractéristiques tant physiques qu'humaines, semblait se prêter à l'implantation de petits périmètres villageois. Ceux-ci devaient participer à l'amélioration du niveau nutritionnel d'une région relativement isolée et améliorer les revenus paysans. La participation de la population à l'aménagement devait permettre d'en réduire les coûts d'installation ainsi que les charges récurrentes liées à leur exploitation, par rapport à ceux constatés sur les grands et moyens périmètres.

C' est dans cette optique que le Projet des petits périmètres irrigués a été proposé au financement conjoint de l'IDA et du FIDA à hauteur respective de 5,7 millions de USD et 3,5 millions de USD. La part du gouvernement est originellement évaluée à 0,3 million de USD.

Le projet comprenait sept composantes réparties en aménagement et mise en valeur (3 composantes) et appui institutionnel (4 composantes). Le premier groupe comprenait:

  • l'aménagement de 75 petits périmètres d'irrigation (20 à 25 ha) couvrant au total 1.600 ha;
  • la fourniture de 75 équipements de pompage et 20 équipements de secours;
  • la fourniture des intrants agricoles.
  • L'appui institutionnel s'articulait autour de:
  • la fourniture de véhicules, de matériel topographique et d'équipement de bureau;
  • la construction de bureaux, logements et ateliers à Gouraye;
  • l'assistance technique (deux ingénieurs expatriés, 4 mécaniciens nationaux pour l'entretien des pompes et la formation des usagers);
  • la vulgarisation agricole, l'organisation et gestion des coopératives, le service d'entretien et réparation des pompes.

Cet ensemble de composantes s'insérait dans le programme ordinaire de la SONADER vis-à-vis duquel le projet n'affirmait aucune spécificité particulière tant du point de vue de la conception et de la réalisation des aménagements que de celui de l'appui institutionnel et du soutien à la mise en valeur.

Effets attendus et hypothèses

La mise en valeur de 75 petits périmètres aménagés et équipés par le projet sur environ 1.600 ha devait conduire à une production additionnelle annuelle de 3.500 tonnes de paddy, 6.000 tonnes de maïs, 500 tonnes de niébé et 10.000 tonnes de fourrage.

Évaluation

Evolution du contexte en cours d'exécution

Le projet, approuvé en avril 1985, est entré en vigueur le 1er janvier 1986. Sa clôture, initialement prévue pour le 30 juin 1993, a été effective au 1er décembre 1993. Les fonds ont été déboursés à hauteur de 77% des prévisions globales et de 74% en ce qui concerne les fonds FIDA. Le suivi des actions du Projet a été assuré par la Banque Mondiale, cofinancier avec la FIDA et le Gouvernement. Celle-ci effectua plusieurs missions de supervision sur le terrain pour une durée totale de 36 semaines experts.

Les travaux d'aménagement devaient démarrer en 1985, pour s'achever en 1988. Les retards enregistrés au démarrage du projet, en 1986, eurent pour conséquence l'abandon de l'exécution à l'entreprise au profit d'une exécution en régie par la SONADER, suite à la demande de celle-ci arguant des difficultés à trouver des entreprises intéressées par ce type de travaux. En effet, il eût été difficile de combiner travaux à l'entreprise et contribution significative des bénéficiaires aux travaux du fait des difficultés d'organisation des chantiers qui en auraient résulté. La suite a montré que si cette modification était nécessaire, elle n'a pas aidé à résorber les retards enregistrés.

L'évolution de l'environnement politique et institutionnel a été marquée par la mise en oeuvre du Programme d'ajustement structurel agricole (PASA) à partir de 1988: libéralisation des marchés, vérité des prix, et désengagement de l'Etat, les fonctions des institutions paraétatiques étant réduites à la prestation de services. Ainsi la SONADER ne fournit plus d'intrants et de crédit aux irriguants et se limite désormais à la vulgarisation et à la gestion des périmètres irrigués. De même, le Comité de sécurité alimentaire (CSA) n'intervient plus, comme auparavant, dans le commerce de la production céréalière, mais s'occupe surtout de la gestion de l'aide alimentaire par le biais de projet du type "vivres contre travail".

A partir d'avril 1989 et jusqu'en 1991, la mise en oeuvre du projet a été gravement affectée par les conflits socio-ethniques et les incidents frontaliers qui en ont découlé. Quatre ans après le démarrage du projet, d'autres modifications furent apportées aux prévisions initiales au vu des résultats atteints (état de mise en valeur insatisfaisant, dû notamment à la qualité insuffisante des aménagements). C'est ainsi qu'il fut décidé d'arrêter la réalisation de périmètres nouveaux pour se consacrer à l'amélioration de ceux déjà aménagés (par le Projet) et à la réhabilitation d'anciens périmètres réalisés dans le cadre d'autres projets.

Réalisations du projet

Aménagements

Les périmètres créés par le projet à Gouraye sont au nombre de 10 ou 12 selon la manière de les dénombrer et couvrent une superficie de 300 ha. Dans la zone de Kaédi, le projet a créé 25 périmètres, couvrant une superficie de 831 ha. La première intervention du projet (entre 1986 et 1989) n'a pas toujours produit des périmètres fonctionnels. Celui-ci a dû intervenir une seconde fois (entre 1992 et 1993) pour "consolider" ces périmètres. Cette seconde intervention a concerné 6 ou 8 périmètres à Gouraye couvrant une superficie de 218 ha et 11 périmètres à Kaédi sur une superficie de 485 ha. Par ailleurs, le projet a procédé à la réhabilitation de 4 périmètres à Gouraye couvrant une superficie de 100 ha et 5 périmètres à Kaédi d'une superficie totale de 117 ha.

L'intervention du projet a donc porté sur 1.348 ha (400 ha à Gouraye et 948 ha à Kaédi) sur les 1.600 ha prévus, soit un taux de réalisation de 85% (50% à Gouraye et 120% à Kaédi). Le coût unitaire moyen des aménagements (environ 200.000 UM/ha hors GMP) parait excessif (en comparaison du coût des périmètres de Boghé notamment, 150.000 UM/ha). Ce surcoût a principalement pour origine la faible participation de la population à la réalisation des aménagements terminaux.

Les aménagements sont généralement, en mauvais état. En l'absence d'une action de sauvegarde (du type de celle envisagée pour les périmètres de Boghé), la disparition à brève échéance des périmètres aménagés par le projet n'est pas une hypothèse à écarter.

Fourniture de groupes motopompes (GMP)

Le projet prévoyait la fourniture d'un GMP par périmètre de 20 à 25 ha (soit environ 75 GMP) ainsi que 20 GMP de secours. D'après le rapport d'achèvement, 67 GMP ont été fournis par le projet (38 aux groupements de Gouraye et 29 à ceux de Kaédi).

La plupart des GMP fournis à Gouraye sont encore en état de marche. A Kaédi, faute d'un entretien courant correct, la plupart des GMP sont hors d'usage. Mais partout, la qualité des réparations et leur coût constituent un handicap sérieux pour la maintenance de ces équipements.

Fourniture d'intrants agricoles

La fourniture d'intrants agricoles, comprenant essentiellement le carburant pour les motopompes, l'engrais et les semences pour la culture de riz a été assurée par la SONADER de 1986 à 1988. Depuis le désengagement de la SONADER (1988), l'approvisionnement est assuré par le privé mais de manière partielle. La mise en place du stock d'intrants en début de campagne est par ailleurs lié au déblocage de crédit par l'institution bancaire concernée (UBD de 1988 a 1991; puis UNCACEM ), donc au remboursement des dettes antérieures. Sur l'ensemble de la durée du projet seul 30% du montant initialement prévu (830 000 DTS) a été effectivement déboursé. Cela témoigne du désengagement prématuré de la SONADER. La documentation existante ne permet pas de s'assurer de la destination finale des intrants acquis par le projet, et on ne peut affirmer que ceux-ci ont été exclusivement - ni même principalement - consommés sur les petits périmètres aménagés par lui.

Appui institutionnel, organisation et participation des bénéficiaires

L'appui institutionnel s'est inséré, et parfois dilué, dans les actions ordinaires de la SONADER, qui à cet effet a été renforcée en moyens logistiques (véhicules et matériel, construction de bureaux, logements et ateliers). Outre l'appui à l'aménagement et à l'équipement (étude, organisation et gestion de chantiers), cet appui a concerné la vulgarisation agricole, la constitution, l'organisation et la gestion des coopératives.

L'assistance technique, en appui à l 'aménagement, comportait le financement de deux ingénieurs pour la supervision des travaux; des études d'exécution des périmètres; et de quatre mécaniciens pour la maintenance des GMP. A en juger d'après la qualité des aménagements et de maintenance des GMP, il ne semble pas que cette assistance ait été particulièrement performante. De plus, son coût (environ la moitié de celui des aménagements), semble prohibitif, la norme étant que les frais d'étude et de surveillance des travaux n'excèdent pas 10% du montant de ceux-ci.

La vulgarisation agricole a initialement souffert du manque de personnel spécialisé dû au fait que les lauréats de l'Ecole Nationale de Formation et Vulgarisation Agricole étaient absorbés par la fonction publique. La SONADER a ainsi été obligée de recruter sur le tas, au détriment du professionnalisme des services de mise en valeur. Après 1990, la vulgarisation a été conduite suivant la méthode "Formation & Visite" adoptée pour l'ensemble de la zone d'intervention de la SONADER. Sa mise en oeuvre s'est matérialisée par l'affectation d'une équipe de vulgarisateurs polyvalents, en nombre cependant trop réduit (4 vulgarisateurs à Kaédi et 4 à Gouraye) étant donné la dispersion des périmètres. Les vulgarisateurs interviennent sur une base strictement thématique centrée sur la riziculture et ne prennent que très rarement en compte l'ensemble du système de production des paysans. Le faible degré de liaison avec la recherche agronomique, l'absence de structures de recherche-développement et de techniciens spécialisés dans les spéculations autres que la riziculture accentuent ces insuffisances.

L'appui aux organisations paysannes a été centré sur la constitution et l'organisation d'un modèle unique de coopérative dont les activités sont étroitement cantonnées à la gestion du périmètre irrigué et qui servent essentiellement de courroie de transmission aux activités de la SONADER et de véhicule unique et obligatoire pour la distribution du crédit. Ceci limite gravement leur niveau d'initiative dans la direction d'une diversification des spéculations ou la promotion d'activités génératrices de revenus additionnels.

La participation des bénéficiaires n'a pas toujours été à la hauteur des attentes initiales. La première phase du projet (jusqu'en 1991) a été caractérisée par une forte assistance de la SONADER, dont les paysans ont cherché à tirer le profit maximal. La participation de la population aux aménagements terminaux a été beaucoup moins forte que prévue. Le désengagement brutal de la SONADER des opérations de crédit et d'approvisionnement a été dans ces conditions très difficilement relayé par les organisations paysannes mises en place.

Appréciation des effets du projet et de leur pérennité

Bénéficiaires du projet

Le projet n'a fait l'objet d'aucun ciblage d'ordre social. Le choix des sites à aménager est fonction de considération techniques ou géographiques. Conformément à l'Accord de projet, la distribution des parcelles à l'intérieur des périmètres aménagés a généralement été décidée par les villageois sans l'intervention de la SONADER. Toutefois la répartition des parcelles aménagées issues de ce mode d'attribution est relativement égalitaire.

Les visites de terrain ont en effet permis de constater que, généralement, l'ensemble de la communauté villageoise a pu avoir accès au périmètre, avec deux exceptions notables: i) les femmes qui, même lorsqu'elles sont chef de famille, ne sont pas attributaires de parcelles; ii) les familles ne comprenant pas de bras valides (familles sans enfant ou ayant des enfants trop jeunes). Par ailleurs, les propriétaires traditionnels des terres sur lesquelles était aménagé le périmètre ont parfois reçu une compensation, sous forme d'attribution de parcelles complémentaires.

Dans ces conditions, environ 4.000 familles se seraient vu attribuer une parcelle irriguée (soit 1.000 de plus que prévues). Le tiers d'entre elles en tiraient un bénéfice en 1993, soit 1.700 de moins que prévu. Trois groupes de bénéficiaires méritent d'être plus particulièrement mentionnés:

Les femmes

Sauf dans les rares cas où les femmes ont repris l'exploitation du petit périmètre lorsque les hommes l'ont quitté pour le moyen périmètre nouvellement installé, les femmes ne sont pas attributaires de parcelles. Le projet a cependant eu un impact indirect sur ce groupe en ce qu'il a favorisé le développement des cultures maraîchères. Dans tous les périmètres rencontrés, les femmes ont commencé à pratiquer le maraîchage soit à l'intérieur du périmètre aménagé (par exemple, sur les diguettes ou dans un coin du périmètre), soit en bordure du périmètre, en bénéficiant du GMP des hommes. Elles ont généralement aussi constitué une coopérative. Cette activité a certainement eu un impact positif, du point de vue nutritionnel, voire financier (bien que cette production se heurte à un sérieux problème d'écoulement), et parce qu'elle développe la capacité des femmes à s'organiser. Elle a cependant eu aussi un effet négatif en alourdissant la charge de travail des femmes, sans que des actions visant l'allégement de leurs tâches (moulins, puits, crèches rurales, etc.) aient été envisagées par le projet. Il faut noter cependant que les programmes de vulgarisation de la SONADER ont récemment introduit des foyers améliorés avec beaucoup de succès.

Les paysans sans terre

Les périmètres ont favorisé l'accès à la terre des paysans exploitants mais non propriétaires - au sens coutumier du terme - pratiquant l'agriculture traditionnelle pluviale ou de décrue. En effet, toutes les familles attributaires de parcelles de périmètre, quel que soit leur statut sur les terres traditionnelles, sont considérées comme propriétaires éminents de ces parcelles. De plus, chaque attributaire de parcelle est susceptible de se voir accorder un titre foncier moyennant certaines conditions énoncées par la législation foncière.

Les rapatriés

Lors des événements de 1989, des familles - voire des villages entiers - sont parties au Sénégal, laissant des périmètres ou portions de périmètre qui ont ensuite été attribués par les autorités locales à des rapatriés du Sénégal, ce qui a permis de venir en aide à des familles très démunies. On note cependant que lorsqu'un périmètre a été partagé entre une communauté locale et une communauté de rapatriés, la gestion commune est extrêmement difficile et lorsque survient un problème particulier, il n'est pas possible d'y apporter une solution collective.

Il reste que ces groupes de rapatriés, quand ils sont demeurés sur place, sont dans une situation de dénuement extrême et n'ont en général que le périmètre irrigué comme source d'alimentation et de survie (quelques-uns de ces groupes ont cependant eu accès à des terres cultivables en décrue mais le plus souvent en superficie très limitée). Leur motivation pour la mise en valeur des périmètres irrigués est certainement très forte; ils sont cependant soumis aux mêmes limitations que les autres attributaires, tant dans le domaine des techniques de production que de l'accès au crédit. Leur faible maîtrise des techniques de l'agriculture et de l'irrigation, le départ des jeunes hommes à la recherche de situations moins défavorables accentuent les contraintes et réduisent les performances.

Niveau de mise en valeur

La superficie mise en valeur en 1993 (environ 400 ha) ne représente que 30% de la superficie aménagée, chiffre proche de la moyenne constatée pour l'ensemble de la vallée. La chute de la mise en valeur s'est encore accentuée pour la campagne 1995 (231 ha exploités soit moins de 20% de la superficie aménagée).

Lorsque les périmètres aménagés sont cultivés, il y est pratiqué, dans la plupart des cas, un seul cycle de culture de riz en hivernage. La culture de contre-saison n'est que rarement pratiquée et, quand elle l'est, elle ne concerne qu'une faible partie de la superficie irriguée (cultures maraîchères rares, maïs). Les raisons le plus souvent invoquées pour justifier l'absence de cultures de contre-saison: difficultés de caler les deux cycles (variétés), les dégâts provoqués par les oiseaux en contre-saison, les divagations du bétail en saison sèche, l'absence de crédit pour les cultures autres que le riz, les difficultés de commercialisation (maraîchage), l'émigration saisonnière.

Les rendements en paddy se situent autour de 3,5 à 4 t., traduisant une maîtrise insuffisante des techniques de production. Il semble se manifester une tendance à la baisse des rendements après les premières années de mise en culture (fumure de fond insuffisante, dégradation des conditions de l'irrigation).

La modestie des performances obtenues, l'exiguïté des parcelles et les difficultés de commercialisation font que la production est essentiellement consacrée à l'autoconsommation. Le revenu monétaire directement dégagé de l'activité irrigation reste ainsi très faible et ne permet ni le remboursement des crédits de campagne contractés pour l'achat d'intrants et du carburant nécessaires à la culture du riz, ni a fortiori de constituer des provisions financières pour l'amortissement et l'entretien des aménagements et équipements. Les dispositions récentes interdisant l'accès au crédit des groupements endettés entraînent souvent l'abandon pur et simple de la mise en valeur quand le recours à des ressources monétaires extérieures est impossible (émigrés).

Force est ainsi de constater que le projet n'a atteint que très partiellement ses objectifs tant en termes de production globale qu'en termes d'amélioration des revenus paysans. En termes de production, les résultats sont très en deçà des prévisions initiales (autour de 1.200 t. de céréales en 1993, de 800 t. en 1995 au lieu des 10.000 t. prévues par les concepteurs). Les estimations sont même inférieures de près de 25% à celles qui ont été avancées dans le rapport d'achèvement du projet qui concluait à un taux de rentabilité effectif négatif estimé à -5,7%.

Principaux problèmes rencontrés

La principale manifestation de l'échec du projet est constituée par l'arrêt de l'exploitation. Les raisons communément invoquées par les groupements pour l'expliquer sont les suivantes:

  • aménagement défectueux ne permettant pas une irrigation satisfaisante;
  • panne du/des GMP;
  • endettement du groupement l'empêchant d'avoir accès à de nouveaux crédits, soit pour l'achat d'intrants, soit pour le renouvellement des GMP;
  • organisation insuffisante ne permettant pas de trouver des solutions collectives aux problèmes rencontrés.

Il ne fait pas de doute que ces difficultés ont été précipitées par la baisse brutale de la protection du riz, expression des politiques dé libéralisation des marchés et de désengagement de l'Etat. La protection du riz national contre les importations théoriquement de l'ordre de 60% fonctionne très mal et le riz mauritanien s'écoule très difficilement sur le marché. Une transition plus progressive aurait peut-être permis aux exploitants et à la SONADER de s'ajuster dans de meilleures conditions et de trouver des réponses aux causes profondes des déficiences constatées qui peuvent être énumérées comme suit:

  • défaut de conception des aménagements et choix des cultures qui prennent insuffisamment en compte la nature des sols. La riziculture sur les sols perméables alluvionnaires conduit à des consommation d'eau exagérées et les coûts d'exploitation qui en résultent sont trop élevés;
  • La construction des aménagements par la SONADER n'a pas été réalisée dans le respect des règles de l'art;
  • performance insuffisante de la production: les rendements de paddy (3,5 à 4 tonnes/ha) ne permettent pas d'assurer à la fois le complément alimentaire recherché, la couverture des charges d'exploitation et l'amortissement des investissements. Cette performance insuffisante, aggravée par la taille exiguë des parcelles, s'explique par le fait que, contrairement à ce qu'avaient prévu les concepteurs du projet, les exploitants ne réalisent généralement qu'une seule récolte;
  • insuffisance également dans la maîtrise par les exploitants des techniques de production utilisées et dans la maîtrise de l'irrigation à la parcelle traduisant à la fois des difficultés dans l'accès aux facteurs de production mais surtout une insuffisance de formation technique et une mauvaise adaptation du système de vulgarisation trop strictement thématique. L'affectation des ressources du projet semble dans ce domaine avoir été largement déséquilibrée au profit de l'aménagement;
  • limitation statutaire du rôle des coopératives incompatible avec leur rôle d'intervenant unique. Une refonte du système qui favoriserait l'émergence de groupes à statut moins contraignant, centrés autour d'une activité économique commune (GIE) serait à promouvoir.
  • formation insuffisante des groupements, en ce qui concerne d'une part l'entretien des aménagements et des équipements et, d'autre part, la gestion des périmètres. La formation à la gestion a été centrée sur des aspects formels d'organisation (composition du bureau, statuts et règlement intérieur, existence de documents) plutôt que sur la maîtrise de la dimension économique (compte d'exploitation, redevance, amortissement, approvisionnement et commercialisation);

Ces causes font que, même en situation normale, les cultivateurs sont obligés d'avoir recours à d'autres sources de revenu - en particulier les transferts des émigrés - pour assurer l'équilibre de l'exploitation. Les ressources complémentaires sont mobilisées dans la mesure exacte du crédit à rembourser, sans qu'il soit constitué de provision pour les imprévus ni d'amortissement. Lorsque le groupement doit en outre faire face à un événement imprévu tel que la panne d'un GMP ou la dégradation du périmètre, la limitation des ressources disponibles et l'absence de "coussin de sécurité" empêche de pouvoir y faire face. C'est alors que survient généralement l'arrêt de l'exploitation, l'impossibilité de rembourser le crédit et la fermeture de l'accès à ce moyen de financement.

Même dans ce contexte difficile, les villageois restent cependant convaincus du rôle important que joue le périmètre dans l'ensemble de l'exploitation et des activités économiques des familles, particulièrement dans les années à faible pluviométrie. En témoignent d'une part leurs efforts pour mobiliser des sources de revenus complémentaires et, d'autre part, même dans les périmètres qui n'ont connu qu'une durée de production limitée, voire nulle, l'espoir toujours vivace de pouvoir un jour redémarrer l'exploitation.

 Recommandations et leçons à tirer

Contrairement aux grandes exploitations privées qui se développent dans le Trarza, ou aux grands périmètres irrigués gérés par l'Etat, la petite irrigation se trouve en concurrence, en termes d'investissement de temps et d'argent, avec les cultures traditionnelles, l'élevage, l'émigration et d'autres activités d'appoint. L'intérêt réel des populations pour la formule des PPI résulte de la comparaison entre les bénéfices et les risques liés à ces différentes possibilités.

Il ne suffit pas en effet qu'un projet réponde à des problèmes ou des objectifs de politique nationale. Il faut aussi qu'il soit compatible avec les stratégies des acteurs locaux, c'est à dire avec les objectifs des exploitants agricoles, leurs moyens et aptitudes, ainsi qu'avec les ressources et les contraintes liées à leur environnement immédiat. D'où l'importance pour les concepteurs de projet de mieux connaître le milieu d'intervention et la nécessité pour eux d'évaluer plus justement les sources alternatives de revenus dont disposent les bénéficiaires potentiels.

La stratégie de développement de la vallée du fleuve pour les dix prochaines années est décrite dans le Programme de développement intégré de l'agriculture irriguée en Mauritanie (PDIAIM). Le PDIAIM n'identifie pas à proprement parler de projets, mais définit des orientations qui mettent l'accent sur la diversification de l'agriculture irriguée, la régularisation foncière et sur la priorité à la réhabilitation des aménagements qui peuvent être viabilisés, excluant la possibilité de financer de nouveaux aménagements pendant les 5 premières années.

A la lumière de l'expérience du projet, la position du PDIAIM de marquer une pause dans le financement des aménagements nouveaux semble pleinement justifiée. Il faut bien admettre en effet que l'arrêt de l'irrigation dans de nombreux périmètres est une décision logique et économiquement justifiée au niveau actuel de productivité et des prix de marché. De même on note que le PDIAIM se démarque a juste titre des approches de développement trop sectorielles qui ont caractérisé les politiques d'aménagement de la vallée du fleuve Sénégal au cours des deux dernières décennies.

Si le PDIAIM est clair quant à ce que l'on doit éviter, il est beaucoup moins précis quant aux objectifs de développement et au contenu des programmes futurs et aux stratégies qu'il convient de mettre en oeuvre à l'échelle des projets. Les orientations du PDIAIM comportent également un risque important de marginalisation de la plus grande partie de la population, dans la mesure où il n'est envisagé qu'un financement privé des réhabilitations, s'appuyant sur un crédit dont la viabilité reste problématique. Or l'Etat ne peut rester indifférent aux conséquences qu'auraient à terme la poursuite des tendances actuelles: concentration et individualisation de la propriété de la terre; exode rural; régression de la petite agriculture vers une agriculture strictement de subsistance et à temps partiel.

Dans le cadre de son programme spécial de sécurité alimentaire, la FAO a lancé un projet pilote visant à démontrer la possibilité d'atteindre des rendements de 6 à 7 tonnes par hectare en s'appuyant sur les acquis de la recherche agricole et en mettant en oeuvre des méthodes de vulgarisation participatives. Ces méthodes visent à aider les agriculteurs à choisir parmi les innovations techniques celles qui sont le plus compatibles avec les contraintes particulières de chaque système d'exploitation. Ces efforts devaient faire l'objet d'un intérêt particulier de la part du FIDA eu égard à l'importance des contraintes techniques.

Dans une perspective de lutte contre la pauvreté, l'action future du FIDA - si elle devait se poursuivre dans la région du fleuve - devrait poser en outre le principe d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités aussi bien en ce qui concerne la programmation des actions de développement que leur financement. Les approches de gestions participative des terroirs paraissent particulièrement recommandées à cet effet, la région du Guidimaka apparaissant comme le cadre géographique le plus approprié pour les mettre en oeuvre.

Il conviendrait en outre d'affiner cette stratégie village par village en tenant compte des aménagements existants, de leur état, des sites disponibles, de l'évolution probable des cultures de décrue sur leur terroir, de leur importance dans le système de production, et surtout de la volonté, exprimée par les communautés villageoises et matérialisée par un engagement financier.

Ainsi apparaissent quelques orientations majeures:

  • ne pas considérer l'aménagement de petits périmètres irrigués comme une fin en soi, mais plutôt comme une composante, certes importante mais non exclusive, d'un ensemble plus complexe d'aménagement et gestion de terroirs villageois identifiés et conduits avec la participation de la population/;
  • mettre en place un système de formation visant à mettre les groupements en mesure de gérer leurs périmètres, au-delà du simple formalisme de la tenue d'assemblées ou de livres réglementaires;
  • mettre en place un système adapté de formation technique et de vulgarisation;
  • développer la capacité des communautés villageoises à identifier, programmer et mettre en oeuvre l'aménagement et la gestion de leur terroir, prenant en compte l'ensemble des activités existantes ou à promouvoir, y compris l'amélioration de l'agriculture de décrue et l'intégration agriculture-élevage;
  • mettre en oeuvre les moyens d'appui nécessaires à la réalisation de ces programmes de développement des terroirs villageois;
  • développer des systèmes de financement appropriés aux besoins et aux capacités des systèmes de production et des communautés villageoises;

La mise en application des orientations proposées ci-dessous implique en particulier que les projets futurs accordent une part substantielle de leurs budgets à la création des capacités institutionnelles requises tout en développement des relais à l'intervention de l'Etat dans tous ces domaines.

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