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Rwanda Country Programme Evaluation (2006)

15 juillet 2006

Raison d'être et méthodologie d'évaluation1

De 1981 à 2004, le Gouvernement du Rwanda a contracté dix prêts auprès du Fonds international de développement agricole (FIDA), pour un montant total de 120 millions de USD (189 millions de USD en incluant les cofinancements et fonds de contrepartie), ce qui représente 4% du portefeuille de prêt du FIDA pour la région Afrique de l'Est et du Sud, et 1% de l'ensemble des prêts approuvés par le FIDA pour cette période. Une première stratégie de pays pour la coopération entre le FIDA et le Rwanda (COSOP – Country Strategic Opportunities Paper) date de 1999, et une deuxième de 2002. Le Rwanda et le FIDA ont convenu que la stratégie de pays doit maintenant être révisée en 2005.

Dans cette optique, pour faire suite à ses consultations avec la Division pour l'Afrique australe, le Bureau d'évaluation du FIDA a décidé d'entreprendre l'évaluation de ce programme-pays. La raison d'être de cette évaluation est, d'une part, d'alimenter la révision du COSOP et, d'autre part, de dresser un bilan des résultats et des impacts des opérations du programme pendant les dix dernières années. L'évaluation comporte trois niveaux d'analyse: i) une analyse stratégique du programme; ii) une analyse opérationnelle du portefeuille; et iii) une analyse thématique. Le processus d'évaluation est essentiellement bâti autour de trois (3) méthodes de collecte d'information pour en assurer la triangulation au moment de l'analyse: i) la revue documentaire, y compris les auto-évaluations par les projets; ii) les entretiens et discussions avec les acteurs clés impliqués dans les projets supportés par le FIDA ou le développement du secteur rural au Rwanda; et, iii) l'observation directe sur le terrain. Il ne s'agit pas d'une évaluation de projets, mais bien d'une évaluation de programme qui s'informe entre autres de l'analyse des actions sur le terrain pour nourrir une analyse globale de la performance du programme.

L'évaluation couvre le programme du FIDA au Rwanda pour la période 1994-2005. Le choix de cette période se justifiait sur la base de plusieurs critères, notamment: l'envergure limitée des activités sous le programme FIDA avant 1996 au vu de l'historique du portefeuille; le besoin de prendre en considération la période génocide et postgénocide (donc à partir de 1994) dans le cadre de l'évaluation pour en tirer les leçons pour le FIDA; et finalement, par souci de couvrir une période de temps en adéquation avec les moyens disponibles pour cette évaluation. Il faut mentionner le contexte particulièrement difficile que le pays et la gestion du programme ont traversé au cours de cette période de conflit et postconflit jusqu'en 1998. Cela, bien sûr, a des répercussions sur l'analyse, qui a été prise en compte par l'équipe d'évaluation.

Contexte national

Avec un PNB par habitant de 210 USD en 1993, le Rwanda se rangeait dans la catégorie des pays les plus pauvres du monde. Le génocide de 1994 et les violences, qui s'en sont suivi, ont entraîné de lourdes pertes en vies humaines et la destruction d'importantes capacités productives faisant chuter de plus de moitié le produit intérieur brut (PIB) et poussant trois Rwandais sur quatre sous le seuil de la pauvreté. Les pertes de vie et les déplacements massifs de population qui ont marqué cette période ont affecté la composition et la structure même des ménages. Au sortir du génocide, la population féminine au Rwanda comptait pour plus des deux tiers (environ 70%) et la majorité des ménages étaient dirigés par des femmes. Même si la situation démographique est en bonne voie de rééquilibrage, plusieurs séquelles de ces changements se font encore sentir aujourd'hui comme le haut taux de ménages (près du tiers) dirigés par des veuves.

Une population traumatisée et fortement appauvrie, un processus de justice du génocide complexe de même que les exigences de la transition vers la démocratie sont autant de défis qui posent des difficultés au Rwanda. À ces problèmes se greffent ceux à caractère structurel datant de plusieurs décennies comme l'insécurité foncière et une forte pression démographique sur la terre (avec une densité de 325 habitants au km2, la plus forte d'Afrique), des famines et des sécheresses cycliques, une discrimination pratiquée à l'encontre des femmes en tant que productrices et citoyennes, et l'enclavement du pays.

Par rapport à ces défis et malgré une marge de manœuvre très étroite, le gouvernement a commencé à aborder les enjeux de croissance à plus long terme par l'adoption de politiques favorisant un environnement plus propice au développement, notamment en matière de décentralisation, de droit foncier et de libéralisation de l'économie.

La pauvreté au Rwanda est d'abord et avant tout rurale, la population de ces zones étant trois fois plus affectée que celle des milieux urbains. La maîtrise du secteur agricole s'avère donc cruciale, du moins à court et moyen terme, pour en assurer le développement, ce que confirme la stratégie de réduction de la pauvreté qui en fait le premier moteur de croissance. La stratégie mise sur la modernisation du secteur agricole, avec le passage à une agriculture intensive et tournée vers l'exportation de produits agricoles diversifiés. À cet effet, les autorités gouvernementales ont dernièrement élaboré un document de politique agricole. Cette politique soutient l'intégration du genre dans toutes les activités agricoles et celles de transformations pour l'amélioration des conditions de vie des populations rurales. La mise en œuvre de cette politique devra pour son aboutissement inclure le renforcement des capacités à tous les niveaux et la coordination des interventions pour satisfaire et relever certains défis dont l'insécurité alimentaire et nutritionnelle des Rwandais.

Analyse stratégique

Avec le premier COSOP en 1999, tout en s'attachant tout particulièrement à l'agriculture, le FIDA visait dans ses interventions à appuyer les stratégies globales des ruraux pauvres et, en particulier, à encourager les activités productives des petits exploitants. L'approche du FIDA consistait à aider les petits exploitants à se faire une place viable dans l'agriculture commerciale, en utilisant l'agriculture non seulement pour assurer leur sécurité alimentaire, mais également pour accroître leurs revenus et leur épargne. La dernière stratégie de pays, datant de 2002, intègre bien les leçons du COSOP de 1999. 2 Elle est également en ligne avec le Cadre de l'aide au développement des Nations Unies pour le Rwanda 2002-2006, le Cadre stratégique du FIDA 2002-2006, et les directions stratégiques régionales du FIDA de 2001. On constate par ailleurs l'amélioration dans l'analyse proposée dans le COSOP de 2002 par rapport à 1999. Le COSOP de 2002 a attendu comme objectif et impact principal une réduction de la pauvreté rurale dans les régions géographiques couvertes par les projets FIDA par le biais de la participation effective des ménages ruraux pauvres à des activités de développement institutionnel, économique et humain durable. Il met l'accent sur trois axes: le développement institutionnel, l'amélioration des revenus et une meilleure synergie entre les projets du FIDA. La nouvelle culture de la prise en charge prônée par le FIDA l'amène à faire référence à des « partenaires du développement » au lieu de bénéficiaires. Le programme pour la période revue, tel qu'il a été proposé dans le COSOP de 2002, couvre essentiellement en pratique l'ensemble du pays, avec, dans les dernières années, une emphase plus importante sur les régions considérées comme étant pauvres (Gikongoro, Kibuye, Butare, et finalement l'Umutara, considérés comme mal nantis au chapitre de la faiblesse des infrastructures et des services sociaux). Les partenaires nationaux principaux sous le programme ont inclus en particulier le MINAGRI, MINALOC, MINICOM, MINECOFIN, MIGEPROFE et MINISANTÉ. Les partenaires stratégiques clés pour la période couverte ont inclus la BADEA, la BAfD, le FBS, l'OPEP, et la Coopération suisse, de même que certaines ONG internationales. Le programme a pris la forme de prêts avec, dans certains cas, le cofinancement sous forme de prêts ou de dons par les partenaires stratégiques mentionnés ci-dessus, à l'exception notable du programme de réhabilitation des réfugiés rwandais, entièrement sous forme de don FIDA.

La cohérence interne entre les objectifs des COSOP et du portefeuille ne fait pas de doute. Cependant, la cohérence et les synergies au sein du portefeuille se limitent dans une large mesure à un exercice de planification. Sur le terrain, les synergies réelles entre les projets revus sont quasi inexistantes. Il n'y a pas réellement d'approche programme sectorielle à la conception des projets sous le COSOP, chaque projet étant essentiellement conçu comme une intervention indépendante, dans un mode gestion projet. Cependant, force est de reconnaître qu'avec la venue du projet d'appui au PSTA, une certaine dynamique d'approche-programme prend lentement forme, incluant un dialogue avec d'autres bailleurs de fonds dans le cadre de cet appui, qui touche le niveau politique national et le niveau pratique local. Il reste à espérer que le processus de préparation du prochain COSOP permettra l'analyse approfondie nécessaire pour bien cibler les niches d'intervention du FIDA dans le cadre d'un appui au secteur agricole.

Sous le COSOP de 2002, en ce qui a trait au dialogue à venir sur les politiques, les thèmes suivants étaient mentionnés: la mise en œuvre de la politique de décentralisation, en particulier en ce qui a trait au rôle que les communautés rurales et les groupes de pauvres pourront jouer aux différents niveaux de gouvernement local; un dialogue politique accru sur l`approche aux services agricoles à travers tout le pays; à travers le développement du marché du financement rural, le dialogue devait aussi être établi à ce niveau avec le gouvernement et la Banque centrale sur les « règles du jeu » à appliquer. Le potentiel pour un dialogue politique sur la balance des paiements et des exportations (à travers le projet PDCRE) était aussi souligné. De plus, l'emphase sur la dimension genre et les leçons apprises du projet en Umutara étaient aussi attendues. Finalement, un dialogue sur la décentralisation fiscale visant à augmenter les revenus des administrations de districts était aussi mentionné. Si les activités de terrain des projets sont vus par le FIDA comme une forme de contribution au dialogue politique au niveau micro en eux-mêmes, on pourrait dire que les divers thèmes prévus pour le dialogue des politiques sous le COSOP de 1999, puis sous celui de 2002 (présentés au chapitre précédent) ont de fait été couverts par le programme FIDA pour la période revue. Cependant, si le dialogue sur les politiques se réfère au processus plus large et continu de dialogue entre le FIDA et le gouvernement sur le contenu des politiques et les priorités du Rwanda dans le but d'influencer ces politiques - ce qui est normalement entendu par cette expression - les évidences qu'un tel dialogue existe demeurent très limitées pour la période couverte pour cette évaluation sous tous les thèmes évoqués. En effet, de l'avis de l'équipe d'évaluation, mis à part les efforts récents dans le cadre du PSTA, le dialogue politique n'a pas été, jusqu'à présent, la force du FIDA dans ses actions au Rwanda.

Sur le plan des partenariats stratégiques, le COSOP de 1999 mentionnait explicitement des partenariats planifiés avec la Banque mondiale pour la coordination, et possiblement le partage des coûts sous le projet Umutara à venir. Il mentionnait aussi le Fonds de développement de l'OPEP comme partenaire dans ce même projet. Des partenariats avec le FSB étaient aussi entrevus pour le futur dans le domaine des actions communautaires. Des avenues de collaboration prometteuse avec quelques agences des Nations Unies travaillant déjà au Rwanda étaient aussi mentionnées, en particulier en ce qui a trait aux activités génératrices de revenus pour les populations rurales, de même qu'aux actions de conservation, aux actions dans le domaine de l'eau et sur les questions sociales étant reliées à ce dernier domaine. Finalement, l'implication des ONG et autres organisations de la société civile dans des projets était aussi mentionnée. Le COSOP de 2002, quant à lui, ajoutait à cette liste la possibilité de partenariats avec la Banque mondiale dans la recherche agricole, avec le PNUD dans le domaine de la bonne gouvernance et la décentralisation, avec l`OPEP pour les infrastructures de base et possiblement avec la BADEA pour la réhabilitation et/ou le développement du secteur des cultures d'exportation, avec un accent particulier sur le café et le thé. Un certain nombre de ces partenariats se sont de fait matérialisés et sont discutés plus bas. Cependant, les partenariats entrevus avec la Banque mondiale et les agences des Nations Unies ne se sont pas réalisés comme prévu. Dans le cas de la Banque, cela serait dû en partie à son arrivée tardive dans le secteur rural. Les entretiens ont aussi fait ressortir le manque général de pro-activité du FIDA au Rwanda dans ce dialogue stratégique, jusqu'à tout récemment. Par ailleurs, il ressort de l'évaluation qu'il y a généralement place à amélioration dans la gestion des partenariats stratégiques du FIDA sur le plan de la communication et de la coordination.

Sur le plan de l`apprentissage organisationnel, il est clair qu'au niveau stratégique le FIDA pourrait faire mieux. Cependant, on notera que la capacité à distiller et intégrer ses leçons reste contrainte par un certain nombre de facteurs pour le programme Rwanda. On notera en particulier: i) l'absence de système de suivi limitant les rétroactions (feed-back); ii) l'absence d'approche programme qui limite d'autant les synergies et échanges entre projets FIDA et avec les projets des autres bailleurs de fonds dans des domaines et/ou régions similaires; et finalement, iii) la distance du FIDA par rapport à l'exécution qui limite l'échange d'information dans les deux sens (du FIDA aux projets et des projets au FIDA). Ces contraintes expliquent en partie le nombre limité d'innovations qui ont été reproduites et la prise en compte trop limitée des leçons du PRRR dans le développement de la programmation postconflit du FIDA au Rwanda. On aurait en particulier espéré voir se refléter les leçons en termes de ciblage ajusté aux changements dans la population rurale suite au conflit et ajusté aux nouvelles dynamiques sociales. Ces facteurs expliquent peut-être aussi en partie pourquoi le FIDA ne se distingue pas en termes d'innovation des technologies productives adaptées aux femmes, n'étant pas doté de mécanismes pour lui permettre d'échanger facilement avec d'autres acteurs au Rwanda ou ailleurs sur leurs expériences dans ce domaine. Cela dit, il est important de mentionner que le FIDA, bâtissant sur son expérience au Rwanda et ailleurs, est en train de développer une politique pour guider ses interventions futures dans les pays en situation de conflit ou touchés par des désastres naturels3 .

Globalement, on peut dire que le programme du FIDA dans son ensemble, au plan stratégique, fait preuve de pertinence en vue des priorités nationales et de la niche du FIDA retenue. On peut aussi conclure qu'il y a eu réduction de la pauvreté rurale par le biais des actions du programme dans les zones d'intervention, en particulier aux vues du contexte d'après-guerre. Cela étant dit, dans la pratique, la revue du portefeuille met en lumière un certain nombre de contraintes qui ont limité les impacts du programme et la viabilité de ces impacts sur les ruraux pauvres.

Analyse opérationnelle

La coopération entre le Rwanda et le FIDA s'est concrétisée à travers dix prêts: Développement rural de Byumba (DRB-I, 1981), Projet de maïs dans le Birunga (PMB, 1984), Développement agricole de Gikongoro (PDAG, 1988), Développement rural de Byumba - Phase II (DRB-II, 1990), Projet de gestion des espaces ruraux du Buberuka (PGERB, 1992), Promotion des petites et des micro-entreprises rurales (PPPMER-I, 1996 et PPPMER-II, 2003), Développement des ressources communautaires et infrastructures de l'Umutara (PDRCIU, 2000 et Projet Jumeau, 2001), Développement des cultures de rente et d'exportation (PDCRE, 2002). Outre ces projets, il faut ajouter le Programme sociosanitaire (PSS), exécuté sur financement du Fonds belge de survie, et le Programme de réhabilitation des réfugiés rwandais (PRRR) réalisé entièrement sous forme de don en cofinancement avec la Suisse et l'OPEP, dans la foulée des actions humanitaires de l'après-génocide. Les projets, en cours en 1994, ont été arrêtés, puis reformulés en 1996

La mission relève la pertinence de tous les projets durant la période couverte par l'évaluation par rapport aux besoins et capacités du milieu, et observe que le programme a cherché et, dans une certaine mesure, réussi à s'adapter à l'évolution des contraintes et atouts de son environnement extérieur. Elle note aussi que les documents de conception des projets ont, avec le temps, accordé de plus en plus d'importance à la participation directe des bénéficiaires et au renforcement de leurs organisations, éléments jugés être des contributions positives au cheminement des sociétés en situation postconflictuelle.

Les projets connaissent par ailleurs des difficultés de mise en oeuvre qui affectent leur efficacité et leur efficience. Sur le plan des impacts, ils enregistrent une assez bonne performance pour les critères en lien avec les aspects techniques ou la capacitation technique des ménages. Leur performance est moindre lorsqu'il s'agit du renforcement des capacités des ressources humaines ou du développement de structures collectives ou institutionnelles. Au niveau des facteurs transcendants, les projets sont plutôt peu performants, particulièrement en matière de genre et en termes de durabilité.

 

Finalement, l'équipe d'évaluation constate que, dans leur formulation, les projets ont de manière implicite considéré que les besoins des femmes, en tant que productrices agricoles ou en tant qu'opératrices économiques, ne se différenciaient pas de ceux des hommes. Cette non prise en compte de la problématique du genre lors de la formulation des projets n'a pas été compensée au moment de leur exécution. En conséquence, les projets ont engendré peu d'effets ou d'impacts spécifiques quant à l'habilitation des femmes participantes et n'ont donc pas contribué à la levée de leurs contraintes dans leurs activités productives ou au sein des structures associatives.

Sur la base des informations obtenues de la lecture des documents de projets, des échanges avec les membres des unités de gestion, des rencontres avec les autorités nationales, provinciales et locales, des discussions avec des partenaires d'exécution, des interviews avec des groupes de bénéficiaires et des constats de visu faits lors des visites de sites, les membres de l'équipe de mission ont préparé une évaluation globale de la performance des projets selon divers critères. Le tableau suivant présente cette synthèse d'évaluation.

Évaluation de la performance des projets

Critères

PRRR DRB-II PGERB PPPMER PDRCIU PDCRE
I. Performance du projet  

Pertinence

1
3
3
1
2
2

Efficacité

2
4
3
2
5
3

Efficience

2
4
3
2
5
3
 

II. Impact

 

Actifs physiques et financiers

2
3
3
2
4
N/A

Actifs humains des ménages

3
3
2
3
3
N/A
Capital social et capacités
4
4
4
3
4
N/A
Sécurité alimentaire des ménages
2
2
2
3
4
N/A
Environnement
N/A
2
2
4
2
N/A
Institutions et politiques
3
4
4
4
3
N/A
 
III. Facteurs transcendants
 
Innovation
N/A
3
3
2
3
N/A
Reproductibilité
N/A
3
3
3
4
N/A
Durabilité
3
5
4
3
5
4
Genre
2
4
4
3
5
2
 

Note: L'échelle de notation est de: 1 pour très satisfaisant, 2 pour satisfaisant, 3 pour peu satisfaisant, 4 pour modérément insatisfaisant, 5 pour insatisfaisant et 6 pour très insatisfaisant. « n.a. » indique que le critère ne peut s'appliquer.

Analyse postconflit

La stratégie du FIDA au Rwanda à la suite du génocide survenu en avril 1994 se compare à celle adoptée par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, deux autres agences multilatérales présentes dans le pays avant 1994. Pour la période d'urgence et de reconstruction, soit de 1995 à 1999, avec des décaissements de l'ordre de 24 millions de USD, le FIDA s'est classé 10e parmi les multilatéraux. Neuf bailleurs bilatéraux ont aussi enregistré des décaissements supérieurs au FIDA pour la même période.

Pour la période couverte par l'évaluation du programme au Rwanda, le projet PRRR est le seul projet qui a été conçu en réponse directe avec la situation qui prévalait au lendemain du génocide. Le FIDA a peu tenu compte, dans son approche de planification et d'exécution pour les projets qui ont suivi, de la situation héritée de la guerre et du génocide et ses conséquences au plan sociétal (notamment en termes de problèmes d'insécurité foncière et des changements survenus dans les rôles de genre dans les secteurs de l'agriculture et de l'élevage dû aux changements dans la structure et la composition des ménages après le génocide). Par ailleurs, les projets du FIDA (tant reformulés que nouveaux) ont essentiellement eu une gestion axée sur les activités ou extrants et non sur les effets de ces activités au niveau du développement. Il en résulte que sur le plan de l'exécution, les gestionnaires ont surtout focalisé sur des réalisations physiques, au lieu de se préoccuper des résultats et effets sur les populations, de leurs interventions. Dans ce cadre de gestion, les projets ne sont pas naturellement enclins à être attentifs à l'importance de mesurer les conséquences de leurs actions en termes d'inclusion de l'ensemble des différentes catégories sociales de pauvres et de vulnérables dont plusieurs découlent directement des séquelles du conflit.

Une approche de gestion des conflits ne se situe pas seulement dans la période immédiate de l'après-conflit, mais doit s'inscrire dans une perspective de long terme. Une approche centrée sur une compréhension holistique des réalités sociales et économiques des sociétés, affectées par les conséquences d'un conflit, ainsi que des stratégies, orientées vers l'établissement d'un environnement propice au développement du tissu social, sont des éléments clés pour des interventions de développement voulant s'inscrire dans le processus d'instauration d'une paix durable.

Analyse thématique

Sur le plan de la première thématique retenue, la participation des bénéficiaires et l'animation rurale, la situation ressortant pour les projets du FIDA est que la participation de la population s'est surtout limitée au fait d'être informée sans implication effective de leur part dans les décisions de gestion. Cela vise à ce que le prochain programme FIDA au Rwanda mette un accent particulier à l'encouragement de la participation des bénéficiaires, en vue d'obtenir des résultats quantitativement et qualitativement observables. Cela requerra un effort conjoint et pondéré de la population, des agents de projets et des divers échelons d'autorités locales. Pour ce faire, le développement de compétences individuelles et collectives en termes de capacités d'appréhension des besoins spécifiques s'avère opportun et préalable aux différentes méthodes d'animation rurale.

Sur le plan de la deuxième thématique retenue, les modalités de ciblage des bénéficiaires, en définitive, les projets du FIDA montrent une préoccupation manifeste pour rejoindre les populations pauvres, principale clientèle cible de cette institution. Quoiqu'ils n'appliquent pas systématiquement de technique de ciblage des pauvres, il apparaît que leurs modes de gestion et d'identification des groupes de bénéficiaires permettent aux ménages pauvres de participer et de profiter de ces interventions, quoique les données produites jusqu'à présent par les projets ne permettent pas d'en quantifier l'importance relative parmi l'ensemble de leurs bénéficiaires. Pour assurer l'à-propos et l'efficacité de ces interventions auprès des clientèles pauvres, le FIDA devrait exiger de ses projets qu'ils appliquent rigoureusement ses mécanismes de suivi-évaluation, lesquels incluent un certain nombre d'indicateurs liés à la pauvreté (comme les actifs physiques des ménages, les actifs financiers des ménages, l'accès des ménages à divers services de base, le statut nutritionnel des enfants). L'utilisation de ces indicateurs permettrait d'informer les projets durant leur exécution sur leur atteinte effective des groupes cibles qui avaient été identifiés au moment de leur conceptualisation et aussi de mesurer les progrès enregistrés par ces bénéficiaires pendant la durée du projet.

Sur le plan de la troisième thématique retenue, la décentralisation, on note qu'au Rwanda, le PDRCIU et son projet Jumeau sont les seuls projets du FIDA à réaliser des activités directement en appui à la mise en œuvre de la décentralisation. Le besoin urgent de développer les infrastructures de base pour viabiliser les communautés s'installant dans les nouveaux territoires ouverts pour accueillir les réfugiés de retour explique en grande partie cette particularité des deux projets. La relation des autres projets du FIDA avec la décentralisation en est principalement une redéfinition des partenariats, les autorités décentralisées devenant un interlocuteur additionnel pour eux. Cela vise à ce que le FIDA définisse avec le Gouvernement du Rwanda la place à accorder à ces nouvelles autorités dans les mécanismes de définition et de gestion de ses projets. Comme tous les projets du FIDA couvrent simultanément plusieurs districts, cela pourrait viser à ce que la programmation annuelle des projets, de même que le suivi-évaluation, se fasse dorénavant sur une base de district. Une telle approche permettrait un meilleur cadrage des activités des projets avec les plans de développement locaux (secteurs, cellules et district) et pourrait faciliter une participation plus directe, efficace et effective des bénéficiaires à leur gestion.

Constats et recommandations

L'analyse présentée dans le rapport d'évaluation a permis d'identifier un certain nombre de constats et pistes d'action pour le futur en vue d'améliorer la performance globale du programme du FIDA au Rwanda. Les constats et recommandations s'adressent aux différents partenaires clés dans le programme de coopération. Ils sont présentés dans le chapitre IX de ce rapport, en vue d'alimenter la réflexion qui s'amorce sur le développement du prochain COSOP du FIDA avec le Rwanda.

Un premier groupe de constats et recommandations identifient des contraintes et perspectives pour l'amélioration de la performance du programme du FIDA au Rwanda. Le rapport note en particulier: le besoin pour le FIDA de mettre en avant une gestion programme plutôt qu'une gestion projet avec tout ce que cela implique en termes d'approche de planification, de mise en œuvre, et de suivi; la nécessité pour le FIDA de clairement définir sa niche et de mettre davantage d'emphase, au-delà de la planification, dans la mise en œuvre de son programme sur les cibles prioritaires retenues; le besoin pour le FIDA d'augmenter sa contribution au niveau du dialogue politique; l'impératif pour le FIDA d'assurer une meilleure prise en compte de deux thèmes transversaux clés que sont le genre et la gestion des conflits dans son programme et ses projets; et le besoin de mettre davantage l'accent sur le renforcement des capacités de gestion et les stratégies de viabilité dans la planification des projets.

Un deuxième groupe de constats et recommandations concerne l'amélioration de la performance de gestion au niveau des opérations des projets surtout, et s'adresse à différents groupes de partenaires sous le programme. On note en particulier le besoin d'une clarification des rôles et d'une implication plus grande du FIDA dans la supervision et l'appui à la mise en œuvre de ses projets et de son programme; la nécessité d'améliorer le caractère participatif et l'appropriation des projets et de leurs résultats par les partenaires du FIDA, incluant les bénéficiaires ultimes sur le terrain; et, finalement, l'utilité de revoir, simplifier et harmoniser les procédures administratives et financières de gestion de projet.

 

1/ Cette mission d'évaluation de programme-pays s'est déroulée du 1er juin au 25 juin 2005. Elle consistait en une équipe de cinq consultants évaluateurs: Mme Myriam Gervais, politologue, M. Dieudonné Kabanda, économiste, M. André Rodrigue, économiste, M. Isaïe Ndahimana, agronome, et M. Alain Lafontaine, chef d'équipe, du Groupe-conseil Baastel ltée. M. Flemming Nichols, Chargé d'évaluation du FIDA, a également participé au démarrage de la mission et à sa conclusion.

 2/ Ces leçons sont décrites en détail dans le corps du rapport, au paragraphe 36.

 3/ La politique du FIDA en matière de prévention des crises et de redressement a été présentée au Conseil d'administration en septembre 2005.

 

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