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Tunisia Country Programme Evaluation

31 décembre 2002

Objectifs et methodologie de l'evaluation

A la demande du gouvernement tunisien, le FIDA a entrepris une évaluation de son programme de coopération avec la Tunisie. L'objectif global de l'évaluation est de dégager les leçons de l'expérience de vingt années de projets (1980-2002), en vue de fournir une contribution à la définition des futures orientations stratégiques du FIDA en Tunisie.

La première étape de l'évaluation a permis de préciser les objectifs de l'exercice ainsi que la méthodologie applicable. Lors d'une seconde étape, trois études préliminaires ont été entreprises, portant sur les groupes cible, les montages institutionnels et le modèle des projets de développement intégrés. Enfin, une mission d'évaluation a visité la Tunisie du 27 octobre au 21 novembre 2002. Elle s'est efforcée d'associer à ses travaux un ensemble représentatif de partenaires du programme, à travers notamment un atelier de démarrage à Tunis, des ateliers régionaux dans trois gouvernorats (Kairouan, Siliana et Zaghouan), et une réunion finale au cours de laquelle les conclusions et recommandations provisoires de la mission ont été présentées et discutées. A l’issue de l’évaluation, une Table ronde sera organisée afin de parvenir à l’Accord conclusif rappelant les recommandations adoptées par les partenaires ainsi que le suivi détaillé et les responsabilités relatives à la mise en oeuvre des actions de suivi.

Les analyses et appréciations de la mission ont été contraintes par la faiblesse des systèmes de suivi-évaluation des projets, qui ne disposent que de données sur les réalisations physiques, ainsi que par l'insuffisance des données relatives à l'impact des projets.

La cooperation du FIDA dans le contexte des politiques et du developpement de la tunisie

Le contexte économique et la réduction des inégalités. Au cours des vingt dernières années, le pays a connu une performance économique remarquable. Parallèlement, des efforts importants ont été engagés pour répartir les bénéfices de la croissance, et ont permis une réduction significative de la pauvreté. Toutefois, des disparités sensibles subsistent entre les régions urbanisées de la côte et les zones centrales défavorisées. Par ailleurs, à côté d'un noyau de population pauvre, vit une frange plus importante de populations vulnérables, comprenant notamment les analphabètes, les femmes employées dans le secteur informel et l'agriculture, et les petits exploitants de l'agriculture pluviale. L'augmentation de l'emploi et la réduction des disparités régionales restent ainsi parmi les principaux défis des années à venir et figurent parmi les objectifs prioritaires du dixième plan (2002-2006).

Evolution du secteur agricole. Les trente dernières années ont été marquées par une augmentation de 44% du nombre d'exploitations agricoles, et une croissance de 12% des petites exploitations, ce qui traduit vraisemblablement le morcellement des terres. Les petites exploitations, qui occupent les terres les plus marginales et les moins productives, font face à trois grands types de contraintes: la forte irrégularité pluviométrique, les difficultés d'accès à des moyens de financement, le morcellement des terres et le manque de titres de propriété.

Jusqu'en 1986, l'Etat a privilégié les denrées stratégiques dont l’importation grevait la balance des paiements, à travers une politique de subventions et de prise en charge de tous les services d'appui, dont les petites exploitations n'ont que faiblement profité. A partir de 1986, l’Etat entame une politique d’ajustement structurel. Les fonctions de production et d'appui sont réorganisées à travers la privatisation de l'essentiel des entreprises publiques, la promotion des organisations professionnelles, et la restructuration du Ministère de l'Agriculture. Le recentrage de l'action de l'Etat s'accompagne d'une régionalisation, visant une meilleure prise en compte des besoins des zones plus défavorisées de l’intérieur, avec la mise en place des Conseils régionaux, chargés notamment de l'élaboration de plans régionaux de développement et de plans d'aménagement du territoire, en 1989. Les programmes d’équipement des zones rurales sont renforcés, en vue d'améliorer les conditions de vie et de réduire les disparités régionales. Dans le secteur agricole, des stratégies sectorielles (conservation des ressources, développement des filières, consolidation des organisations professionnelles…) sont définies au niveau national et reçoivent une application dans le cadre régionalisé des Commissariats régionaux de Développement agricole (CRDA).

Le programme de coopération FIDA-Tunisie. Le programme du FIDA en Tunisie comprend neuf projets, pour une valeur totale de 289,85 millions de $EU, dont le FIDA a financé 114,7 millions de $EU, soit 39% du total, comme le montre le tableau 1 ci-après.

Tableau 1 - Projets cofinancés par le FIDA en Tunisie (millions $EU)
Projets Date entrée en vigueur Coût total Contribution
FIDA
Part FIDA/
coût total
Part gvt/
coût total
Autres
co-
financements
Projets clôturés
Kef et Siliana
Sidi Bouzid irrigué
Sidi Bouzid sec
Oued Mellegue
Sidi M'Hadheb



1981
1984
1986
1989
1992



45,9
16,3
13,3
31,4
37,2

19,0
7,3
6,0
12,0
11,9


42%
45%
45%
41%
32%

56%
47%
48%
38%
29%

PAM
-
PAM
BID
BID
Projets en cours
Kairouan
Siliana
Zaghouan

1995
1996
1999

28,2
41,7
33,6

12,1
11,2
16,1

43%
27%
48%

20%
20%
26%

BID
AFD
-
Projet approuvé
Tataouine

-

44,3

18,7

42%

37%

OPEP

Stratégies de développement du programme. Deux options stratégiques caractérisent l'ensemble du programme. La première option concerne le choix des régions et des populations les plus défavorisées, le long d'un axe centre-sud. La deuxième option concerne la concentration sur le secteur agricole et l'inscription des projets dans le droit fil des politiques sectorielles. Dans le premier document stratégique de 1992, l'accent est mis sur la conservation des ressources et l'augmentation de la productivité agricole et de l'élevage, mais la nécessité de développer les activités extra-agricoles pour créer des emplois et valoriser la production agricole est également soulignée. La deuxième stratégie (COSOP), en 1998, attribue l'effet mitigé des réalisations techniques notamment au manque d'implication des agriculteurs, au faible développement des organisations rurales. Il recommande de développer les approches participatives ainsi que l'équilibre hommes-femmes, de renforcer les services financiers ruraux et de promouvoir la gestion durable des ressources naturelles.

Dans ce contexte général, on peut distinguer trois générations de projets. Les projets de première génération (1981-1985) sont centrés le développement des activités productives. La participation des agriculteurs, la promotion des organisations paysannes, l'appui aux activités des femmes n'apparaissent pas. Les projets de deuxième génération (1988-1998) sont situés dans des zones plus dégradées et se réfèrent à l'approche de développement intégré, qui vise à mettre en œuvre des actions complémentaires de préservation des ressources naturelles, de développement de la productivité agricole et d'amélioration des infrastructures collectives. Ces projets sont néanmoins marqués par une prédominance des activités de conservation des ressources et de développement d'infrastructures productives collectives. Des composantes d'appui aux activités des femmes et de développement communautaire participatif apparaissent respectivement en 1989 et 1995, mais elles ne dépassent pas 4% du budget. Le projet Zaghouan (1998) annonce la troisième génération de projets, avec l'extension de l'approche participative à une part plus importante d'activités, ceux-ci restant toutefois largement semblables à ceux de la génération précédente. Le projet Tataouine (2002) s'inscrit dans cette veine, et propose une approche fondée sur le partenariat entre les acteurs locaux et la promotion des organisations rurales, avec trois niveaux d'intervention: la région, pour les investissements structurants, les terroirs agropastoraux, pour la gestion participative des ressources naturelles, et l'exploitation ou l'individu, à travers la promotion des filières et de micro-entreprises non-agricoles.

Bilan des principaux resultats

Les réalisations les plus importantes sont des investissements lourds: conservation des eaux et des sols, aménagements pastoraux, infrastructures diverses. Les mesures d'accompagnement en matière de crédit, de formations ou d'appui à la structuration sont restées beaucoup plus modestes, conformément d'ailleurs aux prévisions budgétaires. De façon générale, on note que les actions exécutées en régie par les services de l'Etat, sans participation ou avec une participation limitée des bénéficiaires (CES et améliorations des parcours collectifs), ont été réalisées à des taux supérieurs à 100%. En revanche, les composantes d'appui à l'agriculture et à l'élevage, qui reposaient sur le financement à crédit, ont connu de grosses difficultés d'exécution, en particulier dès le moment où le crédit a cessé d'être financé par les projets. En effet, diverses contraintes limitent l'accès au crédit des petits exploitants. Les composantes de développement communautaire et de promotion féminine, déjà marginales dans la conception des projets, ont connu de surcroît une mise en œuvre très réduite. Le tableau ci-après présente les principaux résultats.

Tableau 2 - Principaux résultats atteints par les projets
Types d'activites Unité
Total
Types d'activites Unité
Total
Conservation des ressources Infrast. Hydrauliques
CES Ha
170188
Citernes et puits unité 4430
Consolidation Ha
31753
Adductions d'eau km 87
Plantations forestières
Eclaircies forest.
Ha
Ha
3930
1540
Infrastructures routières
Aménagements pastoraux Pistes rurales km 285
Amélior. Parcours Ha
16957
Crédit   0
Plantations fourrag. Ha
12408
Clients unité 9092
Elevage Montant DT 15548742
Ptes infrastructures unité
781
Groupements
Acquisition bétail unité
2528
Tous types   183
Agriculture Formations
Intensif.cérealiculture Ha
47508
Jeunes filles   1431
Plantations arboric. Ha
44486
Autres types confondus   2025
Irrigation Ha
4007
     

Les zones d'intervention couvertes par le programme abritent un total de 452 275 personnes, parmi lesquelles les projets ciblent un total de 76 210 exploitations. Sur la base de données très approximatives, en raison de l'absence de données sur les effets dans les systèmes de suivi-évaluation, on peut estimer que 230 090 personnes ont été effectivement touchées par les projets cofinancées par le FIDA, soit près de 70 % des prévisions . Si l'on considère par ailleurs que 40% de ce total sont de petits exploitants pauvres, soit 92 000 personnes, on peut estimer que les projets cofinancés par le FIDA ont permis d'atteindre environ 20% de la population rurale pauvre telle qu'elle était évaluée en 1980, au moment où démarre le programme, ce qui constitue un résultat non négligeable. Cependant les données disponibles ne permettent pas d'apprécier la part des pauvres qui, ayant reçu un appui du programme, sont effectivement sortis de la pauvreté.

Impact et durabilite

Les approches mises en œuvre ont-elles permis d’atteindre les plus vulnérables et de faciliter leur intégration au tissu social et économique ? Le ciblage le long de l'axe central Nord-Sud a permis de concentrer les interventions sur les régions les plus défavorisées, affectées par une pluviométrie aléatoire et un environnement dégradé. En revanche, au sein de ces régions, le principal critère choisi pour cibler les groupes les plus pauvres, soit le critère de la superficie de l'exploitation, est peu adapté, en raison notamment du fait qu'il ne tient pas compte de la diversité des activités des exploitants ni de la fluctuation de la production agricole suivant l'aléa climatique. Il est aussi peu compatible avec la logique de sélection spatiale qui s'applique, par exemple, aux activités de conservation des ressources. En pratique cependant, dans les projets pour lesquels on dispose de données, les petits exploitants possédant moins de 10 ha ont, dans l'ensemble et en chiffres absolus, majoritairement bénéficié des investissements consentis. Si les projets ont contribué à la diminution de la pauvreté, ils ont eu moins de succès en ce qui concerne la réduction des inégalités. En effet, les exploitants de plus de 20 ha ont proportionnellement bénéficié plus que les autres des avantages de ces projets. Ainsi la part non négligeable d'exploitants de moins de 10 ha parmi les bénéficiaires des projets serait plutôt le reflet de la structuration existante du secteur agricole (et de la prépondérance des petits exploitants dans les régions visées), que l'effet du ciblage des projets. Trois projets (les deux projets Sidi Bouzid et Mellegue), s'ils n'ont pas appliqué le critère de superficie, n'en ont pas moins contribué à créer une dynamique globale de développement économique dans leurs zones d'intervention, qui a profité à toute la population, mais n'a pas eu d'effet sur la réduction des inégalités.

Quel a été l’impact des projets sur l’amélioration des conditions de vie des femmes et leur participation au développement ? Les activités spécialement réservées aux femmes n'ont touché qu'un petit nombre de bénéficiaires et ont eu un impact limité sur la génération de revenus. En revanche, les femmes ont bénéficié des investissements visant l'amélioration des conditions de vie (approvisionnement en eau potable, pistes) ou l'accroissement des revenus agricoles, mais au même titre que les autres membres de la famille. Cependant, les projets n'ont pas véritablement reflété le rôle croissant acquis par les femmes dans la conduite des exploitations et, de façon générale, les activités qui n'étaient pas réservées aux femmes n'ont pas tenu compte des spécificités propres à ces dernières. Si dans le projet Zaghouan, elles ont eu l'occasion de participer aux activités de programmation et d'acquérir ainsi un droit de parole nouveau, elles sont encore exclues ou largement minoritaires dans les organisations rurales formelles. Ces effets modestes des projets s'expliquent notamment par l'absence d'objectifs et de stratégies clairement définis en matière de genre et de promotion des femmes, mais aussi par l'accent mis par les projets sur les activités liées au foncier, auxquelles les femmes ont peu accès, la faible adhésion de l'environnement institutionnel, l'absence de formation des personnels des projets et des CRDA, et le manque d'intérêt accordé par la supervision, le suivi et l'évaluation des projets à ces questions.

Les approches participatives ont-elles permis de susciter des organisations rurales pérennes et des investissements durables ? Les approches participatives ont été mises en œuvre de façon réduite et ont eu un impact très modeste. Les projets ont par ailleurs accordé peu de place aux activités relatives à l'appui à l'organisation du monde rural et au développement des capacités, et se sont concentrés surtout sur les investissements physiques. Il en est résulté une motivation limitée des agriculteurs, qui se reflète sur la prise en charge réduite de la gestion et de l'entretien des investissements mis en œuvre, et sur la faiblesse du petit nombre de structures paysannes qui ont été créées. Ces carences sont dues à une conception des projets peu adaptée et à un environnement institutionnel peu favorable à ces approches, mais aussi au fait que la mise en œuvre des projets a été centrée sur l'exécution des stratégies sectorielles définies par l'administration et sur les réalisations physiques. Cependant, cette expérience, même limitée, a permis d'initier des mécanismes nouveaux de concertation directe entre l'administration et les agriculteurs, à la satisfaction des deux parties.

Les projets ont-ils su s’adapter aux contraintes des zones à faible pluviométrie ? Les projets ont contribué à réduire l'impact de la sécheresse sur les productions et les revenus des exploitants en adoptant une approche préventive, c'est-à-dire en mettant en place des moyens nouveaux visant à adapter l'agriculture en vue de la sécheresse: développement de l'arboriculture rustique, aménagements hydro-agricoles et, massivement à partir de 1989, conservation des sols et des eaux et améliorations pastorales. Divers facteurs ont limité les effets attendus des investissements consentis, notamment la faible prise en compte des stratégies paysannes et la participation réduite des exploitants à la recherche de solutions adaptées, l'insuffisance des programmes de recherche-développement, la limitation de l'appui direct aux exploitations à partir de la deuxième génération de projets et les difficultés d'accès au crédit bancaire.

Les projets ont-ils pu générer des dynamiques de développement économique durables ? L'injection de flux financiers importants, centrés sur les secteurs productifs et les exploitations, a favorisé une certaine dynamisation des économies locales jusqu'au projet Mellegue. Les zones des projets ont également connu une stabilisation de la population, grâce non seulement au développement d'activités productives et à l'accroissement des revenus, mais aussi avec l'amélioration des infrastructures (routes, accès à l'eau potable). Dans les projets plus récents, l'émergence d'une dynamique économique durable est moins visible, en raison du caractère plus dégradé de ces régions et de la prépondérance accordée aux aménagements de protection des ressources au détriment des activités productives. De façon générale, les projets n'ont cependant pas cherché à développer de nouveaux créneaux, qui soient plus adaptés aux divers potentiels des zones d'intervention et porteurs de plus fortes valeurs ajoutées, pas plus qu'ils n'ont soutenu les activités para ou extra-agricoles, alors que celles-ci constituent un élément essentiel des stratégies paysannes. L'accompagnement des producteurs, pour leur faciliter l'accès au crédit ou pour les aider à monter leurs projets économiques, a également fait défaut. Une expérience intéressante initiée à Siliana a toutefois montré le potentiel recelé par une démarche fondée sur l'accompagnement des initiatives locales.

L’approche de développement agricole intégré constitue-t-elle un modèle approprié pour atteindre les objectifs des projets cofinancés par le FIDA ? Visant à la fois l’amélioration des conditions de vie et de revenus de la population rurale et, à plus long terme, la préservation et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, cette approche est potentiellement adaptée à l'environnement dégradé et aux conditions de vie difficiles des zones d'intervention du FIDA. En réalité elle n'a pu véritablement être mise en œuvre, en raison notamment de la prépondérance des activités collectives centrées sur la conservation des ressources et infrastructures, au détriment des activités d'appui à la production menées sur les exploitations. Ce déséquilibre a été accentué par les difficultés d'accès au crédit, qui aurait dû assurer le financement de la majeure partie des activités productives. En outre, alors que la programmation des interventions était faite sur une base strictement sectorielle, les projets n'ont pas développé de stratégies vraiment intégrées qui puissent les articuler au sein d'un cadre cohérent, et aucun mécanisme de concertation ou d’intégration entre les différents départements sectoriels n'a été mis en place au sein des CRDA.

Organisation et gestion: comment les montages institutionnels et les modalites d'execution des projets ont-ils affecte leur performance ?

L'adaptation des montages organisationnels des projets à l'évolution institutionnelle du secteur agricole, et l'incorporation croissante des unités de projet aux CRDA ont permis d'atteindre des taux de réalisation très positifs pour les activités bien connues des arrondissements techniques, telles la conservation des ressources et les aménagements pastoraux. Les mesures d'appui institutionnel ont par ailleurs directement contribué au renforcement des CRDA et à l'élargissement du dispositif de vulgarisation. Les formations, et même, dans une certaine mesure, l'introduction d'approches nouvelles, par exemple en matière de planification participative, ont certainement développé les compétences et l'intérêt des cadres impliqués. Cependant, des difficultés tenant aussi bien à la conception des montages qu'à leur mise en œuvre, ont limité la performance des projets, notamment en ce qui concerne les activités les plus innovatrices et leur appropriation par les CRDA. Ces difficultés sont liées à l'absence de mécanismes de capitalisation des innovations au sein des projets comme des CRDA, mais aussi à l'insuffisance du personnel, due notamment à l'absence d'analyse institutionnelle suffisante au stade de la conception. Par ailleurs, alors que les objectifs des projets s'inscrivent de plus en plus dans des problématiques dépassant le simple cadre du développement agricole, les montages sont faiblement intégrés dans le dispositif régional. Les ONG, auxquelles les projets ont fait appel pour la mise en œuvre de certains aspects du développement participatif, ont souffert d'un statut légal peu adapté, d'un rôle insuffisamment clarifié et d'une attitude réservée de l'administration. Enfin, les projets ont manqué d'accompagnement méthodologique, en particulier pour les appuyer dans l'introduction des approches nouvelles.

Les systèmes de suivi-évaluation ont été centrés uniquement sur les réalisations physiques et l'exécution budgétaire et n'ont pas impliqué les acteurs auxquels s'adressent les approches participatives et la plupart des réalisations des projets. La supervision, confiée au FADES dans sept projets sur neuf, a été performante pour l'administration des prêts, mais s'est peu préoccupée du suivi des réalisations et pas du tout de leur impact, ou de la promotion des approches nouvelles. Le suivi du FIDA est resté aussi très discret et peu en rapport avec la part d'innovations apportées par chaque projet, qui aurait nécessité un suivi particulier.


Contribution des projets aux politiques et plans nationaux

Les projets cofinancés ont apporté une contribution directe à la mise en oeuvre des politiques et des plans de développement nationaux, dans le cadre desquels ils se sont fidèlement inscrits. Ils ont par ailleurs été porteurs d'innovations soit avec l'intention d'introduire des approches entièrement nouvelles (le ciblage des plus défavorisés, le micro-crédit délivré par les ONG, le suivi-évaluation), soit en contribuant à la reconnaissance d'approches nouvelles dont ils ne sont pas directement à l'origine (les approches participatives et le développement communautaire, les activités destinées à répondre spécifiquement aux besoins des femmes, crédit supervisé, les liaisons entre activités et recherche-développement). Toutefois, ces approches ont bénéficié de budgets limités et elles ont sollicité un intérêt limité de la part des CRDA. Elles restent encore largement circonscrites aux domaines d'intervention des projets, notamment en raison de leur développement insuffisant. A défaut d'adoption dans les programmes nationaux, on peut considérer cependant que les projets cofinancés par le FIDA ont été la source d'un apprentissage institutionnel initial, grâce auquel les équipes des CRDA se sont au moins familiarisées avec des approches nouvelles.

Recommandations

Cadre Stratégique Général

Recommandations pour un cadre stratégique général. Les quatre recommandations ci-après proposent les orientations de base d'une stratégie future du FIDA en Tunisie.

Réaffirmer la spécialisation du FIDA en ce qui concerne l'aide aux zones les plus défavorisées et aux populations vulnérables

En accord avec son mandat, le FIDA devrait réaffirmer sa vocation à se spécialiser dans:

  • l'appui aux zones les plus défavorisées: le zonage qui a déterminé la concentration des interventions du FIDA sur l'axe des gouvernorats intérieurs du centre, du sud reste et du nord-ouest reste valable. Les investissements consentis par le gouvernement dans ces régions ont été considérables et ont permis d'atténuer les contraintes, mais certaines zones restent confrontées à la dégradation des ressources naturelles, à la faiblesse du potentiel productif, à l'insuffisance des équipements collectifs, au développement limité des organisations de base, à la faible capacité d'initiative des populations rurales et à une faible insertion dans le tissu économique. Le gouvernement attache une importance primordiale à la réduction des disparités régionales et au rattrapage de ces zones défavorisées qui requièrent encore un effort soutenu;
  • l'appui aux populations vulnérables: les approches qui seront mises en œuvre au sein des zones d'intervention, tout en favorisant la participation de l'ensemble des acteurs locaux, devraient être complétées par des mesures spécifiquement adaptées aux caractéristiques des populations les plus vulnérables, c'est-à-dire, notamment, les petits agriculteurs, les femmes employées dans l'agriculture, les paysans sans terre, les jeunes sans emploi. Ces mesures auraient pour objectif de favoriser l'inclusion de ces catégories dans le processus de développement. Plutôt que de recourir à l'application mécanique de critères de sélection rigides, par ailleurs difficiles à définir, il paraît préférable de cibler les plus pauvres en développant une offre de produits qui soient adaptés à leurs contraintes spécifiques.

Insister sur l'introduction des innovations

Le rôle innovateur du FIDA est bien reconnu par le gouvernement tunisien, qui voit en son partenaire une force de propositions nouvelles. Cependant, par le passé, ces innovations sont souvent restées confinées au domaine d'intervention des projets. Le FIDA devrait consolider sa position de porteurs d'approches novatrices en prenant les mesures nécessaires pour que celles-ci, après avoir été testées et mises au point dans le cadre des projets, puissent être répliquées à plus large échelle et contribuer au développement des politiques et des stratégies nationales. Vu que le montant total des ressources fournies par le FIDA est limité, la priorité devrait être accordée à l’expérimentation d’approches nouvelles plutôt qu’au financement de programmes standards d’investissements publics.

Valoriser les projets comme laboratoire pour un dialogue sur les politiques

Les projets cofinancés par le FIDA constituent un énorme potentiel d'apprentissage et d'expérimentation d'approches nouvelles qu'il y a lieu de mieux valoriser, afin de contribuer plus efficacement au dialogue sur les politiques et au développement des politiques nationales. En l'absence de représentation du FIDA en Tunisie, ce sont bien les projets qui constituent le premier instrument du dialogue sur les politiques. Cet aspect devra être pris en compte lors de leur formulation et tout au long de leur mise en œuvre, en recherchant les moyens d'articuler plus étroitement le niveau opérationnel des projets et le niveau central de définition des politiques. Des systèmes de suivi-évaluation permettant d'extraire les leçons de l'expérimentation, des instruments de diffusion de l'expérience acquise (publications, manuels, supports audio-visuels), des ateliers de présentation et de discussion des approches, des relations étroites avec les institutions centrales concernées constituent des solutions possibles.

Sortir du cadre exclusif de l'agriculture

Il y a lieu de replacer l'accroissement des revenus et l'amélioration des conditions de vie au centre des stratégies du FIDA pour mieux prendre en compte les problématiques spécifiques de la population cible. Ceci requiert de sortir du cadre exclusif de l'agriculture, qui très souvent ne constitue pas la source principale de revenu des ménages les plus pauvres et qui ne peut constituer le fondement unique du développement de ces régions du potential agricole marginal. Prenant en considération les problèmes de l'emploi des pauvres et la commercialisation de leurs produits agricoles, on peut même considérer l'intégration du rural, péri-urbain et urbain dans les futurs projets.

Axes d’intervention

Ancrer plus profondément les projets dans l'économie et les institutions locales

Les interventions futures du FIDA dans les zones les plus défavorisées avec les populations vulnérables devraient- viser le lancement de dynamiques de développement local beaucoup plus ancrées dans l'économie et les institutions locales de ces zones, et fondées sur la valorisation durable des divers potentiels existants: ressources naturelles, agriculture, patrimoine culturel et produits locaux. Elles devraient également valoriser le savoir-faire existant, les ressources et les compétences de l'ensemble des acteurs locaux. Ces interventions pourraient prendre diverses formes, selon les spécificités des zones et les demandes des acteurs. Il pourrait s'agir aussi bien d'approches s'inspirant des EPIDEL initiées avec l'appui du FERT dans le cadre du cofinancement AFD du projet Siliana, d'appuis à la promotion de filières à forte valeur ajoutée, de soutien au développement de services financiers adaptés, de fonds de développement locaux pour le financement décentralisé d'investissements publics, etc.

Favoriser la participation des acteurs locaux et les partenariats.

L'approche proposée de promotion du développement local repose sur la responsabilisation des acteurs locaux, qui devront disposer d'une majeure prise d'initiative et de décision. En outre, le développement de partenariats, ouverts à la diversité des acteurs locaux, devrait permettre de mobiliser toutes les compétences et les ressources disponibles. Des appuis devront être fournis pour permettre à ces acteurs, et en particulier aux petits exploitants agricoles et à leurs communautés, d'exercer ces responsabilités nouvelles. This is a major recommendation that I proposed to reinstate in the executive summary.

Plus de poids aux instruments d'accompagnement du développement.

Si les projets les plus récents ont mis l'accent sur les grands investissements publics, il serait souhaitable dans le futur de mieux équilibrer et mettre l'accent sur les instruments d'accompagnement. Des instruments adaptés en matière des services financiers ruraux, d'appui-conseil aux producteurs et de recherche-développement devront être mis en place. Le FIDA devrait surtout reprendre son engagement, fait dans le cadre du COSOP du 1998, à travailler dans le domaine des services financiers, mettant à la disposition de la Tunisie sa riche expertise dans le développement des politiques et des services financiers ruraux pour les ménages à faible revenu.

Renforcer l'accès des femmes aux facteurs et services de production.

Les futurs projets devraient donner une priorité aux femmes, surtout celles qui sont déjà actives dans les activités économiques de production. Ils devraient prendre en compte les rôles, les contraintes et les besoins spécifiques des femmes et des hommes à tous les stades de la conception et de l'exécution, et aménager les approches et les mécanismes d'intervention en conséquence. En particulier, il s'agira de favoriser l'accès des femmes à la vulgarisation, à la formation, aux organisations socio-professionnelles, aux technologies, aux moyens de financement.

Modalités d’exécution

Deux échelles territoriales d'intervention.

Dans le cas des projets basés sur un territoire ou zone géographiques, tout en disposant d'une masse critique suffisante pour entraîner une dynamique de développement durable, il est proposé de choisir deux niveaux d'intervention. Le premier niveau correspondrait à la délégation, et serait pertinent pour l'élaboration de stratégies de développement cohérentes et pour favoriser la mobilisation d'une diversité de partenaires. Le second niveau, correspondant à un espace plus petit (par exemple l'Imadat ou l'unité socio-territoriale) serait approprié pour les actions demandant une majeure proximité, comme la gestion des ressources naturelles, et pour faciliter l'organisation des habitants et leur représentation au niveau supérieur.

Montages institutionnels élargis aux différents acteurs.

Les futurs projets devraient être ouverts à la participation des divers acteurs. Par ailleurs, la nouveauté des approches proposées et leur caractère expérimental nécessitent une liaison étroite entre les agents des projets sur le terrain et le niveau central d'élaboration des politiques. Les futurs montages institutionnels devront être adaptés à ces fonctions et se fonder sur une analyse détaillée des organisations et des capacités institutionnelles des différentes institutions concernées. Pour répondre aux différentes exigences, les fonctions relatives à la mise en œuvre des projets pourraient être organisées en trois échelons. Dans les projets basés dans une zone géographique, un premier échelon correspondant aux opérations locales pourrait être situé au niveau de la délégation et prendrait la forme d'une structure de concertation et de décision des acteurs locaux. Le deuxième échelon serait celui de la gestion des projets, qui pourrait relever d'une structure au niveau du gouvernorat, CRDA ou institution régionale. Le troisième échelon serait situé au niveau central et concernerait le pilotage et la capitalisation. Des appuis techniques et de gestion seraient nécessaires à chacun des échelons. Ils devraient être organisés en prenant en compte les compétences locales et nationales existantes, tant publiques qu'associatives. Les ONG, en particulier, pourraient être mobilisées pour certaines de ces fonctions, de même que certaines organisations socioprofessionnelles.

Dispositifs de projet plus ouverts.

En vue d'une majeure flexibilité, les dispositifs devraient garder un caractère ouvert, qui consisterait à définir un cadre général d'intervention, des méthodes, et des instruments d'intervention. Le montage des projets devra prendre en compte le temps nécessaire à la mise en place des méthodes et des instruments, en considérant cette période comme une phase de préparation et d'apprentissage et en l'accompagnant de l'assistance technique et de la formation appropriées.

Meilleur appui à la mise en œuvre des projets.

Les modalités de mise en œuvre devront mettre l'accent sur la formation des acteurs, la possibilité de recourir à une assistance technique extérieure, la mise en place de systèmes de suivi-évaluation devant servir d'instruments de pilotage, et des missions de supervision régulières, aux objectifs clairement spécifiés et couvrant la mise en œuvre dans toutes ses dimensions.

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