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Projet de Sécurité Alimentaire au Nord-Guéra - Phase I (1999)

11 दिसंबर 1999

Évaluation intermédiare

La zone d'intervention du Projet de sécurité alimentaire au Nord-Guéra (PSANG) comprend les trois sous-préfectures septentrionales du Guéra (Bitkine, Mongo et Magalmé), au centre de la zone sahélienne du Tchad. Le chef-lieu du Guéra, la petite ville de Mongo, se trouve à environ 500 km de piste de la capitale. La région est caractérisée par le relief tourmenté du massif du Guéra, ne comporte aucun cours d'eau permanent et les eaux souterraines sont difficiles d'accès dans certains cantons. Le climat est de type soudano-sahélien avec une pluviométrie annuelle de 500 à 700 mm très aléatoire. La population est estimée à environ 218 000 habitants (32 000 ménages) appartenant à une dizaine d'ethnies principalement du groupe Adjeraï. On compte 515 villages. La densité moyenne de population est de 7 hab/km2 avec des concentrations locales autour de Bitkine et Mongo. Dès les premières années de l'indépendance, le Guéra a souffert de troubles civils et de conflits armés provoquant des déplacements de population et une insécurité quasi permanente de 1965 au début des années 90. Ces conflits ont eu une incidence démographique notable (en 1992 un tiers des ménages sont dirigés par des femmes). Dans ce contexte, les services publics au développement ont été particulièrement faibles et peu efficaces. Il n'existe aucune institution financière dans la région.

L'économie locale est basée sur la culture pluviale des céréales (sorgho et mil) accompagnées d'arachide et de sésame cultivés par les femmes sur de petites superficies et, localement, de berbéré (sorgho de décrue). Dans la grande majorité des ménages, le travail agricole est entièrement manuel, d'où une superficie cultivée limitée à un hectare par actif: le manque de main-d'oeuvre et la faible productivité du travail sont une contrainte majeure à l'expansion des cultures qui assurent tout juste l'autosuffisance vivrière en année normale. L'élevage sédentaire et/ou transhumant est dominé par les petits ruminants et les bovins et joue un rôle important d'épargne de sécurité. En saison sèche, les éleveurs transhumants du Batha stationnent dans la région. Le Nord-Guéra a connu de nombreuses famines, notamment au cours des années 70 et 80 et reste confronté à une insécurité alimentaire structurelle du fait des sécheresses récurrentes et de la forte pression des déprédateurs des cultures (sauteriaux, oiseaux et divers parasites). Les disettes occasionnelles, surtout dans le nord enclavé et dans les zones ne disposant pas de bas-fonds favorables aux cultures de décrues, sont cause de migration saisonnière qui s'ajoutent à l'émigration à long terme des jeunes actifs.

Conception et objectifs du projet

La stratégie du FIDA au Tchad, élaborée en 1990, fixait des priorités d'intervention correspondant entièrement à celles du Programme Spécial du FIDA pour les pays d'Afrique subsaharienne touchés par la sécheresse et la désertification (PSA, phase 1): zones à forte insécurité alimentaire, populations dépendantes principalement de l'agriculture vivrière pluviale, objectif de sécurisation alimentaire. Le PSA a financé deux projets dans ces régions prioritaires situées en zone sahélienne. Dans les deux cas, le montage institutionnel et la stratégie d'intervention cherchent à minimiser les coûts récurrents à la charge de l'Etat. Le PSANG, approuvé en décembre 91, a été la première intervention du FIDA dans le pays. A l'époque, le Guéra n'avait encore bénéficié d'aucun grand projet d'investissement public. Cependant, plusieurs ONG y opéraient depuis le début des années 80 et avaient suscité la création de groupements villageois autour des activités d'aide alimentaire puis de développement communautaire.

Groupe cible

Le groupe cible du projet, estimé à environ 7500 ménages (23% de la population totale de la zone), comprenait principalement les agriculteurs sédentaires et les agro-éleveurs. Le projet devrait accorder une priorité aux zones les plus démunies de ressources identifiées par une étude socio-économique menée en 1992 (Nord-Ouest de Bitkine, Nord et Sud-Ouest de Mongo, environs de Mangalmé). Les femmes devaient représenter 50% des bénéficiaires.

Objectifs et composantes du projet

L'objectif de développement du PSANG était d'«améliorer les conditions de vie des ménages de la zone en améliorant la sécurité alimentaire de la population». L'objectif spécifique principal, typique de la stratégie du PSA 1 pour la sécurité alimentaire, était de «réduire les fluctuations des rendements des cultures vivrières et assurer une production accrue dans des conditions climatiques données» (semences améliorées, protection phytosanitaire, conservation de l'eau et des sols). Un deuxième objectif spécifique lié à la préoccupation de durabilité du processus engagé était «la promotion de groupements autonomes capables, à moyen terme, de gérer leur propre développement». Cette organisation du groupe cible en groupements était considérée comme le moyen d'atteindre un nombre important de bénéficiaires tout en assurant une pérennité des services aux producteurs après la fin du projet. Le PSANG optait pour une démarche progressive, consistant à capitaliser des connaissances par l'expérience et ensuite à les mettre en pratique graduellement.

Trois options stratégiques furent définies pour appuyer cette démarche:

la promotion de groupements autonomes: après une période initiale de formation intensive, les groupements devraient devenir graduellement capables de prendre en charge certaines responsabilités de gestion et, à terme, acquérir une autonomie financière par « l'instauration de relations directes avec la structure de crédit et par la mobilisation des ressources des Fonds de Groupement »;

la mobilisation des institutions pré-existantes au Nord-Guéra: L'Unité de Gestion du projet (UGP) n'exécute pas directement les actions prévues mais conclut avec chacun des services et ONG impliqués, un contrat d'exécution (conventions annuelles), se réservant elle-même la supervision, la coordination et l'interface avec les bailleurs de fonds;

le recouvrement des coûts: cette politique consistait à introduire progressivement le principe du recouvrement du prix réel des intrants (surtout phytosanitaires) après une période initiale de subvention.

Le projet, d'un coût total de 13 millions de USD sur 7 ans, comprenait quatre composantes techniques et une composante administrative:

Sensibilisation, animation et formation (10% du coût total du projet): promotion de 300 groupements, dont la moitié serait des groupements féminins. Leur formation et mise en place de fonds de développement des groupements pour financer des petits investissements. Formation à la programmation et à la gestion. Les investissements productifs devaient être appuyés par le biais du crédit, tandis qu'un montant limité sous forme de subvention devait soutenir les investissements collectifs à caractère social. Cette composante stratégique, point d'entrée du projet dans les communautés, a été confiée au SECADEV, importante ONG tchadienne déjà implantée au Nord-Guéra.

Développement agricole (41% du coût total): principale composante devant générer une amélioration de la sécurité alimentaire par augmentation/stabilisation de la production vivrière: vulgarisation de techniques culturales et phytosanitaires et de semences améliorées, promotion des cultures maraîchères, mise en place de diguettes anti-érosives (DRS), promotion de l'agroforesterie (AF), amélioration de la santé animale, crédit pour l'achat d'intrants et de matériel agricole, promotion de banques céréalières. Un effort spécial visait la protection des cultures contre les ravageurs, en particulier les acridiens. D'importantes augmentations de rendements des cultures étaient attendues de la combinaison des mesures de DRS et de protection des cultures.

L'Office National du Développement Rural (ONDR) était chargé de la vulgarisation et de la distribution des semences, intrants et équipement agricole à crédit. La Direction de la Protection des Végétaux (DPVC) devait s'occuper de la vulgarisation de la lutte intégrée, de la recherche sur les insecticides biologiques, de la formation des agents de terrain et des paysans. L'ONG internationale AICF, remplacée en 1997 par l'ONG tchadienne NAGDARO, devait appuyer les activités de DRS/AF. La Direction de l'Elevage (DERA) et la Direction de l'Organisation Pastorale (DOP) devaient s'occuper de la formation de Groupements d'Intérêt Pastoral, de la santé animale, de la construction d'infrastructures vétérinaires et de la formation des auxiliaires vétérinaires (DOP). Le laboratoire vétérinaire de Farcha devait mener des recherches sur le système d'élevage, le suivi des troupeaux et pâturages et la pré-vulgarisation des cultures fourragères. De fait, tous les opérateurs techniques en matière de développement agricole étaient associés au projet.

Infrastructures rurales (13% du coût): construction et restauration de 100 puits, 50 diguettes pour la recharge de la nappe phréatique, réhabilitation de pistes rurales. La maîtrise d'oeuvre de cette composante a été confiée à l'UGP.

Recherche-Développement (9% du coût): appui à un certain nombre d'activités de recherche appliquée de la station de l'AICF à Arengha (DRS, AF). L'ONG ACORD était impliquée dans la recherche sur l'outillage et fabrication de matériel agricole incluant la formation d'artisans.

Unité de gestion du projet (22% du coût) et cellule de Suivi-Evaluation (5% du coût total): outre la Direction, le service administratif et financier et la cellule de S&E, l'UGP comprenait un cadre supérieur pour chacune des composantes. Ces « chefs de composante » participaient à l'élaboration des programmes et assuraient la négociation et le suivi des conventions d'exécution.

Le PSANG est donc un projet de développement rural à composantes multiples dont les principales activités passent par des groupements paysans. Le montage institutionnel est original dans le contexte tchadien du début des années 90 et constitue un défi: l'Unité de Gestion du Projet (UGP) n'exécute pas elle-même les activités sur le terrain et n'est pas destinée à se maintenir au-delà de la période d'investissement. L'exécution passe par des acteurs locaux ou nationaux (3 ONG et 5 services publics) avec lesquels l'UGP signe des conventions annuelles, se limitant elle-même à la coordination des partenaires et au suivi et contrôle des activités réalisées. Les partenaires, ONG ou services gouvernementaux, n'avaient jamais été amenés à travailler ensemble dans un même projet. L'enjeu était d'amener les populations à s'organiser en groupements appelés à gérer leur propre développement, sans créer de nouvelles charges budgétaires pour l'Etat et en appuyant les partenaires locaux déjà connus des villageois. Tous les opérateurs du projet sont contractés annuellement sur la base d'un programme d'activité élaboré avec la participation des groupements partenaires. Le Programme de Travail et Budget Annuel du PSANG approuvé par l'Institution Coopérante (Banque Africaine de Développement) est la consolidation des huit conventions annuelles et du programme et budget de l'UGP.

Malgré plus d'un million de USD de ligne de crédit, le PSANG n'a pas de composante spécifique de promotion de services financiers, ni d'objectif institutionnel dans ce domaine (à part l'organisation de groupements pour gérer au village les crédits des ONG et de l'ONDR).

Deux organes de concertation et coordination étaient prévus: i) un comité national de coordination présidée par le ministère du plan et approuvant les programmes de travail et budgets annuels du projet; et ii) un comité local, présidé par le directeur du projet, comprenant le préfet, les représentants locaux des opérateurs et trois présidents de groupements, investi d'un rôle consultatif et devait servir de cadre de coordination des différentes agences participant au projet.

Le plan de financement du projet comprenait un prêt du FIDA de 10,8 millions de USD (83% du coût total), un don du PNUD de 1,4 million de USD pour l'assistance technique et une contrepartie gouvernementale d'environ 0,8 million de USD.

Effets attendus et hypothèses

Le projet se base sur l'hypothèse que les groupements pourront poursuivre de manière autonome les actions entreprises avec l'appui du projet. Les principaux effets attendus mentionnés dans le rapport de préévaluation sont principalement de nature agricole:

augmentation des surfaces et des rendements des principales cultures (+ 80% en année sèche et + 50% en année normale) avec une réduction des fluctuations saisonnières de la production agricole. A terme la production céréalière d'une exploitation type devrait passer de 0,3 à 0,9 t en année sèche, de 0,7 à 2,2 t en année normale et de 1,8 à 3,2 t en année humide;

amélioration des performances de l'élevage par un abaissement de la mortalité (permettant de compenser les variations annuelles de production céréalière);

augmentation de 518 du revenu de la journée de travail agricole en année moyenne;

accès durable des adhérents aux groupements aux services d'approvisionnement en intrants et commercialisation, services vétérinaires, banques céréalières, eau potable, etc.

Évaluation

Le projet préparé en 1991 a été effectif en juillet 1992, très rapidement après la signature de l'accord de prêt en avril. Cependant, les activités n'ont réellement démarré sur le terrain qu'en début 1994. A la date de l'évaluation intermédiaire (mars-avril 99) la durée effective de mise en oeuvre est donc de cinq ans. Fin 98, soit un an avant la date de clôture prévue, le taux de décaissement global du prêt FIDA n'était que de 48%. Les taux de décaissement des catégories finançant les coûts de fonctionnement, d'assistance technique et d'équipement du projet étaient proches de la moyenne globale, alors que la ligne de crédit n'était décaissée qu'à 14% et que les coûts des travaux de génie civil étaient déjà dépassés (110%).

Evolution du contexte en cours d'exécution

Au cours des dix dernières années (1988-1998), l'évolution du régime pluviométrique a été plutôt favorable par rapport à la décennie précédente. Au cours de l'exécution du projet on note toutefois deux années sèches (1993 et 1997). En 1993, il a été nécessaire de distribuer des secours alimentaires et des semences à la population.

Sur le plan politique, on note un retour à la stabilité à partir de 1991 avec une certaine libéralisation, la promulgation de la Constitution et l'organisation d'élections présidentielles et législatives. La sécurité s'est nettement améliorée dans la zone du projet. Le gouvernement a engagé un programme d'ajustement structurel, éliminant notamment les subventions sur les intrants agricoles. La dévaluation du FCFA (1994) a renchéri le prix des intrants et matériels importés, plaçant en particulier les produits phytosanitaires hors de portée des paysans (alors que des ressources considérables avaient été prévues par le PSANG pour fournir ces produits à crédit). La mise en place du programme national de services agricoles (Banque mondiale) a induit une restructuration qui a fortement perturbé le partenariat entre le PSANG et l'ONDR. Un autre partenaire important, l'AICF, s'est retiré de la zone dès la première année d'exécution. Dans le secteur privé on assiste à l'émergence d'ONG locales, mais peu d'entre elles sont en mesure d'intervenir à une échelle aussi étendue que celle du PSANG. Enfin, en 1995, la réhabilitation de la piste nationale N'Djaména-Mongo-Abêché a contribué au désenclavement du Nord-Guéra.

Réalisations du projet

Composante "Sensibilisation, animation et formation": organisation du milieu, crédit et gestion des stocks céréaliers

En termes d'organisation du milieu rural, le PSANG a accéléré et élargi un processus pré-existant de formation de groupements en procurant à l'opérateur, chargé de cette composante (SECADEV), les moyens humains et financiers de s'étendre sur de nouvelles zones et en renforçant les incitations à la constitution de groupements (l'existence d'un groupement est une condition d'accès des individus aux services et ressources du projet).

Les organisations paysannes se sont également diversifiées et le SECADEV, bien que très ancré dans son approche de petits groupements infra-villageois, a su rester flexible en laissant le milieu évoluer dans ses formes d'organisation. Les groupements d'intérêt économique (GIE) sont les formes d'organisation sociale majoritaires dans le PSANG. Actuellement, 329 groupements sont partenaires du projet dont 224 GIE masculins ou mixtes, 46 groupements féminins, 38 Groupement d'Intérêt Pastoral (GIP) et 10 groupements d'artisans. En termes quantitatifs, les objectifs du projet sont donc dépassés et les demandes d'adhésion au projet sont nombreuses. A travers ces groupements, le PSANG touchait fin 98 près de 11 200 personnes appartenant à environ 8 300 ménages (objectif initial 7 500 ménages). En termes de genre, 32% des adhérents aux groupements partenaires sont des femmes (contre un objectif de 50%). Les ménages dirigés par des femmes sont sous-représentés parmi les adhérents: 19% des ménages adhérents, alors que l'étude socio-économique de 1992 estimait à 35% le pourcentage de ménages ruraux dirigés par des femmes au Nord-Guéra.

Dès la première année d'adhésion, les groupements exercent plusieurs activités (champs collectifs, cotisations, banques de céréales, greniers de sécurité alimentaire, activités commerciales collectives et individuelles grâce au crédit) qui ne se diversifient guère par la suite. La capitalisation se réalise principalement sous forme de stocks de grain (banques céréalières et greniers de sécurité). Les fonds détenus en liquide (caisse) restent modestes: inférieurs à 100 000 FCFA pour plus de 80% des groupements. Le mécanisme de constitution de Fonds de Développement des Groupements (FDG) n'a pas fonctionné du fait de l'impossibilité pour les groupements d'ouvrir des comptes d'épargne (manque d'institution financière à Mongo).

A un deuxième niveau sont apparues plus récemment des unions fédérant plusieurs groupements. De taille diverse mais n'excédant pas quelques villages, les unions ont été stimulées par le SECADEV à partir de 1993 pour faciliter la négociation des crédits, le suivi des activités et plus récemment, pour permettre à de nouveaux groupements de bénéficier de l'appui du projet (l'adhésion de nouveaux groupements individuels ayant été suspendue en 98.) On recense aujourd'hui 18 unions de ce type (6 à Bitkine, 11 à Mongo et 1 à Mangalmé) rassemblant 113 groupements de base. Là où elles existent, les unions deviennent l'interlocuteur principal du projet. Elles négocient les volumes de crédit financier et de matériel agricole à redistribuer aux groupements et sont utilisées comme canal de transmission des activités de vulgarisation. Dans ce domaine, les résultats dépassent les attentes dans la mesure où la constitution d'unions de groupement n'était pas prévue dans la conception initiale du PSANG.

Dernier type d'organisation identifiée dans la zone, les comités villageois de développement, s'apparentent aux Associations Villageoises. Rencontrées uniquement dans la sous-préfecture de Bitkine, ce sont des structures faîtières au niveau du village prenant en charge les investissements collectifs comme les puits, les magasins et la gestion des GSA.

Le SECADEV a assuré l'ensemble des formations à destination des organisations paysannes en dehors de celles plus techniques effectuées par ACF/NAGDARO (actions DRS et agroforesterie) et par la DPVC (protection des cultures). Les thèmes de formation sont définis par le délégué et l'agent de terrain. En termes quantitatifs, ces formations restent inférieures aux prévisions (50% de réalisation).

Un programme d'alphabétisation fonctionnelle à destination des responsables des groupements conduit par SECADEV a permis d'ouvrir 8 centres d'alphabétisation (7 à Mongo et 1 à Bitkine), de former 60 formateurs paysans et à alphabétiser 170 personnes dont 76 femmes. Des critiques ont été faites à ce programme d'alphabétisation, en particulier le choix de l'alphabet latin pour transcrire la langue arabe.

Les animateur(trice)s – agents de base du SECADEV - ont été relativement bien formés pendant la première phase du projet, mais par la suite le programme de formation n'a pas été pleinement réalisé. De plus, aucune réflexion approfondie n'a pu être menée à son terme pour mettre en place un programme de formation conséquent tenant compte des difficultés vécues par les agents sur le terrain ou par les responsables du SECADEV sur le plan méthodologique.

Des formations en matière de crédit ont eu lieu en direction des cadres de l'UGP et du SECADEV. Un voyage d'étude a été organisé pour les agents de crédit au sud du Tchad pour s'imprégner de l'expérience des clubs d'épargne et de crédit de Pala.

Les crédits SECADEV: en 1995 et 1996, près de 5 millions de FCFA ont été octroyés à une trentaine de groupements par an avec un crédit moyen de 150 000 FCFA à 170 000 FCFA. Les taux de remboursements vont de 518 pour 1995 à 93% pour 1996. En 1997, sous la pression du gouvernement pour accélérer l'impact du projet, 41 millions de FCFA ont été octroyés à 112 groupements, soit un volume de crédit 8 fois plus important que les années précédentes. Le volume moyen est par ailleurs passé de 150 000 FCFA à près de 340 000 FCFA par crédit. Le taux de remboursement s'est immédiatement effondré à 54%. En 1998, étant donné les faibles taux de remboursement des crédits accordés l'année précédente, un blocage des crédits dans les zones à faible taux de remboursement a été décidé. Les octrois ont donc été très inférieurs aux prévisions: 27 millions octroyés (montant moyen de 430 000) contre 164 millions de prévisions. Ce dérapage des octrois de crédit en 1997 est très révélateur du manque d'autonomie et de professionnalisme des services financiers proposés par les partenaires du PSANG. Il semble que l'alerte ait été comprise et que le SECADEV revienne à la prudence.

Les greniers de sécurité alimentaire (GSA): la mise en place des GSA a démarré en 1996. Pour le grenier, chaque membre fournit une contribution de 25 kg de céréales et le projet complète la contribution du groupement de manière à couvrir 50% des besoins des familles pendant les trois mois de la période de soudure. L'apport du projet est une dotation unique à fonds perdu et non renouvelable. Un comité est chargé de la gestion stock du GSA. Actuellement 87 greniers de sécurité alimentaire ont été implantés dans 80 villages, soit un peu moins d'un tiers des groupements concernés. L'activité est très appréciée par les adhérents. Elle a indubitablement facilité l'approvisionnement alimentaire des membres des groupements lors des difficiles périodes de soudure en saison des pluies 97 et 98.

Développement agricole: des réalisations très inférieures aux attentes

En matière de protection des cultures céréalières le bilan est faible. Globalement, les risques phytosanitaires, acridiens et aviaires ne sont pas mieux maîtrisés qu'avant le projet. On note cependant une forte diffusion et appropriation du thème traitement des semences (calthio) et, dans une moindre mesure, conservation des stocks (percal). Pour le traitement des cultures sur pied, la cherté des produits phytosanitaires, les faibles revenus des producteurs, les difficultés d'approvisionnement et les risques climatiques expliquent le manque d'intérêt des producteurs pour ces produits. Rien de significatif n'a été réalisé en matière de lutte anti-aviaire.

Défense et restauration des sols: un très faible taux de réalisation a été noté mais l'intérêt des paysans grandit. La faiblesse des résultats peut s'expliquer par l'immense effort en investissement humain qui est exigé pour la construction des diguettes en pierre et la faiblesse des apports du projet dans ce domaine.

Diffusion de semences améliorées: l'ONDR a mis en place chaque année dans 53 villages depuis la convention 94, de nombreuses démonstrations de variétés améliorées dont beaucoup ont été reconduites chaque année. Les paysans ont apprécié les semences précoces de sorgho S35 et de sésame S42 mais leur diffusion est entravée par leur susceptibilité aux oiseaux granivores (sorgho S35) ou leur faible taux en huile (sésame S42.) On constate cependant une assez forte augmentation des superficies cultivées en arachide et surtout en sésame depuis 95.

Les crédits ONDR pour le matériel agricole: depuis 1995, 1 300 pièces de matériel agricole ont été placées à crédit (159 charrettes, 370 charrues, 686 houes, 25 décortiqueuses...) pour un montant de 22 millions de FCFA à 126 groupements, ce qui ne correspond qu'à 20% des prévisions. Le taux de remboursement est de 83%. Pour l'année 1998, à ce jour, seul 50% du matériel est disponible mais non encore distribué aux paysans. Le niveau d'équipement en matériel agricole, quoiqu'en progression, reste bas au Nord-Guéra. Les chiffres fournis par le projet sont assez imprécis dans ce domaine mais semblent indiquer qu'en 1998, 35% des ménages bénéficiaires du projet disposerait d'au moins un matériel agricole moderne, contre 19% pour les ménages non bénéficiaires. La diffusion a été faible durant les 5 années du projet et il est regrettable que des solutions en culture attelée n'aient pas été proposées pour le sarclage des cultures qui est la plus grande contrainte à l'augmentation des surfaces cultivées.

Maraîchage et arboriculture fruitière dans les zones de bas-fonds: le projet a soutenu les producteurs dans l'acquisition de puits maraîchers en leur fournissant à crédit des buses en ciment. Pour l'année 98, 55 puits ont ainsi été construits dans 7 villages. Il a été constaté que les revenus de cette activité couvraient très largement l'annuité de remboursement.

Dans le domaine de l'élevage des activités plus modestes mais des réalisations convaincantes

Les auxiliaires d'élevage et les dépôts de médicaments vétérinaires: le principe consiste à former deux éleveurs par groupement sur les diagnostics et le traitement des maladies. Ils sont équipés chacun gratuitement d'une trousse vétérinaire mais doivent ensuite s'approvisionner en médicaments. Les bénéficiaires, membres des Groupements d'Intérêt Pastoral, portent un jugement très positif sur ce système. La vaccination des volailles contre la maladie de New Castle a permis de réduire significativement la mortalité. Après plusieurs années d'essai en station, deux variétés de Dolique sont passées au stade de la prévulgarisation en 97 et 98. Elles semblent intéresser les agropasteurs qui y voient un moyen de mieux sécuriser l'alimentation de leurs animaux en période de soudure et aussi de maintenir une production laitière plus importante.

Artisanat rural: création de deux entreprises locales

Dans le cadre de deux petites conventions établies avec ACORD en 94 et 95, deux ateliers de fabrication ont été créés et fonctionnent actuellement à Mongo. L'atelier ATRAM est spécialisé en mécano-soudure, il s'est orienté vers la fabrication de matériel aratoire (charrues, houes, etc.). L'atelier ATRA est plutôt spécialisé dans la menuiserie bois, notamment la fabrication de charrettes (46 charrettes fabriquées en 3 ans). Des crédits ont été octroyés par ACORD en 1995 (2,8 millions de FCFA à l'atelier ATRAM) et 1998 (4,7 millions).

Infrastructures: des difficultés d'exécution et résultats très décevants 

Le programme des pistes d'accès aux villages n'a pas démarré: des changements dans la stratégie de leur construction, des lenteurs de procédures et un manque de décision sont à la base de cette situation. Pour les mêmes raisons et aussi à cause d'entreprises défaillantes, seuls 27 puits sur les 100 prévus ont été construits. Ces faibles réalisations de puits sont particulièrement décevantes dans une région où la demande des populations est pressante et où les villageois ont rapidement mobilisé les contributions financières qui leur étaient demandées.

Problèmes de mise en oeuvre et performance des institutions

De manière générale les performances des institutions partenaires ont été inégales et ont été affectées par un dispositif de conventions annuelles inopérant. La signature des conventions et donc l'arrivée des financements ont toujours pris beaucoup de retard. Les contraintes financières et procédurales ont eu une incidence négative sur l'exécution du programme et expliquent en partie le faible taux de décaissement du prêt (48%) à un an de sa date de clôture. Elles ont causé des perturbations dans les calendriers de réalisation des actions, remettant parfois en cause leur viabilité. La complexité et la rigidité des procédures instaurées entre les opérateurs, l'UGP, l'Institution Coopérante et le FIDA vont en définitive à l'encontre de l'esprit de "décentralisation" et de responsabilisation dont il était question à l'origine. C'est en particulier le cas des procédures d'élaboration et d'approbation des programmes annuels d'activité et de passation des conventions entre l'UGP et ses 8 partenaires. Ces dernières sont apparues beaucoup trop lourdes, notamment du fait d'une excessive centralisation des pouvoirs de décision au niveau des directions nationales, tant pour les services publics que pour le SECADEV. Les cadres de l'UGP et des institutions partenaires ont consacré pratiquement trois à quatre mois par an à l'élaboration et à la signature des conventions, pour une mise à disposition des financements trop tardive. La lenteur dans le traitement des dossiers par la BAD a aggravé ces difficultés, de même que la programmation inadéquate et le manque de pouvoir décisionnel de ses missions sur le terrain.

Du côté des services publics, les prestations des opérateurs ONDR et DPVC ont été globalement faibles tant au regard des effets attendus de la composante développement agricole que des taux de réalisation des conventions. En ce qui concerne l'ONDR, un des deux partenaires principaux du PSANG, le mouvement du personnel à destination du programme de vulgarisation de la Banque mondiale (PSAP) a entraîné d'énormes difficultés dans l'exécution et le suivi des actions. Par ailleurs, l'incapacité de l'ONDR à pré-financer les activités prévues aux conventions annuelles a induit des retards d'exécution particulièrement dommageables pour des actions associées au calendrier agricole des producteurs. En revanche, les trois opérateurs du volet élevage, DERA, DOP et le Laboratoire de Farcha ont réalisé de bonnes performances.

Au niveau des ONG, le SECADEV - un des deux opérateurs principaux du PSANG - a fourni des prestations satisfaisantes, notamment du fait de la motivation et du professionnalisme de ses agents et de sa capacité à pré-financer ses activités dans le cadre du projet. Le SECADEV reste cependant une institution très centralisée, tant au niveau de ses décisions programmatiques et méthodologiques que dans sa gestion financière, notamment en matière de crédit. Les relations avec les ONG internationales ont été plus décevantes: AICF, en charge d'un volet important, s'est désengagé du projet en cours de phase tout en stimulant la création d'une ONG locale à partir de ses propres animateurs. Cette dernière reste entièrement dépendante de ses conventions annuelles avec le PSANG. ACORD a dû interrompre pendant trois ans ses conventions avec le PSANG et a finalement peu participé au projet malgré sa démarche méthodologique intéressante.

Le manque d'expérience locale dans l'exercice d'une mission complexe et ambitieuse a obligé l'UGP à engager de gros efforts d'explication et de négociation vis-à-vis des différents partenaires, y compris au niveau du gouvernement. Cela peut expliquer que « le projet » (l'UGP) ait parfois donné l'impression trompeuse de ne rien faire, alors que son rôle était de convaincre les autres à faire. En fait, l'UGP a joué un rôle essentiel d'information, de concertation et de coordination entre intervenants locaux, qu'aucune autre instance régionale ou nationale n'était en mesure d'assurer. Au plan méthodologique, l'UGP a manqué de capacités lui permettant d'adapter les activités du projet à la diversité des situations villageoises et des exploitations. Elle peut difficilement apprécier la cohérence des propositions techniques qui lui sont faites par les partenaires, qui restent souvent trop standardisées et évoluent peu. Elle est encore moins à même, de ce fait, d'orienter les travaux de recherche-développement. Le rôle des «chefs de composantes» est resté ambigu - conflits de compétence avec les opérateurs - et ces cadres ont été finalement sous-utilisés. Le partenariat que le projet (UGP et opérateurs) a établi avec les populations est encore trop "frileux". Les missions de programmation menées par les «équipes pluridisciplinaires» dans les villages sont trop superficielles (3-4 villages par jour) pour dépasser un simple recueil de demandes par rapport à un menu d'offres prédéfini. De ce point de vue méthodologique, pédagogique et organisationnel la contribution de l'assistance technique (UGP) a été décevante. Les modalités de sélection et les missions de celle-ci gagneraient à être mieux définies. Par contre, les missions d'appui ponctuelles, notamment en matière de crédit, ont joué un rôle positif.

Appréciation des effets du projet et de leur pérennité

Au niveau des bénéficiaires, c'est sans doute dans le domaine de l'augmentation des capacités d'organisation locales que les effets sont les plus perceptibles. Les groupements participent activement aux efforts contribuant à améliorer leurs connaissances ou se traduisant par un appui financier ou matériel. A travers la constitution et l'expérience de ces groupements le projet favorise une dynamique de changement social et économique. Elle se manifeste par une augmentation des groupes désireux de s'associer pour mener ensemble des activités appuyées par le projet. Mais elle est plus perceptible encore par le développement spontané chez certains groupements, d'activités diverses (commercialisation de vivres, système de solidarité entre membres en période de soudure...) parfois inspirées de pratiques traditionnelles. L'émergence récente d'unions locales de groupements préfigure sans doute des évolutions beaucoup plus importantes qui restent à se concrétiser en matière d'autonomie des organisations paysannes, de développement local et de décentralisation.

Les crédits aux activités économiques contribuent indéniablement à la sécurisation des populations. L'intérêt qu'elles manifestent à leur égard est d'autant plus grand que ces activités apparaissent comme des alternatives à l'exode saisonnier. Par ailleurs, le montage des demandes et la gestion des crédits et des remboursements par les groupements et les Comités Locaux de Crédit (CLC) a permis au fil des années une formation des responsables et un apprentissage diffus de la gestion et de la comptabilité dans une région encore peu monétarisée. Les difficultés rencontrées dans le remboursement des crédits de 1997 ont contribué à une évolution positive des mentalités tant dans les groupements que chez les agents du SECADEV. Il est clair que le terrain est aujourd'hui beaucoup plus favorable à l'établissement de véritables caisses d'épargne et de crédit, sans lesquelles la meilleure organisation de la demande sociale ne trouvera pas d'offre durable de services financiers.

En revanche, les effets du projet sont beaucoup moins perceptibles en ce qui concerne la sécurisation de la production agricole et l'augmentation de la productivité qui étaient les principaux bénéfices attendus selon le rapport de préévaluation. Les conditions climatiques ont contribué à une situation alimentaire relativement satisfaisante au cours des dernières années, mais dans le domaine de la protection des cultures, les solutions proposées par le projet ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels sont soumis les producteurs. Les travaux sur la conservation des eaux et des sols sont encore timides et les options techniques peu adaptées (effet accélérateur de l'érosion par les cordons pierreux tracés sans tenir compte des courbes de niveau, problème du transport des pierres non résolu). Contrairement aux attentes optimistes, on ne constate pas aujourd'hui de différence significative entre les rendements moyens à l'hectare des ménages bénéficiaires du projet et des ménages témoins.

Les enquêtes de suivi des ménages menées par l'UGP rapportent par contre une superficie cultivée et donc des productions par ménage et par actif légèrement supérieures chez les ménages bénéficiaires par rapport aux ménages non participants: de l'ordre de +20 à +30% au cours des trois dernières années. Ces chiffres sont difficiles à interpréter mais pourraient indiquer une meilleure capacité de mobilisation de la main-d'oeuvre familiale ou extérieure chez les ménages participants. On constate également une assez forte augmentation des superficies cultivées en oléagineux (sésame et arachide) bénéficiant de prix rémunérateurs sur le marché mais cette tendance apparaît aussi bien chez les ménages adhérents que chez les ménages non bénéficiaires.

Par rapport à l'objectif principal d'amélioration de la sécurité alimentaire, le projet à obtenu trois résultats importants: i) une meilleure maîtrise des stocks céréaliers au village avec les banques céréalières et les GSA; ii) une plus grande diversification des activités productives et génératrices de revenu (commerce, oléagineux, cultures maraîchères et fruitières...); et iii) une meilleure couverture sanitaire du cheptel et de l'aviculture.

L'indicateur synthétique du niveau de sécurité alimentaire des ménages (disponible vivrier en période de soudure) révèle une différence significative entre ménages bénéficiaires et ménages témoins. En moyenne, au cours des trois dernières périodes de soudure (juillet-septembre 1996, 97 et 98) le disponible vivrier par personne chez les ménages partenaires du projet a été deux fois supérieur à celui des ménages non bénéficiaires (40 kg de céréales per capita contre 22).

Disponible vivrier moyen per capita (kg de céréales en stock) en période de soudure

 

M. Juil-Sept 1996

M. Juil-Sept 1997

M. Juil-Sept 1998

Ménages bénéficiaires

64

34

22

Ménages témoins

31

21

14

NB: les récoltes 96/97 et surtout 97/98 ont été mauvaises du fait des conditions climatiques

On constate également, en 1998, une légère différenciation entre ménages bénéficiaires et témoins au niveau du cheptel moyen par famille (respectivement 7 bovins et 11 petits ruminants contre 6 bovins et 8 petits ruminants) et du taux d'équipement en biens durables (matériel agricole, postes radios…). Ces indicateurs d'effet n'étaient pas explicités dans le rapport de préévaluation mais convergent pour indiquer un début d'impact sur la sécurité économique et alimentaire des ménages adhérents aux groupements partenaires du PSANG.

Recommandations et leçons à tirer

Par sa démarche partenariale et participative et sa présence dans la durée, le projet a contribué à établir une certaine confiance dans la population et une capacité de projection dans l'avenir. C'est un résultat appréciable dans une région à risque alimentaire affectée par 25 ans de troubles civils et d'insécurité. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, le bilan de la première phase montre des acquis importants dans les domaines suivants: organisation du milieu, formation des hommes, amélioration de la sécurité alimentaire par le biais d'une meilleure accessibilité aux denrées alimentaires en période de soudure et d'une diversification des sources de revenu, accès au crédit. Ces acquis demandent à la fois une consolidation et un engagement plus déterminé vers le transfert de responsabilités aux acteurs locaux et surtout aux organisations paysannes.

La stratégie d'intervention du PSANG a permis une multiplication des groupements dans la zone du projet et a créé un cadre de concertation entre les intervenants locaux en milieu rural, les agents de terrain et les populations bénéficiaires. Ces synergies développées entre directions locales des opérateurs à Mongo et entre agents de terrain dans les villages constituent un gain très important du PSANG qui doit être préservé et renforcé. Les problèmes pratiques rencontrés dans le fonctionnement du partenariat local – niveaux décisionnels trop centralisés à N'Djaména (voir à Abidjan ou Rome), procédures de conventions annuelles lourdes et inadaptées, circulation insuffisante de l'information, conflits de compétence entre «chefs de composante» et opérateurs, retard dans l'exécution des audits, etc. – peuvent et doivent être surmontés par un montage institutionnel et un manuel de procédure assurant une plus grande décentralisation, davantage de souplesse dans la programmation et le financement et un contrôle a posteriori plus efficace.

Le renforcement et la création des organisations paysannes ont permis l'amorce d'une dynamique d'initiative pour le développement local. Cependant, le projet n'a que faiblement abordé le processus d'autonomisation de ces organisations. De même il n'a pas cherché à dépasser le niveau groupement pour considérer les communautés villageoises dans leur ensemble. L'approche du SECADEV privilégiant l'émergence de petits groupements constitués des éléments les plus dynamiques et les plus ouverts au changement dans les villages (notamment les jeunes hommes « qui ont voyagé ») a toute sa raison d'être. Cependant, elle ne facilite pas un ciblage de l'offre de services sur les plus pauvres, généralement représentés par les ménages dirigés par les femmes (veuves, divorcées...).

De fait, le projet n'a pas généré l'impact spécifique attendu sur les femmes, et en particulier les femmes chef de ménage. Les investissements qui pouvaient contribuer à la réduction de la charge de travail féminine (puits, charrette, moulins, etc.) ont été insuffisants. Une réduction de la charge de travail domestique des femmes reste une condition de leur engagement accru dans des activités génératrices de revenu. Dans ce domaine une attitude plus volontariste et proactive est nécessaire. Cette nécessité est déjà en partie prise en compte dans la nouvelle composante socio-sanitaire sous financement BSF. Elle pourrait se traduire aussi par une meilleure adaptation des autres services (crédit, alphabétisation, conseil technique, subvention de contrepartie aux équipements collectifs, etc.) aux besoins et projets spécifiques exprimés par les groupements féminins et par des incitations à l'émergence d'unions de groupements féminins.

L'impact du projet sur l'augmentation de la production céréalière pluviale - principal effet attendu - est très inférieur à des attentes beaucoup trop optimistes. Ce constat n'est pas spécifique à ce seul projet. La combinaison des contraintes lourdes de faiblesse de la main-d'oeuvre disponible, de manque d'équipement, de risque climatique élevé et de pression des ravageurs constitue un obstacle quasi infranchissable à l'intensification rapide des cultures céréalières pluviales sauf subvention massive et prolongée des intrants, équipements et aménagements fonciers. Dans ces conditions, et en l'absence de subventions bannies par les politiques d'ajustement structurel, les ressources engagées dans des services de vulgarisation classique comme ceux de l'ONDR sont en fin de compte d'une utilité limitée. C'est donc par des voies beaucoup plus diversifiées qu'il faut poursuivre l'objectif de sécurité alimentaire. Le PSANG a eu sans doute, dans sa conception initiale, une vision trop restrictive du concept de sécurité alimentaire, principalement centrée sur l'augmentation de la production céréalière locale en tenant peu compte de l'environnement géographique du Nord-Guéra. Les résultats du projet montrent qu'en plus des efforts consacrés aux cultures vivrières, l'amélioration de la sécurité alimentaire dépend également d'une meilleure gestion des récoltes, d'une augmentation/diversification des revenus monétaires (passant par une réduction des charges de travail domestique et par l'accès aux services financiers) et d'un meilleur accès des ménages au marché des denrées alimentaires. L'accessibilité en période de soudure peut être très largement améliorée, non seulement par les banques céréalières et les greniers de sécurité au village mais aussi par la construction d'infrastructures routières qui favorisent les échanges inter-régionaux. Ce dernier point est important dans le cas du Guéra étant donné les surproductions fréquentes de berbéré par la préfecture voisine du Salamat encore très enclavée en saison des pluies

Par ailleurs, l'approche "groupement" privilégiée par le PSANG ne résout que partiellement les problèmes de sécurité alimentaire des communautés étant donné que seuls les adhérents en bénéficient. Des banques céréalières villageoises pourraient remplir, mieux que les GSA, le rôle d'approvisionnement vivrier des ménages les plus démunis ou marginalisés qui n'ont pas toujours les moyens d'adhérer aux groupements.

Le crédit a permis de financer des activités génératrices de revenu, principalement de nature commerciale, qui ont contribué à l'amélioration de la sécurité alimentaire des adhérents des groupements. Les services de crédit n'ont cependant pas été conçus dans une perspective d'autonomisation, professionnalisation et pérennisation d'une institution financière rurale encore inexistante non seulement au Guéra mais dans toute la zone sahélienne du Tchad. C'est une des raisons pour laquelle le projet n'a pu fournir les services d'épargne monétaire, individuelle ou collective. L'importance de la demande de services financiers et l'impact positif de ces services militent pour le développement d'une institution financière décentralisée au Nord-Guéra. En matière de crédit, l'évaluation du PSANG confirme les leçons déjà tirées des autres expériences du FIDA en Afrique sahélienne et la justesse des nouvelles orientations politiques du Fonds dans ce secteur.

Le PSANG a créé des synergies entre les opérateurs locaux du développement rural mais ces derniers, en particulier les ONG préexistantes au projet, veulent jouer pleinement leur rôle en étant responsables des actions en amont (conception/programmation) aussi bien qu'en aval (exécution/évaluation) et acceptent difficilement d'être de simples exécutants. D'autre part, les agents qui doivent négocier les conventions sur le terrain n'ont pas suffisamment de pouvoir décisionnel. C'est au niveau national et international que les choix sont validés ou non, à la lumière des prévisions consignées dans le rapport de pré-évaluation. Or, il ne peut y avoir de véritable partenariat entre acteurs locaux sans possibilité de négociation locale des grandes orientations et des modalités d'intervention. A ce titre, c'est dès la phase de conception du projet que les principaux acteurs locaux du développement - organisations paysannes, ONG ou services publics - doivent être partie prenante de l'initiative. Un statut reconnu de co-financeur pourrait faciliter ce partenariat en amont des institutions de la société civile. Par la suite, le rôle d'une unité de coordination du projet doit être d'animation du partenariat, de facilitation de la mise en oeuvre, d'impulsion d'innovations et de suivi-évaluation.

Sur le plan de la stratégie de mise en oeuvre, le PSANG démontre que le choix d'une ONG nationale, compétente et installée durablement dans la zone d'intervention, comme opérateur d'une composante stratégique du projet, peut offrir au moins le même niveau de garantie que le choix d'un service étatique (par contre, cela n'a pas été le cas pour les ONG internationales associées au projet). Le PSANG démontre également l'inadaptation des procédures de conventions annuelles d'exécution, tout au moins avec les opérateurs principaux et en particulier ceux en charge de services de crédit. Des conventions triennales sembleraient beaucoup mieux adaptées à ce type de montage institutionnel. Plus généralement, la durée d'intervention dans des régions et pour des objectifs comparables à ceux du PSANG doit être plus longue que les sept années d'un prêt classique. A l'évidence, les premiers résultats que l'on peut raisonnablement atteindre après cinq ou six ans d'opérations effectives restent fragiles.

Les perturbations regrettables enregistrées en 1995/96 dans le partenariat liant le projet à l'ONDR, du fait de la mise en place nationale du PSAP, appellent une fois de plus à un plus grand effort de coordination entre bailleurs de fonds sous l'égide du Gouvernement. A posteriori, et au vu de l'évolution peu convaincante du PSAP et de sa méthode de vulgarisation, la plus grande modestie et des efforts de réflexion concertée s'imposent également à toutes les parties face aux problèmes irrésolus de l'appui à l'innovation technique et au développement agricole dans les zones sahéliennes défavorisées. La nécessité de la concertation et de la cohérence politique s'imposera également dans le domaine du crédit.  Dès lors que le PSANG 2 cherchera à implanter un système financier décentralisé durable au Nord-Guéra, le gouvernement et ses partenaires au développement devront s'assurer que l'atteinte de cet objectif ne sera pas entravée par la concurrence déloyale de «crédits projets» fournis par d'autres intervenants à des conditions financièrement et institutionnellement non viables.

L'Evaluation intermédiaire a recommandé que le FIDA confirme son engagement à financer une deuxième phase du projet, engagement déjà pris à l'occasion de la formulation en 1998 de la composante socio-sanitaire financée par le Fonds Belge de Survie (BSF). Afin de préparer cette deuxième phase, une extension de la phase actuelle au-delà du 31 décembre 1999 et au moins jusqu'à la fin de l'année 2000 est recommandée. Les fonds restants disponibles sur le prêt sont suffisants pour assurer la poursuite des activités du projet pendant cette période de conception et de transition interphase. Il serait très risqué d'interrompre les financements, en particulier pour ce qui concerne les activités de suivi des groupements et des crédits. La deuxième phase du PSANG doit être fondée sur la consolidation des actions positives de la première phase, l'autonomisation progressive des organisations paysannes mises en place et l‘institutionnalisation des services financiers (épargne-crédit d'une part, Fonds d'investissement local d'autre part), sans envisager d'extension géographique du projet au-delà du Nord-Guéra. Plusieurs autres actions importantes sont d'ores et déjà prévues dans le cadre de la composante socio-sanitaire (alphabétisation, hydraulique villageoise, santé…) qui devra être entièrement intégrée dans le nouveau projet. La durée de cette seconde phase devrait être de 7 à 8 ans.

La seconde phase doit appuyer l'établissement d'une institution de services financiers (épargne et crédit) décentralisée, professionnelle et durable, indépendante des activités d'appui-conseil des ONG ou de vulgarisation de l'ONDR et basée sur des caisses d'épargne et de crédit autogérées. La promotion de ce système financier décentralisé, en tant que composante spécifique du nouveau projet, devrait être confiée à un seul opérateur, si possible le SECADEV qui a accumulé une expérience importante en la matière, appuyé par une assistance technique spécialisée en matière de développement des SFD en zones sahéliennes marginales (par exemple le CIDR). Plus généralement, le projet devra s'investir plus explicitement dans le soutien à l'émergence d'opérateurs privés locaux, en amont et en aval de la production agricole et dont les activités sont indispensables au développement de l'agriculture et de l'élevage.

La deuxième phase devrait appréhender de manière plus large le concept de sécurité alimentaire qui constituerait toujours l'objectif central de l'intervention. Il faudrait soutenir cet objectif dans toutes ses dimensions – disponibilité, accès, stabilité – notamment par des actions permettant une plus grande accessibilité des ménages les plus vulnérables aux revenus monétaires et au marché vivrier et en poursuivant les actions réussies de gestion des stocks vivriers au village (GSA, banques céréalières). Etant donné les risques multiples auxquels les cultures pluviales de sorgho et mil sont soumises au Nord-Guéra, leur intensification, voire même leur sécurisation (protection phytosanitaire + DRS), n'est sans doute pas actuellement la voie la plus économique vers une plus grande sécurité alimentaire des ménages. L'appui à la diversification des activités productives et génératrices de revenu devrait être intensifié en fonction des spécificités et avantages comparatifs locaux, en mettant l'accent sur l'amélioration de l'efficacité des filières de rente en vue d'augmenter la production et la captation de la valeur ajoutée par les producteurs, en particulier les femmes (filières oléagineuses, maraîchères, gomme arabique, petit élevage, transformation agro-alimentaire, commercialisation/stockage, moyens de transport). L'amélioration des voies de communication est une autre action stratégique, de même que l'aménagement des bas-fonds et le développement de la traction animale (culture et transport).

Le montage institutionnel et l'organisation du projet au cours de cette seconde phase doivent être profondément révisés. L'UGP doit complètement se désengager de l'exécution des activités et réduire ses coûts de fonctionnement. Les postes de «chefs de composantes», anachroniques et sous-utilisés au cours de la phase 1, doivent être éliminés. Une UGP beaucoup plus légère devrait devenir l'organe d'une Association de Développement Local du Nord-Guéra qui passerait un contrat avec le ministère de tutelle et à qui seraient rétrocédées la maîtrise d'oeuvre et partie ou totalité des fonds du prêt. Cette Association de Développement Local devrait regrouper les représentants des associations paysannes (en particulier les Unions de groupements) et les ONG présentes au Nord-Guéra. L'association et ses membres passeraient des contrats avec des opérateurs locaux (privés ou publics) en fonction des projets élaborés par les organisations de base. Un tel montage institutionnel - inimaginable au début des années 90 - est aujourd'hui fonctionnellement et politiquement possible et souhaitable, grâce aux résultats de la phase I du PSANG et à l'évolution générale de la politique du Gouvernement tchadien. Il nécessitera cependant un clair engagement des ONG et services publics participants à décentraliser les pouvoirs de décision au niveau local.

La recherche de l'autonomisation des organisations paysannes doit se faire au travers du renforcement des Unions de groupements – par village et par zone - pour qu'ils arrivent à prendre en charge les circuits de commercialisation des produits agricoles et d'approvisionnement en intrants, les actions d'appui-conseil aux groupements, voire des projets d'aménagement fonciers ou d'infrastructures. Plus généralement, le type de relation entre les groupements et le « projet » doit se transformer qualitativement pour évoluer vers un désengagement réussi de ce dernier. Les relations de «bénéficiaires» à «développeurs» héritées des années 70-80 et encore fortement ancrées dans les mentalités doivent être dépassées pour donner un sens beaucoup plus concret aux velléités de décentralisation et de participation. A cet égard, le processus de formulation et de lancement de la seconde phase du PSANG est une occasion à ne pas manquer.

Le dispositif de suivi-évaluation du projet devra être révisé dans le cadre du nouveau montage institutionnel. Il devra être plus participatif et les dimensions d'auto-évaluation et d'échanges d'expériences entre groupements devront être renforcées. On recommande cependant que les enquêtes de suivi des groupements et de suivi des ménages qui ont donné des résultats satisfaisants au cours de la phase 1 soient maintenues au cours de la phase 2 pour assurer une continuité des séries statistiques sur les indicateurs les plus significatifs. A cet égard, un accord devra être conclu entre les partenaires du projet, y compris les organisations paysannes, sur un ensemble minimum d'indicateurs de l'impact attendu.

 

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