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Projet de Développement Agroforestier de Diourbel (1995)

30 novembre 1995

Résumé du rapport d'évaluation intermédiaire 

La zone du projet, d'une superficie totale de 252.000 ha, est constituée par les deux départements de Diourbel et de Bambey situés dans le bassin arachidier. La région, formée de vastes espaces sablonneux, sans relief, comporte une végétation arborée très clairsemée constituée principalement d'Acacia albida (kad). On ne rencontre en dehors du kad que quelques baobabs et rôniers. La région manque d'eau. Au cours de la dernière décennie, les précipitations moyennes ont été de 427 mm par an; avant 1984, la même région recevait en moyenne 700 mm par an. Il existe de très grandes variations de pluviométrie d'une année sur l'autre. Ceci entraîne, pour les agriculteurs, une grande incertitude et une gestion des ressources très conservatrice minimisant les investissements à court et long terme. Les densités humaines sont parmi les plus élevées du pays, plus de 110 habitants au km². Les taux de scolarisation sont très bas, surtout chez les filles. Il est rare de trouver dans les villages des personnes sachant lire et écrire.

Conception et objectifs du projet

Groupe cible

Il n'y a pas de caractérisation d'un groupe cible spécifique à l'intérieur de la zone d'intervention. Le groupe cible du projet est constitué de 7.000 familles, environ 70.000 personnes vivant dans les deux départements de Bambey et Diourbel. On considère en général que c'est une population très pauvre disposant d'un ratio de terres de culture assez faible et ayant un niveau nutritionnel inférieur à la norme. Le projet devait s'adresser aux organisations villageoises (groupement de base), et notamment aux Groupements de promotion féminine (GPF) et Groupements d'intérêt économique (GIE) existants.

Objectifs et composantes du projet

Grâce à des activités intégrées d'agroforesterie et de diversification de l'agriculture, le projet avait pour objectif de stabiliser la dégradation du milieu naturel et d'aménager les superficies cultivées sur 23.850 ha, d'intensifier la production agricole et d'améliorer la fertilité des sols sur 12.000 ha clôturés pour empêcher l'accès au bétail. L'objectif général était d'accroître les rendements, les revenus des paysans et d'améliorer le niveau nutritionnel de la population.

Les composantes du projet sont les suivantes:

i) composante agroforestière (36% des coûts du projet): le projet devait assister les paysans dans l'approvisionnement en salanes (Euphorbia balsamifera), en fil de fer barbelé et en piquets de rônier pour les clôtures de leurs champs. A partir de pépinières villageoises, le projet devait participer à l'installation de brise-vent autour des champs clôturés et promouvoir la plantation de kads à l'intérieur des parcelles. Le projet devait aussi encourager les paysans dans la production et l'épandage de matière organique produite par des fosses compostières, et dans l'utilisation des semences, engrais chimiques, produits phytosanitaires, culture attelée, nématocides à l'intérieur des parcelles (paquet technique complet).

ii) composante irrigation (14% des coûts du projet): le projet devait financer environ 123 ha de périmètres irrigués destinés à la production de mangues, goyaves et légumes, 48 ha en aval de six forages nouveaux au nord de Bambey, 45 ha autour de 30 puits neufs dans le nord de Diourbel, 30 ha autour de 60 puits existants, devant être approfondis, au sud de Diourbel. En outre, 20 forages étaient prévus pour la création de pépinières villageoises devant produire les plants destinés aux parcelles agroforestières.

iii) composantes crédit et activités génératrices de revenu (30% des coûts du projet): du fait que les actions agroforestières ne peuvent avoir d'effet qu'à long terme, le projet devait financer à crédit des activités génératrices de revenu (AGR), en priorité pour les femmes, et la production maraîchère et fruitière à partir des infrastructures hydrauliques dont il vient d'être question. Les AGR concernaient l'installation de moulins, le financement de Banques céréalières villageoises (BCV), ainsi que l'embouche bovine et ovine. Une ligne de crédit était destinée entre autres au financement d'intrants et d'équipement agricole pour l'agriculture pluviale et irriguée. Les crédits étaient directement administrés par l'Unité de gestion du projet d'une part, et par la Caisse nationale de crédit agricole au Sénégal (CNCAS) d'autre part.

iv) composante recherche-développement/suivi-évaluation (4% des coûts du projet): la composante recherche-développement comprenait le financement de la recherche d'accompagnement qui devait être confiée à l'Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA). Le suivi-évaluation devait être réalisé par une Unité de suivi-évaluation (USE) au sein du projet.

v) composante appui institutionnel (7% des coûts du projet): l'appui institutionnel devait financer l'unité de gestion du projet, la contribution à d'autres organismes comme les Centres d'expansion rurale polyvalents (CERP),la Direction de l'hydraulique (DRH) et la CNCAS.

Effets attendus et hypothèses

Outre les effets bénéfiques sur l'environnement, on attendait du projet un accroissement de la production de 518 pour le mil/sorgho, 157% pour les arachides et 154% pour le niébé. Il y aurait une production nouvelle de 532 tonnes de mangues et de goyaves, 577 t. de légumes, 642 t. de viande bovine et 46 t. de viande ovine. Les revenus par famille devaient passer de 358.000 à 570 000 FCFA. Le Taux de rentabilité interne du projet (TRI) était évalué à 12,68%.

La conception du projet se fondait sur un certain nombre d'hypothèses explicites ou implicites. Au niveau de la composante agroforestière, on estimait suffisante la disponibilité d'euphorbes pour les haies vives dans toute la zone d'intervention; possible la régénération naturelle d'Acacia albida grâce à la simple protection contre la divagation des animaux; viable un niveau élevé d'intensification et d'utilisation d'intrants, ainsi que possible l'utilisation de fosses compostières; réalisable la clôture d'une superficie de 5 ha. La composante irrigation considérait efficace la stratégie de réalisation des puits en régie par la DRH et assurée la rentabilité des périmètres. La composante crédit comptait sur une propension élevée à l'endettement et une capacité suffisante de remboursement des paysans; sur une réalisation ponctuelle des puits et forages pour les périmètres irrigués; sur une efficacité de gestion des groupements auxquels était destiné le crédit; sur une faible perception du risque de l'aléa climatique de la part des paysans.

Évaluation

Evolution du contexte en cours d'exécution

La mise en oeuvre du projet s'est déroulée dans une conjoncture marquée par les événements suivants: i) poursuite de l'ajustement structurel et du désengagement de l'Etat; ii) suspension des déboursements sur les prêts FIDA pour le Sénégal entre juin 1993 et janvier 1994; iii) incidence des aléas climatiques (1992); iv) dévaluation du FCFA de 50% en janvier 1994; v) modifications institutionnelles et changement de personnel.

i) La poursuite de l'ajustement structurel a eu un effet négatif indirect sur le projet dû aux difficultés et retards mis par l'Etat pour honorer ses engagements financiers concernant sa contribution au projet et à l'augmentation du coût des intrants importés suite à l'élimination des subventions; ii) la suspension des déboursements a provoqué des difficultés et retards importants dans le paiement des salaires et indemnités, des biens et services acquis et, d'une manière générale, de réglement des coûts liés au fonctionnement du projet (particulièrement l'entretien des véhicules). Certaines activités comme la formation ont souffert plus que d'autres de la suspension;

iii) la dévaluation a eu des effets négatifs sur le coût des produits importés financés à crédit (AGR et intrants), ceci se traduisant en un renchérissement des moulins, et surtout des pièces détachées nécessaires à leur réparation; iv) la faiblesse de la pluviométrie et sa mauvaise distribution ont eu à l'évidence un impact négatif sur les activités du projet entraînant un faible taux de survie des plants mis à demeure ainsi que de faibles rendements de mil, sorgho et arachide; v) les deux changements de direction du projet ne paraissent pas justifiés directement par le fonctionnement du projet, mais sont vraisemblablement liés aux mouvements du personnel au sein du Ministère de tutelle. Ils ont pu comporter des effets négatifs sur la gestion du projet dus aux délais de passation de services. L'Institution coopérante - la BOAD - a été réorganisée au cours de 1994, opération qui a comporté de remarquables retards dans le traitement des dossiers, notamment de ceux relatifs au volet hydraulique du projet.

Réalisations du projet

D'une manière générale, le projet n'a atteint que très partiellement les objectifs fixés. Au vu des difficultés rencontrées et dont il sera question plus loin, le volume des réalisations, notamment pour les volets agroforestier et crédit AGF, a été révisé à la baisse par la mission d'évaluation à mi-parcours effectuée par la BOAD en octobre 1993. Les principales réalisations du projet à la date de l'évaluation intermédiaire sont les suivantes:

Agroforesterie: 2.900 parcelles ont été clôturées (soit 25% des prévisions initiales du RPE) pour une superficie de 3.134 ha dans 144 villages avec l'utilisation de 390.000 plants de kad, 834.000 plants pour les brise-vent, 975 rouleaux de fil barbelé et la constitution de 1.185 km de haies vives de salanes. Seules 5 à 10% de ces parcelles sont efficacement protégées contre la divagation des animaux; un taux élevé de mortalité des brise-vent et des kads plantés a été enregistré.

Périmètres irrigués: pas un ha n'est encore irrigué par les nouveaux points d'eau, mais il y a eu 6 forages créés dont 4 utilisables pour l'irrigation. Le creusement de 20 puits forestiers destinés aussi à alimenter les pépinières villageoises est toujours en cours, sans que les pépinières prévues n'aient vu le jour. La production de plants en quantité, coût et qualité a été considérablement affectée, avec un impact négatif sur les réalisations agroforestières.

Crédit pour activités génératrices de revenu: la Cellule crédit du PAGF a octroyé 42 prêts pour l'installation des moulins, 52 prêts pour des BCV et 12 opérations d'embouche, soit un total de 107 prêts à 103 GPF. Le capital prêté a été de 97.584.000 FCFA et le taux de remboursement est de l'ordre de 78%. La CNCAS a octroyé 115 prêts dont 34 pour l'embouche, 49 pour les BCV, 31 pour l'achat de semences et un pour l'achat de matériel agricole, pour un montant de 83.890 FCFA, avec un taux de recouvrement de 88%. Tant la Cellule crédit du PAGF que la CNCAS n'ont utilisé qu'une partie infime des fonds - respectivement 1,8% et 16,6% en DTS - mis à la disposition par le FIDA.

Soutien institutionnel: cette composante a vu la construction de 10 logements/bureaux pour les chefs de zone du siège de la coordination de Bambey, la réfection et l'agrandissement des locaux du projet à Diourbel. La CNCAS a reçu 31 millions de FCFA du projet pour le fonctionnement de son bureau de Diourbel.

Recherche: la Direction de recherche sur les produits forestiers (DRPF) de l'ISRA a entrepris des essais sur les brise-vent, la jachère améliorée, la production de gousses fourragères. Pour les haies vives, les recherches ont porté sur les taux de survie. La Direction des recherches sur les systèmes et cultures pluviaux (DRSCP) a conduit des essais comparatifs de doses de fertilisants organiques et chimiques sur les rendements et sur les sols. La Direction de la recherche sur la santé et les productions animales (DRSPA) a conduit des essais sur la qualité alimentaire de cinq ligneux fourragers. Suivi-évaluation: la cellule de S&E du projet, constituée tardivement, n'a pas été en état de fournir une contribution significative à la gestion et au pilotage des interventions.

Appréciation des effets du projet et de leur pérennité

En l'absence de repères statistiques fiables dérivant d'une collecte systématique d'informations effectuée par le projet, même sur la base d'un échantillon représentatif, il est impossible de chiffrer le nombre de bénéficiaires effectifs, les effets et l'impact du projet. L'appréciation des bénéfices ne peut donc être que prudente et qualitative.

Les effets économiques. De façon indirecte, le projet a été à l'origine d'un accroissement de la production alimentaire, principalement le manioc. Dans une grande partie des parcelles correctement clôturées par les paysans, sur une superficie totale de 100-150 ha et avec un rendement de 8 t./ha, la production annuelle additionnelle serait de 800-1.200 t., commercialisée dans les villages et vers les centres urbains de la région à raison de 200 FCFA/kg. Le revenu additionnel ainsi généré pour les exploitations concernées devrait être supérieur à l'accroissement des revenus préconisé par famille. Il ne s'applique toutefois qu'à un nombre de bénéficiaires qui est sans commune mesure avec les prévisions. Aux yeux des paysans, la culture du manioc a plusieurs avantages sur les autres cultures, notamment sur l'arachide qu'elle tend à remplacer: elle permet de mieux affronter les périodes de soudure de la fin de l'hivernage, la commercialisation est davantage à l'abri des fluctuations saisonnières et la demande est importante. A l'intérieur des parcelles protégées se sont développées d'autres cultures, comme celle du mil, des arachides et de la pastèque. Celle-ci n'occuperait que des superficies réduites; elle constitue cependant une source de revenu souvent élevé, notamment pour les femmes qui cultivent d'autres plantes maraîchères comme les aubergines. Les parcelles agroforestières permettent aussi de procurer un surplus de fourrage que l'on peut stocker et utiliser en fonction des besoins. Ceci est particulièrement utile en saison sèche. Le fourrage ainsi mis à l'abri est aussi source de revenu pouvant être vendu en cas de besoin.

L'impact social. L'effet social et foncier de la clôture des parcelles agroforestières n'est pas encore tout à fait net. Ce qui est certain, c'est que ces parcelles jouissent d'un degré de privatisation supérieur aux autres. Tous les autres droits comme la vaine pâture et le droit de passage ont été éliminés. Le paysan est maître dans sa parcelle. Ceci a déjà entraîné une modification du paysage et de la topographie dans les villages comptant un nombre significatif de parcelles. Cette modification n'est pas sans conséquence sur l'aménagement du territoire villageois ni, surtout, sur l'utilisation de ce territoire par le bétail.

Impact sur les femmes. Les femmes ont elles aussi profité indirectement des parcelles agroforestières. Pour une fois, voici une activité où il n'a pas été exigé des femmes de fournir un certain travail (la préparation des clôtures était réservée aux hommes) et d'où elles tirent profit. En effet, les femmes ont pu cultiver des légumes et d'autres produits qui leur ont permis d'améliorer l'ordinaire. D'une manière ou d'une autre, les femmes, dans les villages où les moulins ont été installés, malgré leurs difficultés de gestion, ont vu leur situation s'améliorer. Un certain nombre de femmes ont aussi profité de la constitution de GIE à partir de GPF, ainsi que de la formation dispensée par le projet.

Impact sur l'environnement. L'intervention du projet a permis de renforcer la végétation à l'intérieur des parcelles agroforestières bien entretenues. Elle a eu hélas un effet inverse mais - espérons-le - provisoire à l'extérieur. Il y a eu une réduction des parcs naturels de salanes existants dans la région. Plus grave est l'action d'ébranchage effectuée sur les épineux et les kad existants pour renforcer les haies de salanes. Il est incontestable que les haies vives ont eu un effet sur la réduction de l'érosion éolienne. Les haies de salanes ont emprisonné le sable et, à l'intérieur des parcelles, on trouve beaucoup plus de résidus végétaux qui couvrent le sol.

Dynamique de développement et viabilité du développement agroforestier. La façon dont certains paysans ont intensifié la production agricole à l'intérieur des parcelles bien protégées fait que l'on regarde avec un oeil un peu moins pessimiste l'avenir du centre du bassin arachidier sinistré par une longue période de sécheresse et de monoculture. L'initiative des propriétaires a ainsi été stimulée pour diversifier les cultures, intensifier la production agricole, stocker des fourrages, des résidus des récoltes et de branchages à l'intérieur des parcelles. Certains y ont même installé un grenier, une case secondaire. D'où le nom de "coffre-fort" donné aux parcelles agroforestières. Plus importante peut-être encore que l'effet économique dû au développement de la culture du manioc est l'attitude des paysans à l'égard de ces parcelles. Elles sont l'objet d'une attention et d'un soin particuliers. Elles donnent aux propriétaires un surcroît de sentiment de sécurité qui serait à l'origine d'un regain de confiance dans l'agriculture après les dures années de sécheresse.C'est ce renouveau de la confiance et de l'espoir, conjugué avec le sentiment de la valorisation de la parcelle protégée et de réconfort ainsi procuré qui constituent les acquis (indirects) les plus appréciables de l'intervention du projet.Seule l'agroforesterie serait en mesure, dans les conditions particulières de la région de Diourbel, d'aider à l'amélioration de la fertilité à des coûts économiques acceptables non seulement par les agriculteurs de la zone, mais par la société en général. La contribution agroforestière pour le développement agricole dans la région de Diourbel peut être viable à condition que le paquet technologique déjà utilisé soit mieux adapté. L'expérience de cette première intervention - dans un milieu très difficile - aura ainsi servi à mieux affiner l'outil de développement, à mieux en cerner les limites et les potentialités.

Principaux problèmes rencontrés et recommandations

Les principales faiblesses du projet ont été d'ordre conceptuel, technique et institutionnel. Elles se sont répercutées négativement sur la quantité, le calendrier, la qualité des réalisations et leur coût.

Le rapport de préévaluation n'a pas fait suffisamment référence à la progressivité des interventions (en soignant notamment la place de l'animation au sein des activités), à leur caractère démonstratif, ni à leur prise en charge par les populations. En général, le projet a manqué d'une supervision rapprochée de la part de l'organisme de tutelle. La supervision externe de la BOAD s'est plus concentrée sur les aspects procéduraux que penchée sur les aspects qualitatifs du développement. Le double contrôle financier effectué a priori à Dakar et Diourbel a alourdi considérablement la gestion et a accru dans des proportions difficilement acceptables les délais de décaissement. Enfin, bien qu'il soit difficile d'envisager des actions agroforestières à Diourbel sans un réaménagement de l'espace pastoral, le projet n'a pas prévu d'actions sur l'élevage.

Les coûts de réalisation des actions agroforestières et de l'hydraulique ont dépassé les prévisions, à tel point que les ambitions de départ ont été réduites à la baisse lors de l'examen à mi-parcours. Pour les parcelles agroforestières, les objectifs sont passés de 12.000 ha à 6.000 ha. Les superficies qui seraient irriguées passent de 123 ha à 58 ha, tandis que le coût à l'ha a plus que doublé. Le creusement de 30 nouveaux puits et l'approfondissement de 60 puits existants a été écarté. Certains objectifs tels que l'aménagement de l'espace ou l'intensification agricole dans les parcelles semblent avoir été abandonnés.

Les parcelles agroforestières. Dans la conception des actions d'agroforesterie, il y a eu une accumulation d'erreurs d'appréciation qui ont abouti à un coût beaucoup plus élevé que prévu de la composante. On a prévu des parcelles trop grandes (5 ha), ce qui était irréaliste; on est passé à 1 ha, ce qui du fait des périmètres plus grands, a accru les besoins en fil barbelé, en salanes pour les haies vives et en plants pour les brise-vent. En outre, il y a eu une surestimation des disponibilités en salanes dans la zone du projet, d'où le recours à de la main-d'oeuvre pour la récolte et aux camions pour le transport. Les clôtures ont été réalisées en utilisant aussi des branches d'épineux morts, pratique qui était déconseillée par le projet afin de conserver le parc arboré existant. Par conséquent, la composante agroforestière n'a mis en défens que 25% des surfaces prévues, 5O% si l'on prend en compte les objectifs révisés. Les parcelles efficacement protégées contre la divagation du bétail représentent une petite partie (5-10%) de ces réalisations; elles sont entretenues régulièrement grâce aux efforts des paysans garantissant un apport de branchage pour renforcer la clôture. Les plants n'ayant pas été produits dans les pépinières villageoises ont été chers et ne sont pas arrivés dans de bonnes conditions aux villages, engendrant de faibles taux de reprise. Les fosses compostières réalisées ont été de qualité inégale. L'intensification de leur utilisation se heurte à la rareté de l'eau et des résidus végétaux.

Les périmètres irrigués. La composante périmètres irrigués a été insérée dans le programme de travail à la dernière minute, sans les études préalables de fiabilité technique. En ce qui concerne les travaux de génie civil, il y a eu une nette surestimation des capacités des institutions gouvernementales, comme les services de l'hydraulique. C'était une erreur que de vouloir réaliser les puits forestiers en régie. Les rendements des forages se sont révélés bien inférieurs aux prévisions. Les retards si importants dans la réalisation de cette composante ont eu un impact négatif sur la rentabilité économique du projet (absence de cultures irriguées) et sur la qualité et la quantité de plants destinés aux parcelles.

Les activités génératrices de revenu. La demande solvable de crédit agricole a été surestimée et le rôle du crédit surévalué. On a aussi surestimé la capacité d'endettement des agriculteurs, la rentabilité des activités financées, l'allure de réalisation des puits, forages et périmètres irrigués, celle du projet à créer des GIE qui accepteraient de s'endetter et enfin, l'efficacité de gestion des groupements auxquels est destiné le crédit. Les études de faisabilité préalables à l'octroi du crédit pour l'implantation des moulins, le suivi, la qualité de la formation et la gestion du volet crédit ont été négligées par l'UGP. L'éparpillement des AGR financées sur un grand nombre de villages a rendu plus complexe et moins performante la gestion de ces actions, la formation et l'assistance aux groupements. Leurs comptes d'exploitation ont été encore plus déséquilibrés après la dévaluation qui a augmenté les prix du carburant et des pièces détachées. Sur les 42 moulins financés, très peu pourraient être considérés, aujourd'hui, comme viables, c'est-à-dire ayant une provision suffisante pour faire face aux éventuelles réparations. Il n'existe pas d'information exploitable sur les résultats des BCV financées par le projet. L'absence de souplesse dans la gestion des BCV qui doivent garder des stocks ainsi que certains délais dans l'obtention des crédits au moment opportun, ont dû certainement en altérer le bon fonctionnement. Les activités d'embouche semblaient très prometteuses dans une zone d'élevage, notamment chez les populations Sérers. Les performances réalisées en termes de nombre de prêts ont été décevantes. Si les conditions d'attribution des crédits ont certainement réduit l'ampleur des activités d'embouche, les problèmes liés au fonctionnement des groupements bénéficiaires ont aussi un effet négatif dans la mesure où l'emprunt était collectif mais l'action d'embouche proprement dite individuelle.

Recherche. D'une manière générale, les résultats actuels ne peuvent pas être utilisés par le projet car les essais sont encore trop récents et doivent être répétés sur plusieurs années pour donner des résultats valables et fiables compte tenu de l'extrême variabilité des conditions agroclimatiques de la zone du PAGF. Il y a eu une collaboration très réduite entre le projet et l'ISRA. L'ISRA n'a associé à ses activités dans la zone du projet, ni le responsable de la cellule agroforestière ni les chefs de zone qui encadrent les paysans chez lesquels l'ISRA entreprend ses actions.

Formation, animation et vulgarisation. Les activités de formation ont été trop modestes. Elles ont été réalisées au coup par coup sans le bénéfice d'une conception d'ensemble, avec un recours trop faible aux organismes spécialisés qui sont pourtant nombreux. Il n'y a pas eu d'activité d'alphabétisation malgré une demande importante de la part des paysans. La qualité de la formation dispensée, aussi bien aux techniciens qu'aux agriculteurs, a été inégale. Ce manque de formation et d'animation explique une partie des échecs des parcelles agroforestières.

Recommandations pour une éventuelle deuxième phase

Il serait utile, pour lancer correctement une éventuelle deuxième phase, de connaître le profil socio-économique des agriculteurs ayant réalisé une véritable parcelle améliorée et celui des agriculteurs ayant clôturé leurs parcelles mais n'ayant pas su ou pas voulu exploiter cet investissement. Le climat revêt lui aussi une importance fondamentale sur le comportement des agriculteurs ainsi que sur la gestion et l'allocation des ressources à leur disposition. Durant la préparation de la deuxième phase, il est recommandé d'effectuer aussi une étude agro-climatologique.

Autant une seconde phase apparaît justifiée et prometteuse, autant il est nécessaire de s'entourer du maximum de garanties pour éviter les erreurs de l'action passée. Une éventuelle seconde phase sera conditionnée par des réaménagements importants aux quatre niveaux suivants: orientations, démarche d'intervention, organisation et gestion, techniques agroforestières.

Orientations

La deuxième phase devra situer l'action de développement agroforestier dans un cadre plus large d'aménagement de l'espace villageois, inspiré de l'approche terroir telle qu'elle est mise en pratique dans certains projets. On ne saurait développer l'agroforesterie sans une action parallèle et complémentaire sur l'élevage. Des actions modestes d'amélioration de la santé (formation de jeunes éleveurs, pharmacies vétérinaires villageoises, etc.) et de l'alimentation animale pourraient s'adjoindre aux activités d'embouche.

La production agricole pluviale devra être l'objet d'une plus grande attention, notamment à l'intérieur des parcelles agroforestières. Le projet devra accompagner et assister le développement de la production de manioc (choix des variétés, approvisionnement en boutures, fertilisation, rotation, contrôle des maladies, etc.), mais aussi participer à l'amélioration des cultures vivrières en général, comme le niébé et le mil ou de cultures maraîchères destinées exclusivement à l'amélioration de la nutrition familiale. Un effort important devra être poursuivi afin d'accroître les possibilités d'amélioration de la fertilité des sols sans qu'il soit nécessaire de recourir à des engrais chimiques. On devra certainement abandonner l'intensification telle qu'elle avait été prévue au moment de la préévaluation de la première phase. On pourrait envisager la fourniture de charrettes pour le transport du fumier et/ou de l'eau pour les compostières.

Quand le projet se terminera à la fin de 1996, les acquis les plus significatifs de la composante irrigation seront vraisemblablement l'achèvement des infrastructures de génie civil. Une éventuelle deuxième phase devrait fournir l'essentiel du support à la formation, à la vulgarisation, à la commercialisation et à la gestion qui a manqué pendant la première phase. Pendant les années de démarrage, il sera essentiel de limiter la densité des exploitants sur les périmètres irrigués, en se basant sur des comptes d'exploitation réalistes dressés d'entente avec les bénéficiaires. La formation des futurs irrigants ne devra pas être entreprise tant que les groupements formés pour gérer les périmètres irrigués n'auront défini de façon claire le mode d'appropriation et d'usage des terrains qui seront irrigués, les obligations des irrigants individuels ou collectifs quant aux frais de gestion des installations hydrauliques et des périmètres en général. On devra sérieusement prendre en compte l'opportunité d'établir des pépinières commerciales pour la production d'arbres ainsi que des dépôts pour le séchage et la conservation des oignons, de fournir des abris pour les marchés dans la zone des périmètres ainsi que des infrastructures sanitaires, et d'améliorer l'accès aux sites de production.

Démarche d'intervention

Il est important d'insister sur le fait essentiel que le caractère démonstratif et reproductible par les paysans est beaucoup plus important pour le succès du projet que les réalisations elles-mêmes. L'objectif serait non pas tant de réaliser des parcelles agroforestières que de démontrer que le développement de l'agroforesterie est possible, qu'il est à la portée des populations et que celles-ci pourront, sous certaines conditions, prendre en charge la restauration de la fertilité des sols.

Etant donné que l'agroforesterie est une action de longue haleine, il faudrait aussi accepter que son inscription dans les préoccupations et les habitudes des populations est lente. C'est la raison pour laquelle une éventuelle deuxième phase devra investir des efforts importants dans les activités d'alphabétisation, d'animation, de formation et d'organisation des villageois en recourant à la collaboration d'ONG expérimentées. Ces ONG devraient être identifiées assez tôt pour assurer, dans une phase-test, les activités d'animation dans trois villages par département afin de mieux identifier les actions de la seconde phase, la démarche d'intervention, les modalités de coopération avec le projet et les collectivités locales. Si la base d'intervention et sa justification principale devront rester l'agroforesterie, le projet devra être ouvert aux autres besoins de développement des populations et consacrer à leur satisfaction une partie de ses ressources. Le dimensionnement des actions et le rythme de réalisation du programme de travail du projet ne devraient se faire que sur la base des propositions des villages et de l'engagement de ceux-ci pour leur réalisation. Ceci implique une responsabilité accrue de la DP et un travail de suivi plus important et plus minutieux. Etant donné la nature du projet, il ne devrait pas comporter une analyse coûts/bénéfices rigide.

La seconde phase devra mettre sur pied un système de crédit mutuel villageois avec l'assistance d'une ou plusieurs ONG ayant déjà une certaine expérience dans ce domaine. Les villages participants disposeraient de ressources du projet dont la destination est définie au préalable avec les villageois auxquels sera donnée plus d'autonomie dans la gestion.

Organisation et gestion

L'adoption de la démarche participative implique aussi une modification profonde de l'attitude vis-à-vis de la population de ceux qui sont censés la mettre en oeuvre. La sélection du personnel devrait tenir compte de ces principes. En outre, la formation et la composition du personnel du projet devront être plus équilibrées en faveur des techniciens de l'agriculture et de l'élevage, et permettre une meilleure répartition des tâches avec les CERP. Il est indispensable que la philosophie de travail et d'intervention du personnel des CERP soit conforme à celle du personnel du projet.

L'organisation du projet en cellules devrait être revue. On pourrait par exemple n'avoir que quatre cellules: administration et finances, programmation, opérations et suivi-évaluation. L'essentiel du personnel technique serait organisé en sections des cellules programmation et opérations. Les chefs de zone seraient chacun responsable d'une liste de villages d'intervention.

Le contrôle des services financiers centraux et régionaux sur les activités du projet doit être complètement revu. S'il est nécessaire d'éviter toute irrégularité administrative ou toute mauvaise affectation des ressources du projet, il est tout aussi nécessaire de sauvegarder cet esprit de développement qui est à la base de l'assistance du FIDA.

Techniques agroforestières

La poursuite de l'installation des parcelles agroforestières dépendra d'abord de la réduction de leurs coûts pour le projet et pour les populations. Au cours de la seconde phase ou durant sa préparation, on devra essayer de trouver des solutions plus économiques et/ou plus efficaces. On devra étudier la viabilité de l'utilisation du grillage en métal ou en matière plastique, les possibilités d'intervenir sur une partie du territoire villageois qui serait mise en défens par les villageois pendant une période déterminée. Si la divagation des animaux est un problème important, c'est d'abord avec les populations qu'on pourrait essayer de le résoudre. Peut-être le coût du gardiennage d'une zone mise en défens serait-il nettement inférieur à celui des clôtures.

La production des plants dans les pépinières centrales devrait être abandonnée au profit des pépinières villageoises. Le choix des espèces à planter sera fait d'entente entre les techniciens et les collectivités villageoises, y compris les paysans qui plantent. Ceux-ci seront aussi consultés pour décider des densités, des espacements, des emplacements et des dates de plantation. Le projet pourrait financer l'installation de parcs à salanes dans les zones démunies, une fois mise au point et testée la technique de production, d'exploitation et d'utilisation de ces parcs, et si l'intérêt économique d'une telle action est confirmé. La récolte par main-d'oeuvre salariée et le transport des salanes par le projet devraient être abandonnés.

Leçons à tirer de l'expérience

En raison des conditions climatiques difficiles et de la faible fertilité des sols, la croissance des arbres est très lente dans la région du projet. Le temps nécessaire pour tirer les bénéfices d'une technologie agroforestière (haie vive bien fermée, effet brise-vent, amélioration du sol, production de fruits, bois, fourrage, etc.) sera donc nécessairement plus long que dans le cas des paquets technologiques conçus pour les cultures annuelles dans les stratégies agricoles classiques. La réintroduction durable de l'arbre et la restauration de la fertilité supposent en outre une transformation des systèmes de production qui ne peut être entamée qu'à long terme. Lorsqu'il s'agit de programmes agroforestiers au Sahel, le FIDA devra donc réexaminer son approche, notamment en ce qui concerne la durée des engagements financiers dans un cadre d'intervention plus vaste visant à l'aménagement de l'espace villageois. Une analyse des résultats des projets en cours d'exécution pourrait aider à se fixer des échelles de temps réalistes pour mettre en oeuvre des stratégies d'intervention appropriées en vue de l'introduction de technologies agroforestières adaptées aux différentes zones agro-écologiques.

L'insertion de la recherche dans ce projet ainsi que dans d'autres projets du FIDA n'a pas donné de résultats tangibles du fait non seulement de l'échelle de temps limitée mais aussi du manque d'interaction entre le projet et l'équipe de recherche et de la limitation des activités de recherche aux aspects biophysiques des techniques agroforestières. Bien que l'agroforesterie soit pratiquée traditionnellement par les populations locales sous forme de haies de salanes et d'arbres dispersés dans les champs, il devient impératif d'améliorer les systèmes existants pour les adapter aux conditions actuelles: climat, pression anthropique, exigences de l'économie monétarisée, etc. Proposer des solutions à ce vaste ensemble de problèmes impliquerait la mise en oeuvre d'un programme de recherche-développement nécessairement pluridisciplinaire financé sur une longue période et réinséré dans une étude globale des systèmes agraires. Il est nécessaire que la recherche accomplisse un pas supplémentaire pour ajouter à sa connaissance biologique celle du contexte technique et socio-économique, conditionnant le degré d'adaptation des thèmes et la diffusion en milieu paysan. Afin de changer les modalités d'intervention de la recherche, il est donc nécessaire: i) d'impliquer la recherche dès la phase de conception du projet, au lieu de l'utiliser seulement comme prestataire de services au moment de la mise en oeuvre des activités; ii) de prévoir une recherche socio-économique pour tirer profit des innovations des populations locales, conduire des études ex ante du potentiel d'adoption et d'impact, pour comprendre les motivations des paysans qui adoptent les technologies ou qui les rejettent.

L'absence de préoccupation de suivi, la négligence des activités de collecte et d'analyse de l'information dès le démarrage du projet, mais aussi une observation insuffisante de la réalité pourraient expliquer en partie les errements du passé. Les interventions d'un projet axé sur l'agroforesterie ne peuvent pas être considérées comme achevées avec la mise en demeure des espèces sélectionnées dans le cadre de l'application d'un paquet technique. Une supervision régulière et systématique qui prenne en compte les aspects qualitatifs ainsi que le suivi technique et socio-économique régulier sont une partie intégrante de l'intervention qui en assure l'adaptation et la durabilité. Il est donc indispensable que la programmation annuelle, tant au niveau du village que du projet, comprenne aussi bien des actions nouvelles que le suivi des réalisations.

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