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Special Programme Soil and Water Conservation and Agro-forestry in the Central Plateau (2004)

04 décembre 2004

Évaluation intermédiaire1

Le Programme Spécial de Conservation des Eaux et des Sols et d’Agroforesterie dans le Plateau Central du Burkina Faso (PS-CES/AGF) a débuté en octobre 1988 comme un des projets d’investissement les plus typiques et les plus ambitieux du Programme Spécial pour l’Afrique du FIDA. Sa première phase a touché quatre provinces (Passoré, Yatenga, Bam et Sanmatenga). Il s’est poursuivi par une seconde phase approuvée en décembre 1994 et démarrée en mai 1996, élargissant la zone d’intervention aux provinces de Boulkiemdé, Sanguié et Namentanga.

Le coût total du programme pour ces 15 années de mise en œuvre s’élève à 38,1 millions de USD dont 26,7 sur prêts FIDA (SRS 011-BF en phase 1 décaissé à 80% et SRS 044-BF et 0369-BF en phase 2 décaissés à 99%). La seconde phase a été co-financée par la BOAD à hauteur de 1,5 million de USD. La BOAD a également assuré la supervision du programme. La date d’achèvement de la phase 2 est prévue fin juin 2003, après un report d’une année.

Dans cette perspective et celle d’une éventuelle nouvelle intervention dans la zone, le Bureau de l’évaluation du FIDA a été sollicité pour conduire l’évaluation intermédiaire du PS CES/AGF2. L’objectif de cette mission était, dans un esprit d’évaluation conjointe et partenariale, de juger de la pertinence des actions et des approches menées, de mesurer leurs impacts et les changements induits ainsi que de tirer les enseignements pour le futur de ce qu’il conviendrait de poursuivre, de stopper ou d’améliorer.

L’évaluation intermédiaire a privilégié trois axes majeurs de l’intervention du PS CES/AGF à savoir: i) la conservation des ressources productives et la sécurisation de la production agricole; ii) les volets relatifs au financement du monde rural (crédits et subventions aux équipements et activités génératrices de revenus; ainsi que iii) les aspects liés aux renforcements des capacités locales.

La mission a travaillé dans la zone du programme du 24 janvier au 20 février 2003. Elle était composée de trois consultants et trois cadres de l’administration de tutelle. Elle a procédé à une autoévaluation facilitée de l’équipe programme en place, des visites de terrain, des rencontres avec les partenaires impliqués ou non dans le PS CES/AGF et la tenue d’un atelier de réflexion et d’échanges à Yako autour des constats préliminaires de la mission.

Contexte et conception du programme

Le plateau central concerne un quart de la surface du Burkina Faso et 43% de sa population. Avec un PNB par habitant inférieur à 240 USD, le Burkina appartient à la catégorie des pays les moins avancés (PMA). L’agriculture emploie 92% des actifs. Le plateau central était et reste l’une des régions les plus défavorisées du pays à cause de la pauvreté de ses ressources en sols (accentuée par une forte érosion) et de sa forte densité de population (70 habitants/km² et jusqu'à plus de 100 dans certaines provinces).

Les objectifs généraux du programme étaient d’une part la conservation des ressources naturelles et d’autre part l’amélioration durable de la production, des revenus et du niveau de vie des populations concernées. Le groupe cible était principalement constitué des ménages ruraux disposant d’une surface cultivée de moins de trois hectares, soit environ 40 000 exploitations (dont 20% dirigées par des femmes). Il correspondait à une population estimée entre 320 000 et 400 000 personnes répartie dans les 27 départements sélectionnés au sein des sept provinces d’intervention. Le PS CES/AGF devait bénéficier en plus à 4 000 jeunes et 1 000 femmes supplémentaires à travers ses composantes « promotion féminine» et «crédit rural».

Les principaux objectifs quantitatifs de la phase 1 étaient l’aménagement en CES de 28 000 ha de champs de case en organisation collective et 10 250 ha de champs de brousse en organisation individuelle. La création de 160 pépinières devait permettre au volet agroforesterie (AGF) de toucher au moins 10 % des superficies traitées en CES soit 2 800 hectares. Vingt pour cent de ces mêmes superficies devaient faire l’objet d’ «intensification agricole» via différents paquets technologiques. 2 643 tonnes de Burkina phosphate et 470 tonnes d’engrais NPK devaient être ainsi distribués dans ce cadre. Le volet recherche/développement devait s’attacher à répondre aux besoins d’innovation en matière d’intensification agricole et d’agroforesterie avec des thèmes prédéterminés. Un «fonds de développement villageois» devait promouvoir l’insertion des femmes au processus de développement via les COOPEC et financer d’autres activités connexes à l’agriculture et génératrices de revenus pour le reste du public cible.

La phase 2 prévoyait l’aménagement en CES de 27 500 ha en collectif, 30 000 ha en individuel ainsi que la réalisation de 780 digues filtrantes. Soixante pépinières nouvelles devaient permettre la fourniture et la plantation de 40 000 ha en agroforesterie. L’intensification agricole visait la restauration de la fertilité, la meilleure utilisation des sols et l’intégration de l’agriculture et de l’élevage.Vingt-quatre groupements d’éleveurs (sur 8 villages) devaient tester une opération pilote en matière de semi stabulation et contrôle des zones de pâturage. La promotion des activités féminines via 300 groupements prévoyait une dotation de 900 pousse-pousse, 50 moulins, l’introduction des foyers améliorés, l’alphabétisation et l’appui au développement d’activités rémunératrices via le micro crédit. 27 000 personnes devaient être formées dans le cadre du renforcement des capacités des organisations paysannes. La promotion des équipements agricoles était prévue par le crédit agricole avec une enveloppe garantissant en partie l’institution financière (CNCA) pour le financement de 1 500 charrettes. L’amélioration des capacités institutionnelles des services partenaires était conséquente mais non précisément quantifiée. Le PS CES/AGF 2 prévoyait enfin la construction ou réhabilitation de 180 forages équipés accompagnés d’une animation sur l’hygiène ainsi que la gestion et l’entretien de l’infrastructure .

Mise en œuvre et évolution

La stratégie d’organisation et de gestion de la première phase était basée sur la participation volontaire, massive et contractuelle des bénéficiaires à la réalisation des travaux dans le but de : i) minimiser les charges récurrentes; ii) maximiser les moyens et compétences locales; et iii) faire assurer à moyen terme l’autogestion du programme par les bénéficiaires. Le programme devait être exécuté en collaboration avec les institutions gouvernementales (CNCA, recherche agricole et surtout services provinciaux d’appui aux producteurs). La seconde phase restait basée sur les mêmes principes. L’UCP gardait un rôle d’ensemblier et de relais financier en assurant la direction technique, administrative et financière du programme.

Depuis 1987 le Burkina Faso a connu une forte évolution institutionnelle à travers : i) deux importantes réformes du Ministère de l’agriculture et de l’élevage; ii) la mise en place en 1992 de la politique d’ajustement sectoriel agricole gelant le recrutement dans tous les services techniques public; iii) la mise en place de la Loi 14/99 organisant les Organisations Paysannes par filières; iv) la création par arrêté interministériel en 2000 des Comités Villageois de Gestion de Terroirs introduisant un nouvel acteur fondamental dans le processus de la décentralisation, du développement local et de la gestion de terroir; v) la création de la province du Zondoma au sein de celle du Yatenga (loi n° 9/96/ADP du 24 avril 1996); et enfin vi) au niveau économique, la dévaluation du franc CFA en 1994.

Globalement la conception du programme a très peu évolué au cours de ces deux phases. Depuis 1987, les grands objectifs sont restés les mêmes ainsi que le mode opératoire.

Principaux résultats

Les sept provinces d’intervention du programme comptent 80 départements et 1 710 villages. À la fin de sa seconde phase le PS CES-AGF était intervenu dans 27 départements sur un total de 459 villages (75% des villages des départements sélectionnés et 27% de l’ensemble des villages des sept provinces). Conservation des ressources productives et sécurisation de la production agricole

En matière de Conservation des Eaux et des Sols (CES), le programme déclare avoir aménagé près de 89 600 ha en cordons pierreux (60% en sites collectifs et 40% en individuels) depuis 1987, superficie correspondant approximativement aux objectifs visés. Par ailleurs, 748 digues filtrantes, 32 500 ha de zaï amélioré et 324 ha de demi-lunes ont été réalisés. La mission ne peut se prononcer sur la fiabilité de la base de données. Les plans des sites aménagés ne sont pas géo-référencés au niveau des terroirs. L’état et l’utilisation des terres préalablement à l’aménagement ne sont pas spécifiés et la traduction en « superficie aménagée » de structures linéaires (cordons pierreux) installées sur des terrains non bornés n’est pas aisément vérifiable. Cependant, la qualité des réalisations semble globalement satisfaisante d’un point de vue technique. Le processus de réalisation était basé sur les services techniques publics (DRAHRH), les Équipes Mobiles d’Appui (EMA) du programme et les groupements villageois. Celui-ci est resté linéaire au cours des deux phases, sans véritable responsabilisation croissante du milieu villageois (paysans exécutants de la mise en œuvre). L’approche a été perturbée ces dernières années par la compression du personnel des DRAHRH (50% de l’effectif terrain en moyenne en place à ce jour). Le coût moyen d’un hectare aménagé en CES varie de 82 à 302 USD3 en fonction du mode de calcul adopté.

En matière d’agroforesterie (AGF) et sur la même période, les résultats présentés par le PS CES/AGF sont : Production de 2,6 millions de plants (90% de réalisation), mise en place de 182 pépinières (107%), accompagnement en régénération naturelle assistée (RNA) de 17 058 ha (79%), constitution de 45 groupements d’éleveurs dans 15 villages, mise en œuvre d’une opération pilote d’élevage en semi stabulation ainsi que des actions de végétalisation ligneuse et herbacée le long des cordons pierreux. Techniquement, certains résultats semblent prometteurs et intéressants notamment en ce qui concerne la démarche de RNA et d’élevage pilote. Par contre, l’approche s’est révélée non pérenne pour le volet plantation et pépinière (approche collective et non économique) et peu adaptée (propriété finale des plantations et bénéfice de l’exploitation de ces dernières non claires pour les paysans). Il est noté également une faible implication des acteurs sur les plantations. Le taux de survie après trois ans est peu encourageant (de l’ordre de 30%) comparativement aux coûts et efforts engagés.

En matière d’intensification agricole et depuis 1987, le programme a suscité la mise en place de 29 000 fosses fumières (112%), distribué 2.936 tonnes de Burkina Phosphate, formé 21 producteurs de semences améliorées ayant à ce jour produit au total 13,1 tonnes (maïs, mil, sorgho).La technique de compostage se révèle peu adaptée aux contraintes et capacités du monde rural (eau, matières premières, pénibilité du travail) et les volumes de production de compost sont loin d’être proportionnels au nombre de fosses fumières. D’autre part, l’approche adoptée en matière de diffusion de semences améliorées ne permet pas, à ce jour, de connaître le taux de diffusion en milieu rural, ni de garantir la pérennité du système.

En matière de Recherche/Développement, l’INERA a produit 16 fiches techniques en matière de CES/AGF et Intensification agricole. Celles-ci permettent de décrire les différentes techniques et de quantifier les résultats obtenus mais les données économiques et sociales restent à développer. Certaines propositions nécessitent de se rapprocher d’avantage des logiques, stratégies et moyens paysans (cas de la production de compost) pour espérer une adhésion plus satisfaisante.

En matière d’Hydraulique villageoise, le programme a mis en place ou réhabilité 201 forages fonctionnels avec une démarche performante. 60 nouveaux forages ont fait l’objet d’un marché qui doit être exécuté d’ici l’achèvement du programme. Les effets connus de ce type d’intervention ne sont plus à démontrer.

Financement du monde rural

En matière de crédits, au taux de 9% l’an et destinés exclusivement à l’acquisition de charrettes ont été accordés pour un montant total de l’ordre de 194 millions de FCFA (deux tiers du montant prévu). 351 groupements villageois ont été touchés par cette opération sur les 8 provinces et environ 16% des crédits ont été accordés au profit des femmes. Le taux de remboursement serait de 87%. Des difficultés sont à relever dans le déroulement du partenariat avec la BACB (ex CNCA) qui a, pour certaines campagnes, accusé de long délais de réaction pour l’examen des demandes de financement et la délivrance des bons de commande (jusqu’à 13 mois) et n’a plus respecté ses engagements à partir de 2001 en ce qui concerne le recouvrement des crédits qui lui incombait.

En matière de crédits court terme pour les activités génératrices de revenus, 1,09 milliard de FCFA de crédit ont été octroyés dont 64% pour les femmes. Il s’agit principalement de crédits pour le petit commerce (87%) et l’embouche (9%). Un total de 292 organisations d’épargne et de crédit de proximité ont été créées et/ou accompagnées (comptabilisant 8 338 membres, dont 76% de femmes) dont 249 caisses villageoises du RCPB. La moitié des villages d’intervention du programme ont été touchés par la mise en place de ces 292 OVEC mais toutes les OVEC ne sont pas des implantations favorisées par le PS CES/AGF (pré-existence de certaines). Le taux de pénétration de ces OVEC reste très limité (de l’ordre de 4%).

En matière de subvention aux activités de promotion féminine et d’aménagement CES, (subvention aux équipements), au total, 688 charrettes et 1197 pousse-pousse ont été distribués sous forme de subventions partielles ou totales (dans le cas des concours). Si les pousse-pousse étaient initialement destinés exclusivement aux femmes, l’attribution des charrettes devait être mixte. Dans les faits, leur attribution s’est faite exclusivement au profit des femmes. Pratiquement aucun équipement n’a servi aux aménagements CES tel que prévu. Ces derniers ont fait l’objet d’une pratique quasi générale de location.

Renforcement des capacités locales

En matière de Gestion de terroir, l’approche pilote, finalement conduite sur 8 des 15 villages prévus, a conduit, après une démarche participative, informative et formative à la réalisation de plans de développement villageois. Malgré la requête du programme lors de la revue à mi-parcours de 1999, aucun fonds n’a pu être dégagé pour la mise en œuvre des plans de développement villageois. Le programme a ainsi formé les responsables à la recherche de financement avec la difficulté, que l’on peut imaginer pour ces derniers pour la mise en pratique de cette formation (éloignement, analphabétisme, inexpérience en matière de négociation…). Aussi, est-il difficile, après 7 ans, de pouvoir se prononcer sur ce volet, excepté sur sa phase préparatoire qui, bien que longue (2,5 ans), semble maîtrisée par les villageois

Les principaux résultats en matière d’appui aux organisations paysannes ont été la conduite de deux enquêtes d’identification (1 264 groupements villageois sélectionnés), une typologie de ces derniers (93% non fonctionnels soit sans réelle activité), la formation de 21 684 producteurs dont 7 316 femmes sur des thèmes tels que la gestion coopérative, gestion des unités économiques et des équipements collectifs, planification et programmation des activités, mobilisation des ressources endogènes… Par ailleurs, 362 agents des services partenaires (DPA) ont reçu les mêmes thèmes de formation, ainsi qu’un accompagnement à la réorganisation des OP et à leur reconnaissance juridique suite à l’adoption de la loi 14/99.

En matière de formation le programme (phase 2) a dispensé 264 000 hj de formation sur 37 thèmes auprès des producteurs, des services d’encadrement et des cadres de l’UCP, dont 30 000 hj sur les techniques d’intensification agricole et plus de 21 000 hj sur le fonctionnement des organisations paysannes. Par ailleurs des formations spécialisées ont touché 324 bergers professionnels, 256 pépiniéristes et 19 artisans réparateurs de forages. 8 265 femmes ont été formées à la technique du foyer amélioré et 1 129 femmes ont été alphabétisées.

En matière de renforcement institutionnel, les principaux résultats obtenus ont été : i) la mise en place de 17 protocoles d’accord tous secteurs confondus (public et privé) et de 7 Equipes Mobiles d’Appui entre la phase 1 et 2; ii) l’abandon de la contractualisation villageoise annuelle; iii) la participation active dans la mise en œuvre des 8 Cadres de Concertation Technique Provinciaux et la tenue de 7 ateliers bilan-programmation réalisés annuellement avec l’ensemble des partenaires du programme.

Impact, adéquation et efficience du programme

L’évaluation a pu confirmer les nombreux impacts positifs du PS CES/AGF. Parmi les principaux, il est à noter l’amélioration du capital productif (terres) et de la production des exploitations agricoles : Les aménagements CES sur environ 90 000 ha4 (dont 5000 ha de terres improductives récupérées) et les mesures d’intensification agricole auraient permis un accroissement moyen des rendements céréaliers de l’ordre de 25% (passage de 400 à 500 kg/ha en moyenne) sur 20 à 30% des terres cultivées dans 459 villages. On peut estimer que 50% des terres cultivées par les 34 500 ménages bénéficiaires membres de groupements ont été aménagées à hauteur de 2 ha par ménage en moyenne. Par ailleurs environ 5 000 ménages auraient aménagé 20 000 ha supplémentaires « hors groupement » par effet induit sur des champs contigus. Au total on estime qu’environ la moitié des ménages des villages d’intervention ont bénéficié directement ou indirectement du programme. Au niveau de l’ensemble de la zone d’intervention, on peut estimer entre 7 000 et 9 000 tonnes de mil/sorgho l’augmentation de la production céréalière imputable au Programme. Par ailleurs, de nombreuses exploitations ont amélioré leur équipement (en particulier petit outillage et charrettes).

L’accès au crédit de proximité pour les 8 300 adhérents des OVEC a permis une augmentation significative des revenus monétaires à travers des activités de petit commerce et d’élevage. Globalement on estime à 815 millions de FCFA les bénéfices dégagés grâce au micro-crédit.

La sécurité alimentaire des ménages ayant aménagé leurs terres s’est amélioré au bénéfice d’au moins 350 000 personnes. La production annuelle moyenne de céréale par exploitation serait passée de 1600 à 1800 kg de mil/sorgho soit un passage de 80% à 90% de la couverture annuelle des besoins céréaliers d’un ménage moyen (estimée à 2 tonnes par an pour un ménage de 10 personnes). Ces moyennes couvrent naturellement des diversités importantes entre ménages. Il faut souligner en particulier que les solutions techniques proposées par le programme (cordons pierreux, zaï, fumure organique,…) sont toutes très exigeantes en travail. Les ménages ayant un nombre élevé de consommateur par actif et n’étant pas en mesure de se procurer une force de travail externe restent sans doute en situation difficile.

L’effet des aménagements CES sur la production agricole est beaucoup plus sensible en année de mauvaise pluviométrie (réduction de la vulnérabilité aux aléas climatiques). L’imputation au programme de l’amélioration générale de la production vivrière et de la sécurité alimentaire dans la zone d’intervention doit tenir compte du fait que la pluviométrie moyenne a été plus élevée au cours des dernières années qu’à l’époque de la conception initiale du programme.

Environ 233 000 personnes, dans 204 villages, ont bénéficié d’une amélioration de l’accès à l’eau potable et donc d’une amélioration de leur situation sanitaire (surtout chez les enfants) via la mise en place de 261 forages. Les femmes ont clairement bénéficié de ce volet hydraulique villageoise mais également des diverses mesures visant à alléger leur charge de travail (équipement de transport en particulier) ou à leur procurer la possibilité d’activités génératrices de revenus. Leur place au sein de la société villageoise a ainsi été modifiée grâce à leur pouvoir économique (elles sont notamment très majoritaires au sein des OVEC) et aux nouvelles connaissances acquises.

Par contre, les impacts attendus en matière de renforcement du capital social, des capacités locales et collectives n’ont pas été à la hauteur des investissements réalisés. En matière d’aménagement CES la stratégie de mise en oeuvre du programme a essentiellement reposé sur les services techniques étatiques et les EMA, avec une faible responsabilisation des villageois dont la principale contribution était sous forme de travail manuel. L’évolution des services publics depuis 10 ans (PAS de 1992) au niveau régional et provincial rend cette option manifestement anachronique. Le programme n’a pas su préparer les groupements et les villages (CVGT) à la maîtrise d’ouvrage de leurs aménagements fonciers, ni n’a suscité l’émergence d’opérateurs privés (à l’exception de quelques formations techniques pour des pépiniéristes et artisans réparateurs de forages). Il s’agit là sans doute de la principale erreur dans la conception et la mise en oeuvre de la seconde phase du programme qui affecte négativement les perspectives de durabilité du processus de développement engagé.

La contribution du PS CES/AGF à certains changements positifs tels que l’amélioration générale du couvert arboré, la diminution relative de l’exode rural et la forte baisse depuis 20 ans de la proportion des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté est difficile à évaluer avec certitude. De nombreux facteurs exogènes tels que l’évolution de la pluviométrie, le développement de l’orpaillage ou les opportunités d’émigration et d’emploi en Côte d’Ivoire ont tous joué un rôle important. De même, si 35 000 à 40 000 exploitations ont effectivement bénéficié des interventions du programme, la proportion du groupe cible atteint, à savoir les ménages plus démunis et vulnérables, ne peut être déterminée à travers les approches pratiquées.

Le programme a permis de valider ou de confirmer certaines techniques en matière de CES, d’agroforesterie (RNA), de conduite d’élevage, d’hydraulique villageoise ou de micro-crédit qui peuvent aujourd’hui se reproduire à plus large échelle. Par contre, peu de progrès ont été accomplis dans les domaines de la fertilisation, de l’intensification agricole et du reboisement qui sont essentiels dans un contexte de sédentarisation des cultures. Le volet Recherche/Développement n’a pas apporté d’innovation majeure répondant aux attentes paysannes mais à plutôt affiné des techniques déjà existantes et vérifié leurs résultats quantitatifs. L’évaluation de la rentabilité économique et financière de ces techniques et l’analyse de leur adéquation par rapport aux différentes catégories d’exploitation (disponibilité de force de travail, conditions d’accès au foncier, etc.) n’a guère progressé.

Le PS CES/AGF a illustré encore une fois toute l’importance et le potentiel du crédit de proximité et l’excellente réponse des populations à l’utilisation de ces derniers pour la mise en œuvre d’activités génératrices de revenus (en moyenne 75% de bénéfices nets après remboursement). Dans ce domaine l’enjeu est aujourd’hui celui de l’expansion et de la consolidation des réseaux de services financiers ruraux dont le taux de pénétration est encore limité. Par contre le renforcement institutionnel à travers les volets d’appui aux organisations paysannes, aux comités villageois de gestion de terroirs et aux services techniques publics n’a pas été à la hauteur des attentes et nécessitera une révision en profondeur des approches. La démarche de « Gestion de Terroirs » n’a pas été effective, ni dans la mise en place de plans d’aménagement globaux et contractualisés au niveau villageois, ni par rapport à la réflexion et la mise en œuvre de règles de gestion des ressources naturelles au sein des communautés.

De manière extrêmement synthétique l’appréciation portée par l’évaluation sur les résultats du programme par grands domaines d’impact appendice 5) est résumée dans le tableau suivant :

Domaines d’impact
Appréciation synthétique de l’impact
1. Ressources matérielles et financières des ménages (principalement capital foncier et équipement agricole)
3
2. Ressources humaines (principalement amélioration de l’accès à l’eau potable et formation)
2
3. Capital social et capacités collectives (renforcement des groupements et comité de gestion)
2
4. Sécurité alimentaire et économique (réduction du déficit vivrier et du risque alimentaire)
3
5. Environnement (réduction de l’érosion et rétention des eaux)
3
6. Institutions, politique et cadre réglementaire
1

(4= élevé; 3= substantiel ; 2= modeste ; 1= négligeable)

Leçons de l’expérience

Du point de vue méthodologique, l’approche préconisée au départ était pertinente (réponse contractuelle et responsabilisante à une demande villageoise organisée via des prestataires locaux permanents) mais n’a pas été mise en œuvre dans l’esprit du document de pré-évaluation. La systématisation de l’approche groupement n’était pas la plus adaptée à certaines problématiques (intensification agricole, reboisement/agroforesterie) et ne garantit pas l’atteinte du public visé (30% de la population seulement serait représentée au sein de ces groupements villageois). Les méthodes d’approche CES et AGF ont souffert d’un manque de réflexion et d’appui sur les stratégies à mettre en œuvre par rapport aux finalités ainsi que sur les conditions de la durabilité des dynamiques engagées. Le programme a concentré son attention et son énergie sur la réalisation physique des objectifs quantitatifs et n’a accordé qu’une attention limitée aux conditions sociales et institutionnelles de la pérennisation du processus de développement. Ce constat appelle une meilleure définition des objectifs de développement des programmes, l’élaboration de cadre logique plus précis et plus « qualitatif » et - encore une fois – la mise en place de dispositifs de suivi-évaluation capables (avec les moyens adéquats) d’effectuer non seulement un suivi de conformité mais aussi une évaluation de l’opportunité des actions et méthodes par rapport aux objectifs stratégiques et à la philosophie des documents contractuels. Enfin, ceci appelle une meilleure capacité des décideurs (Direction du projet, ministère de tutelle et bailleurs de fonds) à faire évoluer un programme en cours d’exécution. Certaines recommandations pertinentes émises dès 1993, puis de nouveau en 1997 par des évaluations externes n’ont ainsi jamais été suivies d’effet. Dans ce domaine essentiel du « pilotage stratégique » et de l’évaluation en cours de mise en oeuvre, la fonction de supervision par l’institution coopérante a encore une fois montré ses limites.

Le montage institutionnel et les partenariats décidés se sont révélés d’une application parfois difficile dans un contexte en forte évolution. Le pari de faire reposer la quasi-entièreté du programme sur les services techniques publics s’est avéré très tôt perdu en terme de pérennité. Il serait donc opportun dans le cadre de futures formulations de laisser des ouvertures afin de mieux répartir les tâches (conseils, formation, exécution, suivi) en fonction des types de prestataires (public, privé) sans hésiter, le cas échéant, à favoriser l’émergence d’opérateurs privés. Une approche d’accompagnement et des moyens flexibles et dégressifs devront alors être prévus dès le démarrage. Un audit institutionnel préalable des acteurs de terrain devrait être réalisé préalablement à toute identification de projet afin de mieux appréhender le niveau des compétences, des moyens et des capacités des opérateurs locaux ainsi que leurs objectifs, stratégies et coûts en tant que prestataires.

L’expérience du PS CES/AGF démontre également toute l’importance d’une stratégie géographique régionale et locale basée sur un ciblage technique. Aujourd’hui, il n’est pas possible de savoir ce que représente les 90 000 ha aménagés par rapport à la problématique de la zone, où sont les régions « d’urgence» encore à traiter, où sont celles à fort potentiel en terme de fourniture de moellons…Une stratégie de ciblage spatial en fonction des contraintes et potentiels n’exclut nullement une réponse ensuite contractualisée de vrai partenariat avec les villages concernés. L’approche globale bassins versants mérite aussi d’être re-étudiée afin de mieux intégrer l’indispensable protection des plans d’eau de surface (ensablement des barrages du Bam, de Yako, Ouahigouya…). De même, l’évaluation des actions réalisées et la programmation des investissements à venir sont difficilement envisageables à grande échelle s’il n’est pas possible de distinguer et mesurer sur carte et dans chaque terroir, la situation de départ, les réalisations du programme et ce qui reste à faire. Des moyens simples par photo plan et GPS pourraient ainsi déjà offrir un support ad hoc pour ce type d’action.

L’évaluation du programme révèle la nécessité de s’orienter de façon plus systématique vers une approche économique, financière et commerciale des actions proposées. Il est important que chacun puisse mettre un coût aux investissements et activités et mesurer leur rentabilité potentielle, que cela soit en matière d’aménagement CES, de production de compost, de semences améliorées, de reboisement…. Il est très regrettable qu’après quinze ans d’intervention, la rentabilité économique et financière des investissements proposés ne soit pas mieux cernée alors qu’en dépend la « transférabilité » des fonctions et l’estimation du niveau nécessaire et suffisant de subvention publique. Ce réflexe doit s’acquérir chez les responsables du programme mais également chez les partenaires d’appui et au niveau de la recherche. Les « bénéficiaires » le possèdent mais l’expriment souvent de manière plus ou moins intuitive par l’importance de leur réponse aux actions proposées.

L’évaluation du PS CES/AGF démontre encore une fois la nécessité d’études de base fiables et d’une meilleure connaissance des contraintes mais également des stratégies et pratiques de la population cible. Ces informations couplées à un pragmatisme qui fait actuellement défaut à la recherche permettraient de proposer des actions plus en adéquation avec le milieu et de faciliter leur adoption par le groupe cible.

Il est important de maintenir et renforcer les concertations entre les projets et entre les acteurs publics et de la société civile (organisations paysannes, ONG,…) afin d’assurer l’harmonisation des interventions au sein de mêmes villages sur des thématiques similaires (et/ou d’effectuer une répartition géographique).

Le PS CES/AGF montre également toute l’importance d’une contractualisation des engagements Projet/Public cible et l’importance de responsabiliser au maximum les acteurs locaux de façon progressive (aspects techniques, logistiques, administratifs puis financiers) puis de rechercher une dégressivité dans leur accompagnement. Parallèlement, il convient de réviser les ratios d’encadrement et d’adopter une stratégie de « montée en puissance » dans le nombre de villages touchés.

La problématique de la restauration et de la conservation des sols sur le plateau central est une course contre le temps. En 15 ans, la population est passée de 2 à 3 millions d’habitants environ. Or dans le même laps de temps, il n’a été possible de traiter que 20 à 30% de la surface avec un processus qui se ralentira de façon très significative en post-projet. Les leçons tirées du PS CES/AGF doivent permettre d’élaborer des programmes autorisant une accélération de la dynamique d’aménagement beaucoup plus axée sur des initiatives locales durables (si possible génératrices de revenus) assumant la maîtrise d’ouvrage et moins dépendantes d’«institutions-projet ». L’enjeu est de taille. Le plateau central accueille près de la moitié de la population du pays.

Recommandations

44. Compte tenu des acquis du programme, de l’ampleur du défi environnemental, agricole et humain dans cette zone, la mission d’évaluation intermédiaire recommande

  • La préparation d’une nouvelle intervention sectorielle sur la problématique de l’aménagement des terroirs agricoles (CES, AGF, eaux de surface et petite irrigation,…) et de la sédentarisation des cultures (gestion de la fertilité), subordonnée à la réalisation préalable d’études de fond indispensables à une nouvelle formulation, dont notamment: i) la réalisation d’un zonage mesurant l’évolution et les tendances actuelles sur le Plateau Central en matière d’érosion hydraulique ou éolienne; ii) une étude du tissu et des capacités d’intervention des opérateurs et des prestataires présents localement; et iii) la mise en place de mini-opérations pilotes visant à mesurer la faisabilité de certains nouveaux métiers ruraux (groupements de jeunes aménagistes en particulier).

  • La prise en compte des leçons du PS CES/AGF afin de s’engager dans une approche fondamentalement différente, avec dès le départ, une stratégie évolutive basée sur les acteurs locaux (organisations paysannes, PME et tâcherons locaux, CVGT,…) et un désengagement planifié de la structure projet. Dans cette perspective, la mise en place d’un fonds d’appui aux aménagements fonciers/agricoles, géré directement par les CVGT et/ou les OP et accompagné de mesures de renforcement des capacités et de recherche-action, pourrait être l’hypothèse de départ du travail de formulation.

  • Un programme de développement des services financiers (micro-crédit et autres) devant s’inscrire dans la stratégie des institutions financières locales mais avec des objectifs de taux de pénétration plus ambitieux et mieux partagé (actuellement seulement 4% après 15 ans d’intervention).


1. La mission d’évaluation intermédiaire était composée de M. Hubert Boirard, Chef de mission, spécialiste en institutions rurales, M. Bertrand Guibert, Agronome, Mme Corinne Riquet, Économiste, spécialiste en microfinance, et trois cadres de l’administration de tutelle.

2.Le PS CES/AGF a déjà été l’objet d’une évaluation à mi-parcours de sa première phase (FIDA, 1993), d’une étude de cas dans le cadre de l’évaluation du Programme Spécial pour l’Afrique (FIDA, 1997) et d’une étude d’impact des composantes CES/AGF/IE en cours de deuxième phase (FIDA, 2001).

3. Avec une base de 1 USD pour 65O FCFA.

4. La mission d’évaluation n’a pas été en mesure de vérifier ce chiffre de superficie totale aménagée par le Programme. L’impact positif au niveau des villages et ménages bénéficiaires rencontrés est indiscutable mais seul une enquête à grande échelle pourrait confirmer l’ampleur réelle de cet impact au niveau de la zone d’intervention.

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