Projet de Développement de la Pêche Artisanale - Phase I (1996) - IOE
Projet de Développement de la Pêche Artisanale - Phase I (1996)
Completion evaluation
La République de Djibouti est un petit pays de 23 000 km2 dont la population actuelle est estimée à 520 000 personnes sans compter les réfugiés. Les conditions naturelles sont extrêmement sévères (125 mm/an de pluviométrie et moins de 3% des terres du pays cultivables avec irrigation). La pêche a un poids extrêmement faible dans l'économie (0,1% du PNB en 1993 et 0,5% de la population du pays directement lié au secteur: pêcheurs, revendeurs et leurs familles) mais est considérée comme une des rares activités du secteur primaire ayant un potentiel de développement important. Il s'agit d'une pêche artisanale. L'essentiel de la flottille est constitué d'embarcations en fibre de verre de 5 à 10 m, motorisées. La ligne à main est la principale technique utilisée.
Conception et objectifs du projet
Les pêcheurs de Djibouti-ville, Obock et Tadjourah, les consommateurs pauvres et les revendeurs sont les principaux bénéficiaires ciblés par le projet. Leur nombre est estimé par les deux rapports de pré-évaluation (phase pilote puis deuxième phase) à, pour les pêcheurs et leurs familles 700 ou 3 000 personnes, pour les consommateurs pauvres 125 000 ou 150 000 personnes. Pour la deuxième phase, les éleveurs semi-nomade de Khor Angar (environ 400 personnes) et les femmes sont spécifiquement pris en compte.
Objectifs et composantes du projet
L'objectif général du projet est le développement du secteur de la pêche artisanale grâce à un accroissement de la production et de la commercialisation.
Le projet pilote de développement de la pêche artisanale (1980-85) a comme double objectif d'améliorer les conditions de vie et les revenus des pêcheurs et de leurs familles et d'accroitre la consommation locale de poisson frais en augmentant la disponibilité et l'accès au poisson des consommateurs pauvres de Djibouti. La seconde phase du projet (1985-93) a comme principal objectif la consolidation des réalisations de la phase pilote ainsi que la promotion des femmes dans les activités de vente et de transformation du poisson et la promotion de la pêche de subsistance dans le village de Khor Angar.
La phase pilote, comme la deuxième phase, consiste en la fourniture de moyens financiers, d'assistance technique et d'activités de formation pour augmenter la production, améliorer la conservation et la commercialisation et renforcer l'encadrement existant.
L'augmentation de production doit se faire grâce à la fourniture à l'ACPM de moyens de production à rétrocéder aux pêcheurs selon un système de crédit géré par la coopérative (embarcations en polyester, moteurs hors-bord, pièces détachées, matériel divers et engins de pêche); l'installation et l'équipement d'un atelier de réparation mécanique et d'un chantier naval; la fourniture de deux unités de pêche artisanale modernes pour l'expérimentation de "nouvelles" techniques de pêche; la construction d'un dépot de carburant pour la vente aux pêcheurs d'essence détaxée. La deuxième phase propose aussi la fourniture de bateaux à rames et d'engins de pêche aux habitants du village de Khor Angar pour encourager la pêche de subsistance et la formation et l'équipement de jeunes pêcheurs.
L'amélioration de la conservation et de la commercialisation passe par la construction et réhabilitation des installations de stockage et de distribution (machine à glace, chambres froides, caisses et camionettes isothermes) de la Pêcherie; la fourniture de caisses isotherme pour les houris; l'organisation du transport du poisson entre la coopérative et les poissonneries avec des camionnettes isothermes; la construction de poissonneries : neuf à Djibouti, une à Obock, une à Tadjourah, une à Dikhil et une à Ali Sabieh. Pour la deuxième phase, la participation des femmes doit être encouragée par la formation aux techniques de transformation ainsi que par l'accès au crédit et à la gestion de poissonneries.
Le renforcement de l'encadrement existant comprend la fourniture d'assistance technique aux responsables (un coordinateur de projet, un maitre pêcheur, un mécanicien, un conseiller en pêche, un spécialiste d'organisation coopérative); des consultants pour des missions spéciales à court-terme et des formations à l'étranger.
Le système de S&E est défini en detail en 1983 dans un document du département d'économie et planification du FIDA. Ce document inclue la definition du cadre logique (impact/objectifs de développement, objectifs immédiats, produits directs, intrants; hypothèses de base), indicateurs (un groupe par categorie logique), sources de données, relations causales, les études à faire, etc.
Le coût de la phase pilote était de 3,7 millions de dollars EU dont 2 millions financés par le FIDA; 0,7 millions par l'USAID; 0,23 millions par le FAC et 0,8 par le gouvernement. Celui de la deuxième phase était de 1,4 millions de dollars EU financé par le FIDA à hauteur de 1,1 miilions et par le gouvernement à hauteur de 0,3 millions de dollars EU.
De la phase pilote étaient attendus un accroissement de 470 t de la production, une diminution des coûts de production par un meilleur service de maintenance des unités et engins de pêche, une augmentation des revenus des pêcheurs de 400 000 à 600 000 FD, un renforcement des institutions, le développement de la recherche en matière de ressources halieutiques et techniques de pêche et une amélioration du niveau nutritionnel de la population.
La deuxième phase devait permettre un doublement de la production (1 159 t en 1990) dont 40% serait disponible pour l'exportation. La consommation de poisson de la population urbaine pauvre augmenterait jusqu'à un équivalent protéique de 8,7 kg/an.
La logique interne du projet reposait sur deux hypothèses majeures:
- L'ensemble des moyens mobilisés permettra un accroissement de la productivité et de la production des pêcheurs et donc de leurs conditions de vie et revenus.
- Cet accroissement de production, combiné aux moyens spécifiques de la commercialisation améliorera la disponibilité et la régularité de l'approvisionnement des consommateurs à des conditions de prix favorables.
Evolution du contexte en cours d'exécution
Les zones de pêches ont été réduites à plusieurs reprises. La côte nord a été interdite en 1980, puis entre 1991 et 1993. En effet, de 1991 à 1994, une guerre civile a déchiré le pays. A l'automne 1991, troubles et affrontements ont éclatédans le pays et ont affecté les villes d'Obock et de Tadjourah. La population d'Obock s'est enfui, de nombreuses embarcations et infrastructures ont été détruites. Des embarcations ont été saisies par l'armée pendant toute la durée du conflit. En 1985 et en 1989, les autorités somaliennes ont interdit leurs zones de pêche aux djiboutiens.
En 1988, l'USAID a changé de politique d'intervention. L'assistance technique américaine a quitté le projet; une subvention directe a été accordée au gouvernement.
L'ACPM était l'organisme par lequel passait l'essentiel des réalisations du projet. Selon son mandat, elle assurait trois fonctions principales:
- la vente à crédit d'embarcations, de moteurs et de matériel de pêche;
- la commercialisation du poisson livré par ses membres;
- la fourniture de services de réparation et d'entretien des embarcations et moteurs.
Des services complémentaires étaient fournis à prix subventionné: vente de carburant partiellement détaxé, vente de glace (gratuite jusqu'en 1984 puis à prix subventionné).
En 1993, l'ACPM ferme ses portes. En 1994, un gérant privé reprend une partie des fonctions assurées par l'ex-ACPM: vente de carburant détaxé et de glace. Quelques pêcheurs approvisionnent la Pêcherie qui commercialise cette production comme un point de vente privé.
Ont été fournis à crédit et à prix avantageux (environ deux fois moins cher que dans le privé), environ 54 embarcations en polyester de 5 ou 7m, 3 embarcations de 10 m et 140 moteurs. La "plastification" d'embarcations et les réparations ont aussi été réalisées à crédit (main d'oeuvre gratuite). Deux bateaux équipés de moteur ont été fournis au village de Khor Angar. Le remboursement s'effectuait par prélèvement automatique de 10% de la valeur de la production débarquée à l'ACPM. En fin de projet, le taux de remboursement des crédits était de l'ordre de 33%.,
Un chantier naval et un atelier mécanique ont été mis en place. Une série de "plastifications" des houris en bois a été entreprise. Six unités en polyester ont été construites puis le chantier naval n'a plus été utilisé. Aujourd'hui, l'atelier de mécanique est occupé par le mécanicien formé dans le cadre du projet.
Des navires (le "khor Angar", le "Khor ambado" et des vedettes en polyester) ont été fournis à la DEP pour la formation des maitres pêcheurs, pour les travaux de recherche pour l'évaluation des ressources halieutiques et pour l'expérimentation de nouvelles techniques de pêche. L'équipage du "Khor Angar" a surtout été formé pour l'utilisation du chalut, mais aucun coup de senne n'a été donné. Les nasses à poissons, les casiers à crustacés, les "sticks" ou palangrottes verticales et la pêche à la traîne sur tangons ont été expérimentés. Aujourd'hui, aucune des "nouvelles techniques" présentées dans le cadre du projet FIDA n'est utilisée par les pêcheurs professionnels djiboutiens.
Des recherches ont été entreprises afin d'évaluer plus précisément l'importance des différents stocks halieutiques, en mer avec le navire "Khor Angar" qui réalisa plusieurs campagnes expérimentales de chalutage, et à terre avec la récolte de données statistiques sur les débarquements. Une partie de ces études a été mise en valeur par la publication du livre : Poissons de Djibouti (Bouhlel M., 1988). Ces travaux ont été suivis en 1991 par un programme de recherche, financé par la coopération allemande (GTZ) et se poursuit à l'heure actuelle au niveau des principaux centres de débarquement par la collecte de données sur les captures et sur l'effort de pêche pour alimenter la base de données pour l'aménagement de la pêche (BADAP) gérée par la DEP.
La formation de professionnels issus de la filière pêche a été très limitée. Les programmes prévus pour les patrons pêcheurs et les mareyeurs n'ont pas été réalisés. Le Centre de Formation et de Perfectionnement des Pêcheurs à Obock (CFPP) a formé deux promotions de jeunes pêcheurs de 15 et 31 stagiaires. Par binômes, les élèves de la première promotion ont reçu une embarcation entièrement équipée. Actuellement, seuls les plus motivés des jeunes pêcheurs formés dans le cadre du projet sont occasionellement recrutés comme marins par des patrons pêcheurs. Le CFPP a été entièrement détruit pendant la guerre civile. La remise en état des bâtiments du CFPP est actuellement en cours grâce aux financements de Caritas et de l'Ambassade du Canada.
Des infrastructures de stockage ont été rénovées ou agrandies à la Pêcheris (l'ACPM), d'autres ont été installées sur les centres de débarquement d'Obock et Tadjourah ainsi que dans deux villes de l'intérieur du pays, Ali Sabieh et Dikhil.
La politique de commercialisation de l'ACPM était d'acheter la totalité du poisson débarqué afin d'encourager la production. En fait, la commercialisation assurée par l'ACPM n'a jamais concerné la totalité de la production djiboutienne et a baissé tout au long de la vie du projet. A partir de 1989, suite à des problèmes de trésorerie, l'ACPM ne payait plus comptant mais délivrait des bons de livraisons; la production livrée à l'ACPM diminuait car les pêcheurs préféraient vendre comptant aux revendeurs privés.
Des points de vente au détail ont été mis en place. Les poissonneries de Djibouti-ville ont dans l'ensemble fermé assez rapidement (2/9 sont encore utilisées aujourd'hui). Les étals du marchés central ont été agrandis et rénovés (28 étals en tout). A Balbala, 4 étals ont été ouverts puis abandonnés. A Obock, le marché au poisson a été dévasté pendant le conflit. A Tadjourah, Dikhil et Ali Sabieh, les points de vente et les chambres froides ont fonctionné peu de temps.
L'UNICEF et le CRS ont mené, en collaboration avec le projet des actions de promotion de la consommation de poisson.
Les femmes n'ont bénéficié d'aucune actions spécifiques: les crédits commercialisation n'ont jamais été attribués et la formation aux techniques de transformation du poisson n'a pas eu lieu.
Dans le cadre des activités du projet environ quinze homologues et assistants djiboutiens ont été formés "sur le tas" par les experts en place à Djibouti. Afin de consolider les formations du personnel de la DEP, huit cadres ont bénéficié de formations ou de stages de spécialisation à l'étranger.
L'assistance technique mobilisée au cours des deux phases du projet a été importante, sept experts étaient en place pour la première phase du projet et pour une partie de la seconde phase. De très nombreux consultants sont aussi intervenus sur le projet au cours des différentes missions de supervision ou d'évaluation ou encore lors de missions à court terme plus précises.
Le suivi de la gestion des crédits a été mal assuré. Le S&E des crédit a été absolument insuffisant. Certains pêcheurs ont remboursé plus que leur dû, d'autres n'ont pas remboursé du tout. Le projet a souffert d'une absence générale de suivi de ses activités. La supervision n'a pas été en mesure d'ameliorer cette situation.
Appréciation des effets du projet et de leur perennité
Bénéficiaires: une centaine de pêcheurs ont bénéficié des crédits dispensés par l'ACPM. Plus généralement, l'ensemble des pêcheurs du pays (270-300 personnes) a bénéficié, dans une certaine mesure de l'ACPM: vente de leur production, accès au carburant détaxé et à la glace à prix subventionné. Les revendeurs ou revendeuses ont bénéficié de la construction ou réhabilitation des étals du marché central et des différentes poissonneries (une cinquantaine de personnes). 46 jeunes ont fréquenté le centre de formation d'Obock. Des mères et des enfants malnourris ont été soutenus par les PMI (plus de 1000 familles).
Les crédits dispensés ont essentiellement permis de moderniser et de renouveller la flotille. Le nombre total d'embarcations ne semble pas avoir augmenté de façon importante et ce d'autant plus que si certains des bateaux et moteurs endommagés ou saisis par l'armée sont de nouveaux opérationnels, d'autres sont définitivement perdus. En revanche, cette modernisation a permis d'augmenter la productivité et la production du secteur. La production est passée de 250 tonnes en 1980 à 830 tonnes en dix ans. Le conflit a sérieusement affecté ce secteur. La flottille a repris assez rapidement son activité après la fin des hostilités mais la production semble aujourd'hui limitée par des problèmes de commercialisation et par un manque de moyens financiers des propriétaires d'embarcations pour faire face aux éventuelles pannes et réparations.
Effets sur les revenus des bénéficiaires: Un compte d'exploitation réalisé par la mission pour le cas d'une embarcation de 7 m en fibre de verre et d'un pêcheur actif et expérimenté montre que les revenus d'un patron pêcheur sont de l'ordre de 60 000 FD (340 USD) par mois et de 40 000 FD (225 USD) par mois pour un matelot. Ces revenus seraient en augmentation par rapport aux estimations réalisées par l'étude socio-économique de 1983 qui faisait varier le revenu d'un patron pêcheur entre 26 000 et 44 000 FD par mois.
Cependant, les pêcheurs correspondant à ce modèle de "pêcheur actif et expérimenté" sont actuellement une minorité à Djibouti. La majorité des embarcations et des pêcheurs est limitée par les difficultés à écouler la production et le manque de moyen financier et se situe bien en dessous de ce niveau. D'autre part, les obligations sociales et familiales font que les revenus sont rapidement consommés et que la plupart des pêcheurs n'arrive pas à mettre de l'argent de côté pour se prémunir d'une future panne ou pour assurer l'avitaillement nécessaire à une nouvelle sortie en mer. La consommation de khat s'avère être un des postes de dépenses les plus importants.
La diffusion des techniques de glaçage et d'éviscération a permis de diminuer les pertes après capture et de débarquer un poisson de bonne qualité.
La consommation de poisson demeure très faible, de l'ordre de 1,6 kg/hab/an.
Effets sur les revenus et les conditions de vie des femmes: Bien qu'elles n'aient que très peu bénéficié du projet et que le contexte social ne favorise pas leur insertion dans le marché de l'emploi, plusieurs femmes montrent un intérêt pour les activités liées à la pêche. Des femmes créent des points de vente de poisson, en plein air, dans les quartiers; d'autres apprennent à cuisiner le poisson et revendent du poisson cuisiné. Seule la pêche proprement dite reste une activité d'exception pour les femmes (il existe une seule femme pêcheur à Djibouti).
Appréciation de la durabilité du projet: Les réalisations du projet ont reposé sur l'ACPM qui ne s'est pas révélé une institution durable. Elle n'a pas fonctionné comme une coopérative gérée par ses membres mais comme un "prolongement" du DEP. Le système de commercialisation qui ne tenait pas compte des possibilités réelles d'écoulement ni des coûts de fonctionnement des infrastructures de stockage n'était pas viable. Le système de crédit a présenté des taux de remboursement tout à fait insuffisants et le fonds de crédit renouvelable a été utilisé pour résoudre les problèmes de trésorerie de la coopérative. L'ACPM a fermé ses portes en 1993.
Principaux problèmes rencontrés et recommandations
L'ACPM a souffert de nombreuses faiblesses: Elle n'a jamais été une coopérative indépendante; elle a toujours été très dépendante des services de l'élevage et des pêches (directeur identique, partie du personnel identique, pas de comptabilité séparée pendant de nombreuses années, locaux appartenant au SEP, subventions directes et indirectes). Les pêcheurs ont été peu impliqués dans les décisions la concernant. La gestion de l'ACPM avait comme objectif prioritaire d'encourager la production; les contraintes économiques n'étaient pas prises en compte. La comptabilité et le suivi des crédits ont été tout à fait insuffisants.
Le système de crédit n'était pas pérenne et a cessé avec le projet: Le taux de remboursement était largement insuffisant. Les pêcheurs évitaient le prélèvement automatique de 10% de la production débarquée pour remboursement des crédits en débarquant leur production aux revendeurs privés plutôt qu'à l'ACPM. Le fonds de crédit renouvelable a servi à répondre aux besoins de trésorerie de la coopérative et ne pouvait donc constituer un fonds de roulement durable. Et, les habitudes de non remboursement héritées de ce projet peuvent avoir des conséquences facheuses pour l'avenir. Les pêcheurs sont maintenant habitués à des crédits à prix subventionné dont le remboursement est "facultatif". Le crédit est assimilé à un "don" de l'ACPM.
Les UPAM avaient des objectifs trop ambitieux et le transfert technique était difficile: Il était techniquement très difficile pour les deux UPAM très aussi polyvalentes que le prévoyait leur programme (chalutier, fileyeur, ligneur, senneur et bateau de transport). Un patron pêcheur et son équipage peuvent difficilement passer d'une technique à l'autre tout en restant performant. Dans l'expérimentation des nouvelles techniques, la priorité a été donnée, par les maître pêcheurs expatriés aux techniques qu'ils connaissaient le mieux et qui correspondaient aux travaux que le projet avait initié D'autre part, le choix des techniques à promouvoir n'a pas été fait avec les patrons pêcheurs "leaders"; les essais n'ont pas été faits dans des conditions "réelles" et les différentes techniques proposées nécessitaient des investissements importants. Aussi, aucune des techniques expérimentées n'a finalement été adoptée par les pêcheurs.
La commercialisation est resté une contrainte importante: La politique de commercialisation de l'ACPM (achat de la totalité de la production débarquée) était irréaliste. Les prix fixés ne dépendaient pas des coûts de stockage et de fonctionnement ni même des variataions de l'offre et de la demande. Or, les infrastructures du froid sont souvent tombées en panne car le matériel n'était pas adapté aux conditions climatiques extrêmes de Djibouti. Ceci a accentué les difficultés d'écoulement en saison chaude. La demande locale de poisson est restée faible et orientée vers des espèces particulières (le Thazard est l'espèce la plus recherchée). La rentabilité des points de vente du projet n'était pas assurée; les charges d'eau et électricité étaient trop importantes. Et, les poissonneries étaient souvent mal situées.
Recommandations:
Les associations qui émergent actuellement devraient être appuyées et devenir des partenaires à part
entière des projets cherchant à développer le secteur de la pêche artisanale. Une approche participative permettrait d'évaluer avec les associations les possibilités et les modalités de développement de leurs activités et d'impliquer réellement les bénéficiaires dans les décisions et la gestion.
Un système de caisses d'épargne et de crédit doit être expérimenté et adapté à la réalité du pays et du secteur. Ces caisses devraient être gérées directement par les personnes concernés sans dépendre des services de l'Elevage et des Pêches. Les ressources de ces caisses peuvent provenir i) de l'épargne des membres, ii) de l'épargne et d'un don d'un bailleur, iii) de l'épargne et d'un prêt du secteur bancaire classique. Le plus important est d'expérimenter prudemment et notamment avec des montants de crédit limités (pas de financement d'embarcations et de moteurs) au moins dans un premier temps (habitudes de non remboursement héritées de l'expérience ACPM).
Les échanges d'expériences au sein des pays de l'IGADD dans le domaine des pêches artisanales doivent être encouragés en organisant des réunions et des voyages professionnels au niveau régional entre les différents groupes de la filière pêche (patrons pêcheurs, mareyeurs, charpentiers) afin de favoriser les transferts de technologies.
Les infrastructure de stockage devraient être réhabilitées car les problèmes d'écoulement au cours de la
saison chaude sont d'autant plus importants que les capacités de stockage sont très faibles. Il serait
important de prévoir des installations frigorifiques adaptées aux conditions climatiques très particulières
de Djibouti et de prévoir un budget important pour l'entretien. Ces infrastructures devraient être gérées
par une structure adéquate qui pourrait être le nouveau port de pêche autonome (voir le projet BAD).
Une étude de marché parait nécessaire tant pour préciser la demande locale que pour évaluer la possibilité de développer à nouveau les exportations.
De façon plus générale, plusieurs bailleurs (BAD, IGADD/CUE) financent ou vont financer des projets qui concernent le secteur de la pêche artisanale avec une approche plus ou moins différente de celle développée par le projet de développement de pêche artisanale financé par le FIDA. Le projet BAD développe une approche assez semblable, notamment sur le volet crédit (embarcations équipées fournies aux pêcheurs), prévoit une étude pour mieux définir les actions à mener en matière de commercialisation et de promotion de la consommation de poisson et va mettre en place des infrastructures de stockage importantes. La CUE cherche à développer une approche différente grâce à un projet régional concernant la formation et le crédit. En matière de crédit ce projet devrait permettre d'expérimenter une nouvelle approche: caisses d'épargne et de crédits avec forte participation des pêcheurs et revendeurs. La formation doit s'appuyer sur des échanges régionaux.
L'espace pour une éventuelle intervention du FIDA parait donc bien mince et ne pourrait, en tout état de cause, qu'être formulé après une analyse détaillée des réalisations et des manquements éventuels de ces deux projets.
Leçons à tirer de l'expérience
Une organisation créée par décision gouvernementale avec des statuts qui la rendent dépendante à la fois sur les aspects financiers (subventions directes et indirectes) mais aussi en matière de gestion (directeur nommé par le ministre qui prend l'essentiel des décisions) ne permet pas une implication active des bénéficiaires. Or, le manque de participation effective des bénéficiaires à la conduite des activités ne peut qu'amener à une irresponsabilisation et une incapacité à s'autogérer dès que l'appui technique et financier cesse. Pour favoriser la participation des bénéficiaires, un projet de développement devrait chercher à appuyer des organisations indépendantes de l'administration locale dont les statuts, les objectifs et les modalités de fonctionnement seraient établis par les bénéficiaires eux-même.
Une certaine séparation des fonctions est indispensable pour assurer une saine gestion. La fonction crédit doit en particulier relever d'une organisation spécialisée avec ses règles propres (exemple: critères d'attribution des crédits en fonction des capacités de remboursement).
Les crédits peuvent alors être gérés de façon professionnelle avec une évaluation et un suivi rigoureux des dossiers. Pour devenir un système de financement durable, un système de crédit ne doit pas avoir pour premier objectif la fourniture de matériel.
Le transfert de technologie ou l'introduction de nouvelles techniques de pêche nécessitent quelques précautions. Un transfert de technologie de type résine polyester et fibre de verre doit se faire de façon progressive en partant de l'amélioration très concrète d'une technique locale (la remise à flot d'un houri) et doit être accompagné de la disponibilité des matériaux nécessaires sur le marché local.
L'introduction de nouvelles techniques doit se faire avec l'aide de quelques pêcheurs "leaders". L'expérimentation doit impérativement respecter certaines règles: pêcher dans la même zone avec le même type d'embarcations, modifier progressivement une technique utilisée localement et démontrer, par une production supérieure, l'efficacité des nouvelles techniques.
La politique de commercialisation ne peut être entièrement déterminée en fonction d'objectifs d'encouragement de la production.
Les coûts de fonctionnement, de stockage, l'évolution de l'offre et de la demande doivent être pris en compte sous peine de conduire à la faillite du système. En particulier, les installations frigorifiques pour la pêche dans les pays chauds nécessitant des aménagements et un entretien particuliers, il vaut mieux préférer la qualité des installations à leur taille ou leur nombre; les modifier si nécessaire pour les adapter aux conditions climatiques et réserver une partie importante du budget à l'entretien.
Un système de S&E permanent et efficace est une condition nécéssaire à garantir une saine gestion du projet et la réalisation de ces objectifs. La supervision devrait garantir qu'un tel système fonctionne correctement et que les indications sur toute deviation des objectifs du projet se traduisent en actions correctives dans le meilleur delai possible.